En réponse aux malheureux rêveurs, l'Europe amasse des barrages contre le Pacifique, barrages qui ne tiennent pas plus longtemps que celui de Marie Donnadieu, l'institutrice coloniale. L'eau affouille les fondations des meilleurs obstacles et passe. Il n'empêche que plusieurs partis appellent à « rétablir les frontières » comme la panacée aux désordres allogènes du temps. Sauf à construire une ligne Challe¹ tout autour du pays, ligne qu'on peut moderniser en recopiant le modèle est-allemand, il est peu probable que l'on obtienne l'étanchéité en frontière garantie par les ténors de l'entre-soi, le mode opératoire des "passeurs" devenant juste plus compliqué, leur service plus cher* autant que sera augmenté le danger pour les clients ! Le commerce interdit, y compris celui des hommes, refleurira sur les sentiers séculaires de la contrebande et il y aura toujours la mer, ce sol inexistant qui ne se plante d'aucun poteau !
C'est justement là que le doute s'installe quant à la pertinence de développer l'Afrique de force comme y tendent les grandes organisations internationales : l'Amérique du Nord a joué la carte d'un enrichissement économique des bases de départ au Mexique en établissant une zone de libre-échange continentale. Mais l'Alena³ ne créa pas suffisamment de maquiladoras (manufactures mexicaines en zone franche) pour retenir la démographie surnuméraire du pays et rien ne dit que nous y parvenions mieux sur le continent noir : le Mexique, c'est 120 millions d'habitants, l'Afrique a passé le milliard. Certes le cynisme du business plan libéral botte en touche la contrainte démographique puisque les gens ne sont pas inclus dans le concept, sauf comme consommateurs dociles ! De fait, la mondialisation heureuse du capitalisme vainqueur vise à abaisser les barrières tarifaires et normatives mais conserve les frontières statistiques pour mesurer les flux et noter les progrès de la dérégulation. Ces frontières qui comptent les camions servent aussi à contrôler les humains. Les conséquences migratoires ne sont pas de son fait. Mondialisation & frontières vont paradoxalement ensemble. Sans céder d'avance au découragement – rien n'est jamais parfait en ce monde - préparons-nous à accroître sensiblement le développement de l'Afrique pour faire décroître la pression migratoire, mais nous conserverons les sas d'accès pour la pression résiduelle. Où mettre alors le Mur ? Dans sa marche à la fédération, l'Union européenne calque l'organisation de son espace sur celui des Etats-Unis d'Amérique : ils ont donc aboli les frontières intérieures pour accélérer le passage des biens et laissé circuler les ressortissants pour celui des services. En contrepartie de quoi ils ont renforcé le périmètre communautaire avec FRONTEX. Quand nous en aurons fini avec la crue orientale, quand un jour le Proche et Moyen Orient seront devenus simplement vivables, il restera à canaliser la crue de l'Afrique rêveuse, celle de la Peugeot jaune. La différence de niveau de vie, à l'heure où tout se sait des conditions d'existence qui prévalent ailleurs, est telle que l'Afrique versera longtemps son trop-plein démographique en Europe et la vidange africaine ne cessera que lorsque l'écart entre eux et nous ne sera plus assez grand pour motiver l'arrachement à sa famille, sa patrie, sans parler des risques pris. Dans les enceintes internationales, on convient que la seule réponse à l'émigration sauvage est un développement économique décisif des pays d'origine ; on attend donc que l'Europe cesse de se lamenter sur l'indolence des autorités de départ et déclare cette guerre à la misère - facile - mais surtout qu'elle la gagne. D'accord ! Mais il faut prendre la chose à bras le corps. Gagner convoque bien des principes à piétiner dont celui de non-ingérence, celui d'abondement permanent au tonneau des corrompus dont les fuites finiront bien par irriguer les pauvres, celui de libre copulation irresponsable - n'en déplaise au Vatican – et bien d'autres. L'affaire appelle aussi de gros moyens humains et matériels, du nerf - l'argent - beaucoup de nerf ; mais d'excellentes idées sont déjà au travail comme l'électrification continentale portée par Jean-Louis Borloo² !
En attendant l'étincelle d'un improbable consensus sur cet axe de développement si peu désintéressé, la Commission de Bruxelles renforce son dispositif FRONTEX. Les peuples d'Europe se demandent bien pourquoi avoir attendu l'invasion des Balkans par les Arabes pour aller au rempart alors que l'Italie méridionale est envahie par l'Afrique noire et appelle à l'aide depuis déjà longtemps ; à moins que Frontex ne soit pas aussi performant que vendu ! Comment tenir les intervalles entre les postes-frontières sans obstacles matériels ? Et voilà que les pays de l'Est tirent entre eux des centaines de kilomètres de barbelé concertinacomme des portes d'écluses brisant le mascaret migratoire. On sait d'expérience que les dispositifs contraignants bloquent d'abord les gens bien ou insignifiants, les criminels s'en accommodent et passent ailleurs, dessus, dessous. S'il est besoin de donner un exemple de frontière blindée et poreuse à la fois, il suffit d'observer le flux intarissable remontant du Mexique vers les Etats-Unis. Les pauvres qui ne franchissent pas le Rio Grande passent plus à l'ouest ou creusent des tunnels comme à Gaza !
Aussi, plutôt que d'annuler Schengen et ses avantages indéniables procurés aux échanges intra-européens, serions-nous mieux inspirés de blinder notre frontière commune extérieure en y portant les ressources de tous les pays de l'Union, puisque les intervalles à tenir appartiennent à tous... sachant bien sûr que la barrière ne sera jamais hermétique, du moins jusqu'au moment où nous ne nous revendiquerons plus des valeurs chrétiennes qui nous privaient de tirer sur autrui pour défaut de papiers.
1. Nom de son concepteur qui fut donné à la barrière infranchissable édifiée pendant la guerre d'Algérie à la frontière tunisienne
Sortons nos idées pour développer l'Afrique autant que nous pourrons l'y forcer afin de gérer les flux résiduels avec humanité ; déployons partout où c'est nécessaire une diplomatie de stabilité qui nous évitera les contre-chocs du désordre comme nous les subissons par la désintégration des dictatures arabes ; et sortons à la fin nos drapeaux. Les solutions ne sont jamais si simples qu'elles puissent se décider entre deux tournées au comptoir des partis populistes. Espérons que l'intelligence reconnue d'une nation menacée comme la France lui permettra d'inventer le paradigme salvateur au cœur d'une Europe plus ou moins défendue, se battant dans le camp des gagnants de la mondialisation. Nos princes ne sont pas que les héritiers d'un glorieux passé national mais citoyens du monde avec l'ouverture d'esprit qu'offrent leur éducation particulière, leurs alliances et leur position. Est-ce trop demander qu'ils nous inspirent !
*. Assertion provenant du reportage d'Adéa Guillot paru dans Le Monde du 17.12.2015 (note ajoutée)
2. « Énergies pour l'Afrique » vise à électrifier tout le continent noir, 70% des habitants n'ont pas le courant. Les soutiens sont attendus sur « le site »
3. ALENA : Accord de libre-échange nord-américain - Marché commun entre le Canada, les Etats-Unis et le Mexique limité aux biens et services marchands. Voir la Hopperie qui suit dans le numéro 66 du Lien légitimiste
Clic ! |
Le Lien Légitimiste
2 Le Petit-Prix
37240 La Chapelle Blanche Saint Martin
(bimestriel exclusivement sur abonnement 30€, service électronique à 10€)