Ces élections régionales contiennent-elles un message ? Peut-on dire que le peuple, renvoyant chacun des partis à son échec, a voulu faire entendre aux politiques qu’il était urgent de changer leur fusil d’épaule ?
À l'Élysée en tout cas, on ne l'entend pas de cette oreille. Une fois de plus la note dominante est l'autosatisafaction... « On ne change pas, on persévère » déclarait un ministre, répétant d'ailleurs ce que dit le Président Hollande depuis le début de son quinquennat. Jean-Christophe Cambadélis a eu beau insister sur la nécessité d'une « inflexion » de la politique gouvernementale en osant son « Il faut que cela change ». D se heurte au silence superbe de l'Elysée. Symbole au lendemain du Second tour : il n'y aura pas de revalorisation du SMIC cette année encore. Extraordinaires ces socialistes ! On peut dire que François Hollande est le grand gagnant de ces élections en demi-teinte. Il obtient le permis de continuer sans se remettre en question jusqu'en 2017.
Le camarade Julien Dray, de son côté, de manière sans doute plus réaliste, a compris que la seule chose qu'il pourrait changer, ce n'était pas la politique gouvernementale, c'était la cuisine socialiste en interne : « On va changer beaucoup de choses dans le fonctionnement de notre Parti. On va même peut-être changer de nom ». À défaut de changer de politique, comme l'exige de son côté désormais rituellement la maire de Lilles Martine Aubry, on va faire de la tambouille. La tambouille d'ailleurs, Manuel Valls lui-même est pour. Ce qu'il faut changer, c'est ce Parti socialiste qui ose juger un gouvernement issu de ses rangs. Depuis 2008, Manuel estime que « Parti socialiste c'est daté ». Alors effectivement, pourquoi ne pas changer de nom et, à cette occasion, élargir la Plate-forme politique du PS ? Le nom est tout trouvé d'ailleurs : après « Les Républicains », ne peut-on pas créer « les Démocrates ». ? Ca ce n'est pas daté, c'est moderne, c'est Américain. Pendant que le gouvernement travaille à la loi Macron II, pour infuser toujours plus de libéralisme dans les rouages économiques et dans le vécu sociétal, pendant
que l'on cherche à aligner le droit français et la société française sur le droit anglo-saxon et sur les sociétés anglo-saxonnes, autant essayer à nouveau d'amuser l'électeur en lui montrant qu'on change... La politique ? Non. Le Parti, pour le rendre toujours plus docile.
Dans l'échec historique de Claude Bartolone en Ile de France, ce plantage politique du troisième personnage de l'État après dix sept ans de gestion socialiste de la Région, on peut lire aussi l'échec de « l'ouverture à gauche » des socialistes, la disparition électorale programmée des communistes, du Front de gauche et des écologistes. La dictature verte n'a pas été du goût des Franciliens. Ils auront en échange, comme tous les Français, la dictature de la Pensée unique, de la Politique unique et en prime peut-être une mue du Parti socialiste,devenu un Parti centralo-gauchiste, gauchiste sur le plan de la culture, du vivre ensemble, des pseudo « valeurs républicaines » et européen sans état d'âme, c'est-à-dire anglo-saxon pour le reste.
Ce Parti centralo-gauchiste qui existe en espérance a déjà littéralement aspiré le Centre. L'échec du Modem dans la Région Aquitaine est cinglant. La très courte victoire d'Hervé Morin en Normandie ne donne pas envie de pavoiser. C'est que les centristes réels, avec le duo Hollande-Valls, sont au pouvoir et que le centrisme de M. Bayrou - hors sa bonne ville de Pau - est devenu franchement illisible. Et ce n'est pas l'éclatement des centristes dans ces micro-composantes électorales qui se retrouvent à l'UDI qui les rendra plus déchiffrables.
La droite qui marche n'est pas la droite du centre, cette droite de M. Juppé, battu sévèrement à travers son adjointe Virginie Calmels, c'est la droite forte et fière de ses valeurs, la droite Manif pour tous, comme l'a bien vu Madeleine de Jessey, la présidente de Sens commun , citant les succès de Laurent Wauquier, Valérie Pécresse et Bruno Retailleau. Pourquoi ? Oh ! La raison tient encore à une tambouille électorale : parce que dans cette droite là, beaucoup d'électeurs du Front national peuvent se reconnaître et ils votent pour ses représentants. NKM, qui le paye aujourd'hui de son éviction, est sans doute partie en guerre trop vite contre le « Ni... Ni... » de Nicolas Sarkozy, parce que ce « Ni FN ni PS » cache au fond un « Surtout pas socialistes » qui est électoralement seul payant pour la droite dans une France de droite.
Et qu'en est-il de la droite de la droite, le Front national ? Il est électoralement à son plus haut avec presque 7 millions de voix au Second tour, tout près du PS... Il a à nouveau surélevé le fameux plafond de verre, mais il s'y est à nouveau cogné. La dédiabolisation ne suffit pas, il faudrait maintenant trouver des alliés, faire des alliances et vite ! Le Front national est condamné à la cuisine électorale s'il veut réussir.
Alain Hasso monde&vie 14 décembre 2015