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La mort des plus fragiles est rentable

Aujourd’hui, la traque de l’homme imparfait est déjà une réalité, et une réalité qui rapporte. Tel est l’argument du dernier livre de Jean-Marie Le Mené, un cri d’alerte face au meurtre par avortement de tous les enfants Mongoliens.

Il n'est pas besoin d'être un militant provie acharné pour suivre Jean-Marie Le Mené dans son indignation. Il s'agit de la trisomie 21, cette anomalie chromosomique qui fait l'objet d'un dépistage prénatal de plus en plus efficace. En France les trisomiques, tous dépistés, sont quasiment tous - 96 % - sacrifiés sur l'autel du nouvel eugénisme.

L'indignation de l'auteur n'appuie pas sur la corde sensible. On pourrait pourtant remplir des livres entiers avec le témoignage de parents qui ont fait le choix de « garder » leur petit trisomique et qui en ont été récompensés en joie et en bonheurs. Et d'autres avec la souffrance des mères qui ont vécu l'arrachement d'un avorte-ment tardif parce que leur tout-petit n'était pas « conforme » aux exigences du bébé parfait. De la part du président de la Fondation Jérôme-Lejeune, cela n'aurait pas étonné.

Mais les mentalités modernes - et surtout les médias, c'est à peu près pareil - ne comprennent plus guère ces considérations humaines. En revanche, elles peuvent être frappées par l'implacabilité d'une élimination systématique de déficients mentaux, soutenue par un marché porteur d'immenses profits.

Sous un titre clair - Les premières victimes du transhumanisme - Jean-Marie Le Mené propose un sous-titre plus énigmatique : La Ruée vers l'Or des Mongols. La phrase revient, lancinante, tout au long de l'ouvrage. Elle désigne une réalité glaçante : plus le dépistage des trisomiques, ceux qu'on appelait jadis les mongoliens, est efficace et sans danger pour les bébés « sains », plus il devient commercialement intéressant. D justifie un intense marketing, fondé à la fois sur l'exploitation de la peur des femmes de mettre au monde un enfant handicapé, et sur le sens de l'économie des régimes d'assurance maladie qui voient l'intérêt de dépenser même une coquette somme pour un test 100 % fiable, pour s'épargner la prise en charge des problèmes de santé de l'enfant qui n'aura pas vu le jour.

Voilà donc un récit d'une froideur clinique, précis et implacable. C'est une mise en accusation qui se lit comme un roman policier. On suit les manœuvres d'hommes et de femmes d'affaires qui veulent emporter le marché des simples tests sanguins qui permettent, dans le sang des futures mères, d'identifier et d'analyser l'ADN de l'enfant qu'elles portent. La technique est récente, ses applications potentielles gigantesques : plus l'analyse s'affinera, mieux on connaîtra le portrait génétique du fœtus. L'anomalie chromosomique, c'est facile : le chromosome de trop saute aux yeux du technicien. Le dépistage des gènes sera sans doute pour demain, lorsque la prédisposition au cancer pourra être mise en balance avec le sexe ou la couleur de cheveux du petit être, bien commodément avant l'épuisement du délai de l'IVG à la demande, un droit comme chacun sait. « On le garde ou on ne le garde pas ? »

Avec de tels objectifs, on peut se croire tout permis. Ce fut le cas des propriétaires et directeurs de Sequenom, compagnie californienne de « Biotech » fonctionnant à coups de millions de

dollars : de tromperies en délits d'initiés, de mort violente en retour insolent aux affaires, leur histoire fait davantage penser à un thriller cinématographique bien ficelé qu'à une bienveillante recherche pour le bien de l'humanité.

Jean-Marie Le Mené jette une lumière crue, servie par un sens aigu de la formule, sur l'entreprise essentiellement commerciale de ces sélectionneurs de chair humaine - eux qui n'attendent plus que l'agrément public de leurs tests dans un pays comme la France où le tri génétique se fait tous frais payés. Le boniment n'est d'ailleurs pas loin, comme toujours lorsqu'il est question de promettre bonheur, santé, richesse : en l’occurrence, en mettant tout en œuvre pour repérer 100 % des trisomiques 21, on met en avant... des vies sauvées. Mais oui : celles des bébés « sains » qui perdent la vie pour cause de fausses couches provoquées par l'examen invasif de l’amniocentèse actuellement pratiqué pour valider un diagnostic de trisomie. Rien qu'en France, ils sont plusieurs centaines par an.

Personne ne pense aux milliers de bébés malades qui sont éliminés, eux, sans affres de conscience. C'est leur vie dont Jean-Marie Le Mené affirme la valeur insondable. C'est leur triste rôle de victimes premières d'un système qui galope vers le transhumanisme - la fabrication d'une humanité sans défauts aujourd'hui, « améliorée » demain - qu'il met en lumière.

Je vous recommande tout particulièrement les dernières lignes de ce livre, un récit qu'on n'arrive pas à lâcher avant la fin. Jean-Marie Le Mené évoque ce que le cardinal Ratzinger lui dit jadis sur les sociétés qui commettent de si graves injustices à l'égard des plus faibles. C'est lumineux et prophétique. Et c'est un appel à l'humanité, afin qu'elle remette les choses à l'endroit.

Jeanne Smits monde&vie 24 février 2016

Jean-Marie Le Mené. Les premières victimes du transhumanisme, éd. Pierre-Guillaume de Roux. 176 p.

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