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Philippe & Giovanni Castelluccio Dans les geôles de la République

Philippe et Giovanni Castelluccio sont deux frères jumeaux bien connus des militants d'AF. Le premier est en charge des relations du mouvement avec la province, tandis que le second est trésorier du CRAF. Rencontre avec deux camelots émérites..

À quand remonte votre engagement dans les rangs de l'Action française ?

o Philippe – Notre mère nous a entraînés très tôt dans les défilés de Jeanne d'Arc – à sept ou huit ans. Dans notre famille, nous incarnons la troisième génération d'AF. Notre grand-père, Gustave Rallon, décédé en 1989, avait commencé à militer dans les années vingt, dans le Berry.

o Giovanni – Ses quatre enfants ont tous été des vendeurs du journal. L'ainé a écrit dans l'organe des étudiants d'AF des années cinquante. Nous sommes tombés dans l'Action française comme Obélix dans la marmite ! Mais nous avons vraiment commencé à militer après le lycée, au sein d'un groupe très soudé. Notre première carte date de 1982.

Bleu de méthylène

o Comment cela vous a-t-il menés en prison ?

o Philippe – Nous avons été arrêtés plusieurs fois. Par exemple, après un parcours devant différents ministères, où nous dénoncions les scandales de l'époque. Nicolas Portier avait improvisé un cercle d'études dans notre cellule, où nous étions une quarantaine de militants !

En janvier 1989, au début des célébrations du bicentenaire de la Révolution française, des militants d'Action française ont chahuté une chanteuse, Hélène Delavault, un vendredi soir au théâtre des Bouffes du Nord. Ils sont montés sur la scène et lui ont mis du bleu de méthylène et du shampoing dans les cheveux. C'était une action à la façon des camelots du Roi d'avant-guerre...Cela s'est passé en présence de Pierre Joxe, alors ministre de l'intérieur, tandis que le bruit courait qu'elle en était la maitresse... Le soir même, celui-ci s'est exprimé à la télévision, scandalisé, clamant qu'il fallait tout faire pour trouver les coupables. Nous n'avions pas été invités à prendre part à cette action. J'étais alors responsable de la vente du journal à Saint-Lazare ; je m'en étais chargé et j'étais rentré chez moi, sans être au courant. Mais une ou deux semaines plus tard, un vendredi, à 6 heures du matin, coup de sonnette. Trois ou quatre policiers entrent chez nous pour une perquisition. Ils restent peut-être une demi-heure. Et nous embarquent menottes aux poings.

o Giovanni – Le mercredi avant l'arrestation, alors que je me trouvais au Petit Flore (un café proche de nos bureaux, NDLR), des personnes bizarres étaient attablées au bar. Un type m'interpelle et me dit : « Faites attention, vendredi, il y aura une descente de flics chez vous. » Je l'ai pris pour un ivrogne. Mais ce devait être un indic. Précisons toutefois que les policiers étaient venus pour n'arrêter qu'un seul de nous deux. Ils n'avaient qu'un seul nom !

Les RG largués

o Philippe – Le procureur leur avait demandé d'arrêter quelqu'un ; ils en ont pris deux à la place d'un seul... Une trentaine de personnes ont dû être arrêtées au même moment. Les Renseignements généraux avaient fourni une liste de militants qui n'était même pas à jour. J'ai vu des gens arrêtés qui avaient quitté l'AF depuis deux ou trois ans. Pierre Joxe avait la volonté de casser le début d'une certaine chouannerie anti-bicentenaire. Il était assez sectaire... Nous étions autorisés à appeler nos patrons respectifs pour leur annoncer qu'on rependrait le travail dès lundi... à condition qu'on avoue.

o Giovanni – Pendant les deux jours de garde à vue, régulièrement, un copain sortait, mais nous restions chacun dans notre cachot, car un témoin avait cru nous reconnaître. L'AF nous avait dispensé des conseils pour réagir face aux policiers. Mais de la théorie à la pratique... L'un de nous deux a commencé à "avouer", et l'autre s'est senti obligé de l'imiter. D'autant que, selon notre alibi, nous étions ensemble de toute façon. L'inspecteur menait son interrogatoire avec le plan des Bouffes du Nord – un lieu que je n'ai jamais visité ! Nos aveux se ressemblaient, mais sans concorder... Le juge d'instruction avait vraisemblablement reçu des consignes pour désigner un ou deux coupables. Un autre camarade était resté en garde à vue : lors de la perquisition, les policiers avaient trouvé chez lui du bleu de méthylène...

