Seulement 136 députés étaient présents pour discuter des amendements autour de l’article 1 de la révision constitutionnelle (qui en compte deux). Même eux se rendent compte que c’est beaucoup de bruit pour rien face à la réforme pénale.
Les rares députés présents dans l’hémicycle ont adopté, lundi soir, l’article 1 de la révision constitutionnelle, qui prévoit d’inscrire l’État d’urgence dans la loi fondamentale. Mais 400 et quelques députés absents alors que le sujet est supposé être assez important pour être gravé dans le marbre de la Constitution, donne une bonne idée de l’enfumage auquel nous avons eu droit sur le sujet… sans parler bien sûr du professionnalisme sans faille de nos représentants.
Mis à part certains écologistes, le Front de gauche et certains députés de droite opposés à la mesure, le texte a donc été confortablement adopté. En pure perte d’ailleurs, puisque rien ne nécessitait d’inscrire l’état d’urgence dans la constitution, hormis des considérations malhabiles de communication.
Le prétexte de tout ce raffut est de permettre un meilleur usage de l’état d’urgence dont nous aurions tant besoin pour assurer notre sécurité en cas de crise. En réalité, c’est surtout un beau rideau de fumée qui masque le projet de loi « renforçant la lutte contre le crime organisé et l’efficacité de la procédure pénale ». Celui-ci veut pérenniser certaines mesures de l’état d’urgence, rendant donc l’inscription de celui-ci dans la Constitution vide de sens. Voici les principales :
• Le renforcement des pouvoirs de la police
Les forces de l’ordre seraient autorisées à fouiller les bagages et les véhicules sur simple demande du préfet et de procéder à des contrôles d’identité, hors suspection de délit et même de retenir une personne sur simple soupçon de lien avec « des activités à caractère terroriste ». À noter qu’aucune définition du terme « terrorisme » n’est donnée par le texte.
Enfin, les forces de l’ordre devraient pouvoir bénéficier d’un principe « d’irresponsabilité pénale », même « hors cas de légitime défense » pour mettre hors d’état de nuire des terroristes.
• La surveillance d’Internet
Le projet de réforme criminalise (ans de prison et 30 000 euros d’amende) la simple consultation de site Internet dont le gouvernement jugerait qu’ils « provoquent directement à la commission d’actes de terrorisme ». Il revient au ministre de l’Intérieur de désigner les sites « faisant l’apologie du terrorisme ou incitant à des actes terroristes ».
• Les assignations à résidence
Le projet de réforme de procédure pénale vise à rendre permanente cette disposition de l’état d’urgence en donnant la possibilité d’assigner à résidence, pour une durée maximum d’un mois, les personnes soupçonnées de s’être rendues à l’étranger pour participer à des activités terroristes.
• Les perquisitions de nuit
Le projet de loi prévoit que les perquisitions de nuit, dont l’autorisation était jusqu’alors donnée par un juge, puissent être directement et normalement ordonnées par le préfet ou le procureur.
Bref, que restera-t-il à l’état d’urgence ? Un contrôle accru de la liberté d’expression, notamment sous forme de manifestation et de réunion. On sait au moins à quoi s’en tenir quand il sera décrété…
C.D.