« On comprend ce que la gauche reproche le plus à François Hollande : dire ouvertement ce qu'elle cache depuis des lustres et interdit aux autres de dire. » Figarovox libelle ainsi son introduction à cette chronique [28.10]. Mais Zemmour constate aussi « ce qu'est devenue la Ve République décadente : un régime d'impuissance ». Il pointe la soumission des hommes qui prétendent le diriger à « la force de l'idéologie dominante ». Sa conclusion - qui contredit quelque peu son « gaullo-bonapartisme » - est la suivante : « De Gaulle a perdu, qui croyait que les institutions s'imposaient aux hommes. Gramsci avait raison, qui pensait que l'action politique passe d'abord par la conquête idéologique et culturelle. » Dans l'actualité Zemmour a raison. D'ailleurs, sans rien vouloir enlever aux mérites novateurs de Gramsci, cette proposition était déjà formulée par Renan* à la fin du XIXe siècle et reprise par Maurras au début du XXe dans sa préface à l'Avenir de l'Intelligence** : « Rien n'est possible sans la réforme intellectuelle et morale de quelques uns » Et c'était bel et bien pour que le Politique d'abord pût s'appliquer que l'A.F. voulait construire une contre-encyclopédie. Les deux options, nous semble-t-il, ne sont pas aussi opposées que Zemmour le marque ici. C'est affaire de circonstances et des réalités du moment. Ce qui nous paraît certain c'est que tôt ou tard, reconquête idéologique et culturelle ou pas, sans la restauration du Politique - des Institutions - dans son plein exercice, rien ou presque ne peut s'accomplir. Lafautearousseau
On nous dit : c'est le livre de trop ! On nous dit : c'est inamissible ! On nous dit : ce n'est pas un homme d'Etat ! On nous dit : un président ne devrait pas dire ça ! D'ailleurs, les auteurs de l'ouvrage ont repris la formule pour accrocher le lecteur. Et ça marche. Les magistrats protestent avec véhémence ; les ministres et les élus socialistes protestent mezza voce. Personne ne défend François Hollande. Mais on ne sait pas vraiment de quoi on l'accuse. De passer autant de temps avec les journalistes ? Mais il a bâti sa carrière en inspirant des articles aux journalistes, qui en retour, le mettaient en lumière. D'être sarcastique, cynique, méchant parfois. Mais il l'a toujours été, comme Chirac avant lui. Et Mitterrand ? D'être désinvolte, sans souci de sa fonction ? Mais Sarkozy avait déjà désacralisé ce qu'il appelait « le job ». D'avoir insulté les magistrats ? Mais les juges ont-ils le droit de répliquer aussi vertement sans outrager le chef de l'Etat ?
Finalement, on comprend ce que la gauche reproche le plus à son ancien/futur candidat : dire ouvertement ce qu'elle cache depuis des lustres et interdit aux autres de dire : qu'il y a trop d'immigrés, que les profs ne peuvent s'en sortir face aux flux incessants, que l'islam pose un grave problème à la France, que tout cela finira par une « partition ». Que le pouvoir est une tragi-comédie, que la guerre est un jeu vidéo, où on tue des « terroristes » sans se salir les mains. Curieusement, on ne lui reproche pas l'essentiel : tout voir et ne rien dire publiquement ; tout savoir et ne rien faire. Hollande s'avère le meilleur commentateur de son impuissance.
Un président ne devrait pas dire ça... (Stock) restera comme un remarquable témoignage de ce qu'est devenue la Ve République décadente : un régime d'impuissance. Comme la IVe, mais pour d'autres raisons. Pas à cause du Parlement, mais à cause de l'Europe, de la mondialisation, de la religion des droits de l'homme et de ses grands prêtres médiatiques et judiciaires. Il faut rattacher cet ouvrage à un autre livre, sorti quasi en même temps, et qui conte, sous la plume acérée et brillante de Patrick Buisson (La Cause du peuple, Perrin), le précédent quinquennat, celui de Nicolas Sarkozy.
La coïncidence des temps est aussi une concordance des leçons. La même lucidité, le même cynisme, la même gouaille. Et finalement, la même impuissance. Chacun des deux derniers présidents dit exactement ce que son camp veut entendre ; mais aucun des deux n'agit vraiment. En lisant ces deux livres, on constate la force de l'idéologie dominante, qui inhibe deux hommes intelligents et lucides. De Gaulle a perdu, qui croyait que les institutions s'imposaient aux hommes. Gramsci avait raison, qui pensait que l'action politique passe d'abord par la conquête idéologique et culturelle. •
Un président ne devrait pas dire ça... (Stock)
La Cause du peuple (Perrin)
* Renan : la réforme intellectuelle et morale (1871)
** Maurras : L'avenir de l'Intelligence (1905)
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L'Avenir de l'intelligence - Charles Maurras
et sur Lafautearousseau ...
« En disant le réel, Hollande a appuyé sur le bouton, tout va sauter…»