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Samedi, au Salon de l’Agriculture, le chef de l’État a été injurié, sifflé, malmené, bousculé et, sans la centaine de gardes du corps qui l’entouraient, il est à craindre qu’il eût été lynché. Il a feint de n’avoir entendu que des « cris de détresse, de souffrance », là où il y avait de la haine et du désespoir. Parmi les insultes les plus aimables : « Pourri ! », « Bon à rien ! » « Connard ! », tout en demandant sa « démission » et en lançant « Nous ne sommes pas des migrants. » On ne saurait se réjouir de voir ainsi injurié celui qui, aux yeux de l’étranger, représente la France.
Mais à qui la faute ? Les promesses non tenues engendrent d’abord la déception puis la colère, enfin la violence, verbale, physique : nous y sommes. Les agriculteurs sont gens d’ordinaire paisibles, qui ne demandent qu’à vivre du travail de la terre, de l’élevage, de la traite laitière, pour nourrir le pays et au-delà. Ils savent que ce rude labeur n’assure pas la fortune, ils ne la demandent pas non plus, seulement d’être rémunérés équitablement pour leur labeur.
Élu de la Corrèze, le candidat Hollande avait promis, dans ses 60 engagements, de « défendre un budget européen ambitieux pour l’avenir de l’agriculture dans sa diversité dans le cadre de la révision de la politique agricole commune ». Il en avait même fait sa « priorité ». Avez-vous remarqué qu’il n’a d’ailleurs que des priorités : la jeunesse, l’école, la résorption du chômage, la lutte contre le terrorisme, etc. ?
N’avoir que des priorités, c’est n’en honorer aucune. Il est vrai que ce démagogue ne peut dire à aucune catégorie sociale qu’il se moque de leurs revendications ou que, pour lui, elles sont secondaires. Pour ce qui est de l’agriculture, la réalité est aux antipodes de sa promesse : il a accepté que le budget 2014-2020 arrêté lors du Conseil européen du 8 février 2013 décide une baisse des crédits attribués à la politique agricole commune, son enveloppe passe de 420,7 milliards d’euros (2007-2013) à 373,2 milliards.
Il s’était engagé aussi à « réorganiser les rapports de force entre producteurs et grande distribution », c’est ce qu’il vient de promettre à nouveau au Salon de l’Agriculture, preuve qu’il ne s’en était pas soucié jusqu’ici.
Il ne propose que quelques mesures cosmétiques qui ne sont pas à la hauteur de la situation et ne peuvent sauver le monde paysan du désastre, de la faillite et du désespoir. Mais il ne peut guère faire autrement, ligoté qu’il est par le carcan de Bruxelles, dont le libéralisme exige une « concurrence libre et non faussée ».
Ainsi l’été dernier, à la suite de tables rondes organisées par le gouvernement, une convention avait abouti à la revalorisation du prix du lait à 0,34 euro et celui du kilo de porc à 1,40 euro, mais la Commission de Bruxelles a ouvert une enquête, cet accord allant à l’encontre de la libre concurrence. De même, il n’est pas question de revenir à la politique des quotas laitiers qui empêche la dégringolade des prix, peu importe au très libéral commissaire européen à l’agriculture, Phil Hogan, que les producteurs soient obligés de travailler à perte sans pouvoir se servir un modeste salaire.
Pour sauver nos agriculteurs et notre pays, il faut plus que jamais en finir avec cette Europe-là !
Guy Rouvrais