L’actualité politique a été évidemment marquée, ces derniers jours, par le remaniement ministériel, a minima, qui, toutefois, a moins fait gloser que le départ bouffon de Taubira, qui l’a précédé de quelque jours.
Il est vrai, que dire du retour de Ayrault en remplacement du catastrophique Fabius promu à la présidence du Conseil constitutionnel, de l’arrivée de trois ministres écologistes, d’un retour au respect strict de la parité dans l’équipe ministérielle ou de la création de secrétariats d’Etat à l’intitulé démagogique — on croyait avoir tout vu, en 1981, avec le ministère du temps libre ? C’était sans compter des équipes de communicants pouvant vendre n’importe quoi à un François Hollande, voire à un Manuel Valls qu’on pensait plus lucide, totalement dépourvus du sens du ridicule. Croient-ils que les Français, confrontés, sur leur sol, au terrorisme islamiste, au déferlement migratoire et à l’aggravation de la crise économique, n’aient d’autre attente que la création d’un très stalinien secrétariat d’Etat à l’égalité réelle (sic), d’un autre, lacrymal, à l’aide aux victimes ou, d’un troisième, très politiquement correct, aux relations internationales sur le climat et à la biodiversité ? Alors qu’en temps de crise une équipe resserrée s’impose pour garantir la cohérence de l’action, Hollande, en homme de la IVe, a fait le choix inverse : satisfaire tous ceux qui pourront, pense-t-il, l’aider à gagner en 2017, des radicaux de gauche, avec le retour de leur président, Baylet, ancien ministre, ancien député, ancien sénateur, et présentement puissant homme de presse, qui jappait d’impatience depuis le début du quinquennat, aux deux tendances écologistes : EELV par la personne d’Emmanuelle Cosse, et la dissidence. Non sans que cette promotion d’arrivistes notoires n’achève une mouvance qui, depuis sa création, n’a jamais su donner que le pire des spectacles politiciens, ce qui est assez naturel pour un parti dépourvu de tout sens de la cité : il est alors condamné à n’être que sa propre caricature, l’ambition personnelle ne pouvant prendre le masque de la recherche du Bien commun.
Hollande pense-t-il ainsi neutraliser les écologistes comme Mitterrand l’avait fait des communistes ? Si oui, un référendum sur Notre-Dame-des-Landes n’est pas, à ses yeux, trop cher payé. Outre sa légalité incertaine, celui-ci montre surtout combien notre chef d’Etat se défausse lâchement sur une fraction du pays réel — laquelle ? —, de la poursuite, ou non, d’un projet insensé qui n’a pour lui que d’être soutenu par les potentats locaux du pays légal, droite et gauche confondues, au mépris de l’intérêt général. Hollande pense certainement avoir manœuvré en génial tacticien — quand on lui demande simplement d’être un bon artisan du Bien commun. Peut-être ne réussira-t-il qu’à s’enferrer dans cette nouvelle idée grandiose comme il se trouve déjà pris à son propre piège dans la question de la déchéance de nationalité, dont le feuilleton laisse désormais indifférents les Français. Si le projet de loi constitutionnelle a été adopté à l’Assemblée, il doit l’être dans les mêmes termes par le Sénat pour pouvoir être présenté devant le Congrès. Or rien n’est moins sûr, les sénateurs ayant annoncé qu’ils détricoteraient le texte gouvernemental. La réforme constitutionnelle sera-t-elle le sparadrap dont n’arrivera pas à se défaire notre capitaine de pédalos ? Le capitaine Haddock a lui, au moins, le mérite d’être drôle.
Moins comique, en revanche : le fait que, pendant ce temps, le Gouvernement confirme avec cynisme son choix délibéré de sacrifier l’agriculture française sur l’autel libre-échangiste bruxellois. Chaque jour apporte une nouvelle preuve non seulement de son indifférence aux drames vécus par les paysans français mais également d’une destruction préméditée de ce qui est toujours, mais pour combien de temps encore, la première puissance agricole européenne et la quatrième mondiale, d’autant que nos exportations reculent fortement depuis 1995, et singulièrement depuis 2007, la droite, puis la gauche, ayant systématiquement sacrifié notre agriculture à l’occasion de la réforme de la politique agricole commune, au profit de l’agriculture allemande et est-européenne. La servilité envers le maître allemand se paie et ce ne sont pas les rodomontades de nos ministres aux conseils européens, comme celui de ce lundi 15 février, qui changeront quoi que ce soit : elles n’ont d’autre objet que de calmer la colère des agriculteurs, ce qui n’est pas gagné d’avance, car une part grandissante d’entre eux n’a plus rien à perdre. Ils ont aujourd’hui l’énergie du désespoir. Mais qu’importe au pays légal ? Leur poids électoral a baissé avec la fermeture des exploitations et la promotion d’un modèle à l’américaine ou à l’allemande, plus libéral que familial et indifférent à l’impact environnemental.
Les solutions se trouvent dans des décisions nationales fortes, tournant le dos, notamment, à un prétendu libre marché reposant sur une concurrence déloyale et donc faussée. Un autre modèle que le modèle productiviste, voulu par l’Europe, doit être également promu, favorisant la qualité, ce qui ne pourrait se faire qu’avec le soutien volontariste de l’Etat, chose impensable pour nos politiciens soumis aux règlements bruxellois, et pour une FNSEA dont le double jeu n’est un secret pour personne. Car les agriculteurs, du moins les plus conscients d’entre eux, veulent promouvoir une agriculture humaine, leur permettant de vivre non pas de subventions mais des fruits de leur labeur. Il n’est pas certain toutefois qu’ils aient tous compris que, là aussi, l’Europe, et un syndicalisme pro-bruxellois favorisant la dilution de leur secteur dans le mondialisme sont le problème et non la solution , alors qu’ils se trouvent enchaînés pieds et poings liés à un modèle qui les tue. Se dégager de telles entraves demanderait de la part d’un Etat redevenu national une révolution juridique et, de leur part, une révolution culturelle — la même que celle que les Français devront engager pour ne plus voter, comme des moutons de Panurge, pour les représentants d’une système qui, pour craquer de partout, ne les conduit pas moins à la catastrophe sur tous les plans : agricole, industriel, économique, bien sûr, mais aussi, plus essentiellement encore, civilisationnel.
Justement : « Le processus d’intégration européenne, initié après des siècles de conflits sanglants, a été accueilli par beaucoup avec espérance, comme un gage de paix et de sécurité. Cependant, nous mettons en garde contre une intégration qui ne serait pas respectueuse des identités religieuses. » Ces sages propos sont tirés de la déclaration commune du pape François et du patriarche russe Kirill, publiée à l’issue de leur entrevue le 12 février à Cuba. On ne saurait évidemment trop saluer cette rencontre — une première près de mille ans après le grand schisme —, ni cette lucidité. Sous l’influence du réalisme orthodoxe russe, le discours catholique officiel tournerait-il enfin le dos aux niaises illusions démocrates-chrétiennes voyant dans l’Union européenne une résurgence de la Chrétienté ? Le patriarche russe ne pouvant être soupçonné d’être un partisan d’une « intégration » à la bruxelloise, ces propos doivent être lus, à terme, comme le certificat de décès de la notion même d’intégration européenne. Maurras aimait à rappeler que l’Eglise est la seule internationale qui tienne — européenne ou mondiale, jamais impériale. Des nations pérennes demeurent les réalités premières. Nous attendons désormais du pape François qu’il le rappelle aussi fermement que saint Jean-Paul II, pour lequel les nations étaient « les grandes institutrices des peuples ».
François Marcilhac
L’Action Française 2000 [Editorial]