« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire. » Qui donc n’a jamais lu ou entendu cette fameuse citation que d’aucuns attribuent à Voltaire ?
Peut-être le saviez-vous, Voltaire ne l’a ni écrit… ni même pensé ! L’erreur sur la paternité de cette citation se nourrit d’un mensonge beaucoup plus grand : l’image - distillée par l’école républicaine - d’un philosophe tolérant et généreux proclamant la liberté contre l’obscurantisme.
D’où vient cette maxime ? Que pense réellement Voltaire et son siècle ?
L’ouvrage Voltaire, Œuvres Complètes explique :
« Certains commentateurs[1], prétendent que cette citation est extraite d’une lettre du 6 février 1770 à un abbé Le Riche où Voltaire écrivait : « Monsieur l’abbé, je déteste ce que vous écrivez, mais je donnerai ma vie pour que vous puissiez continuer à l’écrire. » En fait, cette lettre existe, mais la phrase n’y figure pas, ni même l’idée. Le Traité de la tolérance auquel est parfois rattachée la citation ne la contient pas non plus. De fait, la citation est absolument apocryphe (elle n’apparaît nulle part dans son œuvre publiée) et trouve sa source en 1906, non dans une citation erronée, mais dans un commentaire de l’auteure britannique Evelyn Hall, dans son ouvrage The Friends of Voltaire, où pensant résumer la posture de Voltaire à propos de l’auteur d’un ouvrage publié en 1758 condamné par les autorités religieuses et civiles, elle écrivait « « I disapprove of what you say, but I will defend to the death your right to say it », was his attitude now. »[2]
La maladresse de l’auteur britannique Evelyn Hall dans l’usage des guillemets répandit à tort cette déclaration. Le professeur Marjorie Garber de l’Université d’Harvard rapporte à sujet :
« Interrogée à propos de la citation plusieurs années après la publication de son livre, Hall expliquait qu’elle ne voulait pas sous-entendre que Voltaire utilisa textuellement ces mots et qu’elle serait très surprise si cette citation se retrouvait dans ses œuvres. »[3]
Que Voltaire n’ait jamais exhorté un abbé à exprimer sa pensée, voilà chose démontrée. Dès lors, la vertu de tolérance enseignée par la République dans les pas de Voltaire est-elle intéressée ou objective ? Voici, pour éclairer votre jugement, un florilège de phrases tracées sous la plume de Voltaire, révélant non ce qu’il prétend mais ce qu’il pense : mépris pour le peuple, les races et les femmes :
1/ Le peuple…
« Le peuple est entre l’homme et la bête ».
« Nous n’avons de compatriotes que les philosophes, le reste n’existe pas. »
2/ Les races…
« La lèpre, ainsi que le fanatisme et l’usure, avait été le caractère distinctif des Juifs. » Les juifs forment « de tous les peuples, le plus grossier, le plus féroce, le plus fanatique, le plus absurde. »
« Il y a des races jaunes, rouges, grises. (…) Tous sont également hommes mais comme un sapin, un chêne et un poirier sont également arbres ».
3/ Les femmes…
« Sur cent mâles il s’en trouve à peine un qui ait du génie ; sur cinq cents femelles à peine une ».
Qui donc peut encore louer la tolérance de Voltaire ?
Joseph Colombe
Pour aller plus loin :
Xavier Martin, Voltaire méconnu : Aspects cachés de l’humanisme des Lumières (1750-1800), Dominique Martin Morin, 2006.
Xavier Martin, Naissance du sous-homme au cœur des Lumières : les races, les femmes, le peuple, Dominique Martin Morin, 2014.
SIGAUT Marion, Voltaire : Une imposture au service des puissants, Broché, 2014.
LesObservateurs.ch, « Je ne suis pas d’accord avec vous, mais je me battrai pour que vous puissiez le dire. »