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Etats-Unis : un duel Trump-Clinton se confirme pour novembre

Qui aurait pu penser le 1er février, jour du lancement de ces primaires républicaines, que l’Indiana, Etat marginal, discret, presque humble du Midwest, coincé avec ses 6,5 millions d’habitants entre trois géants, l’Ohio, le Kentucky et l’Illinois, deviendrait trois mois plus tard l’épreuve-reine, l’obstacle décisif de cet interminable marathon ? L’alchimie électorale a parfois ses mystères : l’Indiana en fait partie. Personne ne soupçonnait que les républicains bien tranquilles de cet État plutôt conservateur allaient se muer, le temps d’une soirée, en arbitres implacables d’une course qui transformera l’Amérique tout entière, peut-être pour une génération. Donald Trump a remporté le lot de 57 délégués, ce qui hisse son total à 1 035. Déçu, meurtri par un échec aussi spectaculaire, Ted Cruz, sénateur du Texas et principal rival du New-yorkais, a abandonné, une heure après la publication des résultats, cette course devenue pour lui un véritable calvaire. Une belle victoire (plus de 16 % de voix séparent Trump et Cruz) qui revêt une triple signification.

D’abord, le magnat de l’immobilier, que 202 délégués seulement séparent du podium de la convention nationale de Cleveland, pourra désormais les rafler pour la forme et l’honneur au cours des neuf primaires restantes – dont l’utilité sera bien évidemment symbolique. Ainsi, aucun obstacle ne subsiste pour empêcher Trump de devenir l’adversaire d’Hillary Clinton, le 8 novembre prochain.

Ensuite, ce succès d’un iconoclaste, d’un franc-tireur, d’un homme ayant brisé toutes les règles, tous les principes, toutes les normes, confirme l’humiliation et la déroute de l’establishment républicain qui comprend non seulement l’univers politique mais aussi le monde des médias. La Pensée Unique Totalitaire a trouvé mardi soir dans un Etat insignifiant d’Amérique sa plus accablante défaite. On sent qu’elle commence à cuver sa honte avant de tenter de retrouver une partie de sa dignité perdue. Un vieux proverbe arabe dit bien les choses : « La main que tu ne peux couper, baise-la ».

Enfin, la belle victoire de Trump signifie l’écrasement d’une imposture : ce n’est pas le moindre de ses trophées. Cette imposture porte un nom : Ted Cruz.Celui-ci représentait bien plus qu’un sénateur du Texas dévoré par une ambition présidentielle. Il fut, dans ces primaires, la personnification d’une manœuvre déloyale et scandaleuse. Cruz n’avait que 572 délégués. Depuis un mois, il savait qu’il ne pourrait jamais rattraper Trump et le battre en accumulant les places de premier. Restait pour lui une autre solution : rallier sous son nom, dans un maximum d’Etats, les délégués libres de voter pour le candidat de leur choix qui, selon les règlements, interviennent lorsque personne n’a pu atteindre le chiffre fatidique de 1 237 délégués. Dans ce cas, c’est un second scrutin qui se déroule au cœur d’une convention appelée « ouverte » ou « contestée ». Durant des semaines, Cruz et son équipe ont parcouru le pays à la recherche de ces fameux délégués « libres ». Au Colorado, dans le Wyoming, en Louisiane, ils en avaient amassé quelques dizaines qui auraient pu sérieusement inquiéter Trump si sa marche vers les 1 237 délégués avait pu être freinée.

Avant même l’abandon de Cruz, Trump évita ce scénario sournois, furtif, à l’opposé d’un combat démocratique dans lequel seules doivent compter les voix populaires. Réduire les primaires, comme le voulaient Cruz et l’establishment républicain, à une poignée de figurants convaincus ou achetés revient à dénaturer un processus, à démonétiser un choix. Le côté sordide de cette manipulation n’a pas échappé aux Américains. C’est l’une des raisons de la médiocre deuxième place de Cruz dans ce combat de l’Indiana. Il en existe d’autres : la récente nomination par le sénateur du Texas de Carly Fiorina comme candidate à la vice-présidence a manqué de pertinence, car cette ex-PDG d’un géant de l’informatique avait conservé, depuis son retrait de la course fin février, les oripeaux de la défaite. Enfin, l’accord de désistement passé entre Cruz et John Kasich, gouverneur de l’Ohio, parut bancal dès le départ car les électeurs restèrent en grande majorité attachés à l’un des deux concurrents devenus subitement alliés contre Trump.

Un Trump au mieux de sa forme qui a savouré dans son quartier général de New York sa victoire, devenue très vite un triomphe avec l’effacement de Cruz. Ce coup de théâtre sacre plus tôt que prévu le milliardaire champion républicain, mais laisse également des millions d’électeurs potentiels orphelins et désemparés. Ce sera le premier objectif de Trump : tenter d’unifier le parti républicain et, en même temps, persuader ceux qui ont suivi Cruz de voter pour lui, malgré la guérilla que les deux hommes se sont livrés, malgré d’implacables échanges verbaux, malgré les insultes et les attaques (« 60 000 pubs négatives », a précisé Trump, du jamais vu). Le second objectif consistera à convaincre les partisans de Bernie Sanders, le sénateur démocrate du Vermont, de sauter le pas, de franchir la barrière des partis et d’opter pour un autre adversaire de l’establishment, celui-là républicain. C’est à ce prix que Trump aurait de bonnes chances d’entrer à la Maison Blanche. Une stratégie à trois niveaux : élargir une solide base populiste avec les conservateurs de Cruz, isoler Hillary Clinton dans ses retranchements peuplés de minorités et d’ultra-libéraux, dépeindre les huit ans de Barack Obama comme le pire des cauchemars américains.

Déjà, Trump a annoncé que la dette nationale de 19 000 milliards de dollars était sur le point de basculer à 21 000 milliards. Dès demain, Trump va s’employer à rectifier son tir et sélectionner ses cibles. Il a un mois et demi d’avance sur le programme prévu car les primaires ne devaient se terminer qu’en juin. C’est un atout pour lui. En face, la vibrionnante Hillary n’a pas encore réussi à se débarrasser de Sanders – qui, pour la narguer, s’est même offert le luxe de remporter l’Indiana.

Christian Daisug

Article paru dans Présent daté du 5 mai 2016

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