La mondialisation est brutale, sans beaucoup d'égards ni pour la planète ni pour les masses laborieuses, celles qui sont sa main-d’œuvre préférée car taillable et corvéable à merci. C'est vrai dans les pays dits du Sud, c'est aussi vrai dans nos vieux pays industrialisés qui vivent désormais une tragique désindustrialisation dans les victimes sont les territoires désertés par les entreprises désormais délocalisées et les ouvriers, à qui l'on a demandé parfois tant d'efforts de productivité pour mieux les licencier ensuite, « au nom de la compétitivité », ce dernier mot étant l'un des pires assassins du Travail français, de ses hommes comme de ses qualités et savoir-faire.
La mondialisation est « la guerre de tous contre tous », au moins sur le plan économique, mais les perdants de cette guerre sont d'abord les travailleurs quand les gagnants sont les multinationales et leurs actionnaires plus encore que les consommateurs...
En France, les ouvriers qui ont tenté de résister au rouleau compresseur de la mondialisation et de sa violence sociale, ont été, le plus souvent, écrasés, jetés à la rue malgré quelques promesses de reclassement, ou priés d'accepter des conditions de travail de moins en moins favorables pour, disait-on, « maintenir l'activité » : le chantage à la délocalisation et au chômage est devenu une stratégie patronale, puis une habitude. Un véritable scandale social !
Mais le monde ouvrier n'a plus guère d'alliés en France dans cette guerre asymétrique, et la République qui, dans les programmes scolaires d'histoire se donne le beau rôle de la défense ouvrière et des avancées sociales (et pourtant !), a repris ses vieux réflexes « bourgeois », ceux de 1791, de juin 1848 et des premières décennies de la IIIème, quand les gouvernements républicains faisaient tirer sur les mineurs et emprisonner les syndicalistes : l'affaire des neuf mois de prison infligés par le tribunal correctionnel d'Amiens à d'anciens salariés de l'usine Goodyear de la ville en est une preuve supplémentaire, qui fait suite à l'incroyable répression (pas forcément légitime, même si elle peut apparaître légale) de récents mouvements de colère ouvrière et qui peut laisser croire que la violence des puissances d'argent, celle des licenciements boursiers, est toujours « gagnante » et, même, acceptable dans le cadre d'une mondialisation qui aurait toujours raison... Triste logique, que le royaliste social que je suis, ne peut accepter !
Les multinationales se croient tout permis et les Etats semblent bien incapables, faute de volonté et de moyens de persuasion assumés, de ramener les grandes féodalités financières et économiques à la mesure et à l'équité sociale. En veut-on un exemple d'aujourd'hui même ? Les licenciements qui viennent d'être annoncés pour Alstom, à peine deux mois après l'acquisition de cette entreprise française par General Electric et malgré les promesses de cette dernière, avant la transaction, de ne supprimer aucun emploi et, même, ô hypocrisie suprême, d'en créer de nouveaux, sont un véritable pied de nez à la fois au gouvernementqui a fait semblant de croire aux fables de General Electric et aux salariés qui n'auront bientôt que leurs larmes et leurs poings serrés à présenter aux caméras, après tant d'autres... Et l'on voudrait qu'il n'y ait pas de colère, pas de désespoir chez ceux qui sont condamnés à perdre leur emploi alors que les décideurs de ces licenciements, eux, vont, pour certains, empocher des millions d'euros ! Mais de qui se moque-t-on ?
Pour en revenir aux peines de prison réservées auxouvriers de Goodyear abandonnés par la République de M. Hollande, elles me semblent d'autant plus scandaleuses que ceux-là même qui auraient été les plus légitimes à demander de telles sanctions avaient retiré leurs plaintes, et que c'est donc le parquet, qui dépend de Madame Taubira, garde des sceaux, qui a poursuivi les ouvriers qui avaient « retenu » (plutôt que séquestré, terme qui ne correspond pas exactement la réalité) deux cadres de la direction de l'entreprise, celle-là même qui annonçait la fermeture de l'usine d'Amiens-nord et le licenciement du personnel, raisons du coup de sang des travailleurs... Ainsi, c'est bien la République qui cherche, par ce jugement, à dissuader toute nouvelle colère ouvrière et à soumettre, définitivement, le monde des travailleurs français à ce nouvel ordre maudit, celui d'une mondialisation qui raisonne en termes d'argent et non en termes de personnes. Pourtant, comme l'affirmait Jean Bodin, « il n'est de richesse que d'hommes », et l'oublier serait faire le malheur des générations présentes et à venir...