En route pour Fresnes...

o Philippe – Après la garde à vue, direction Fresnes. Nous étions détenus chacun dans l'une des trois divisions de la maison d'arrêt. La préventive est une épreuve difficile : on ignore quand on sort... Il y avait une radio dans ma cellule. J'ai pu écouter Radio courtoisie. Serge de Beketch et Alain Sanders nous exprimaient régulièrement leur soutien. Un soir, j'ai été particulièrement ému en entendant ma mère intervenir à l'antenne.

o Giovanni – À la télévision, Christophe Dechavanne avait invité Éric Letty et Guy Steinbach, alors secrétaire général du mouvement d'Action française. J'en tremblais dans ma cellule ! L'Événement du jeudi a publié un article sympathique à notre sujet. Présent nous a soutenus également. Aspects de la France avait lancé une souscription – le denier de Jeanne d'Arc – pour nous venir en aide. Jean-Marc Varaut et Georges-Paul Wagner nous défendaient.

La vie en prison

o Philippe – Des militants sont même venus chanter devant les murs de la prison ! Depuis ma cellule, j'avais toutefois du mal à les entendre. Quant à nos patrons, ils avaient compris que ce n'était pas une affaire très grave. Tous les jours, des dizaines de lettres nous parvenaient. Je partageais ma cellule avec un gitan qui n'en avait jamais reçu aucune...

o Giovanni – En prison, les détenus ne sont pas coupables, mais ils aiment bien vous dire pourquoi ils sont là. Il a fallu que je leur explique les raisons de ma présence. Ce n'était pas évident : la politique, en prison... Finalement, cela les a indifférés. Ils trouvaient ridicule qu'on soit là pour une connerie pareille ! À l'étage au-dessous, j'ai vu une cellule où trois membres du FLNC étaient rassemblés... Fresnes était une prison particulièrement délabrée. Nous étions trois ou quatre par cellule. Sans eau chaude, avec des toilettes à la turque à la vue de tout le monde... Mais on s'habitue à tout en prison.

o Philippe – Je n'aurais jamais pensé m'habituer à me déshabiller pour les fouilles au corps après chaque visite... Quant à la nourriture, c'était infect. Tout partait par la chasse. Tout arrivait froid à la troisième division quand le service commençait à la première. Nous avons perdu chacun dix kilos... que nous avons malheureusement vite repris !

o Giovanni – Deux demandes de libération nous ont été refusées. Soi-disant pour continuer l'enquête. Mais il n'y en avait plus depuis longtemps. Quant à notre séparation, elle était inutile, puisque nous recevions les mêmes visites dans la même journée.

o Philippe – Nous avons été libérés après la troisième demande – et cinquante-trois jours de prison. Nous sommes sortis ensemble, tous les trois, dans la nuit. Dehors, une vingtaine de militants nous attendaient. Ils nous ont accompagnés dans un restaurant pour manger un steak-frites.

o Giovanni – La télévision était présente au premier procès, qui a duré trois heures. Alors que nous avions passé deux mois derrière les barreaux, nous avons été condamnés tous les trois, comme par hasard, à un an de prison dont deux mois fermes.

À peine libérés, déjà en plein collage !

o Philippe – En appel, en revanche, nous avons été relaxés tous les deux, tandis que notre camarade n'était condamné qu'à du sursis. Nos avocats avaient réclamé que nous soient versés deux mois de salaire, ainsi qu'une indemnité morale. Nous n'avons obtenu que les deux mois de salaire, ce qui n'est pas si mal, car les condamnés relaxés en appel sont peu indemnisés.

o Ce séjour dans les geôles de la République a-t-il bouleversé votre existence ?

o Giovanni – Cela nous a fait comprendre la vie carcérale et les problèmes rencontrés en prison. J'y repense chaque fois que je vois un reportage sur le sujet. Mais voici une anecdote : j'avais un collègue de la cellule d'à-côté à qui je filais L'Équipe au moment des repas – le seul moment où les portes sont ouvertes. Je l'ai revu peut-être deux mois après ma libération... alors que collais à Asnières ! Ce séjour en prison ne nous a pas empêchés non plus de participer à la "Jeanne interdite" de 1991. La fête de Jeanne d'Arc est un symbole fort, associé à un grand moment de l'histoire de l'Action française... Nous nous sommes fait arrêter tous les deux le matin, alors que l'AF tentait de déployer une banderole place des Pyramides.

o Philippe – J'ai pris des coups de matraque. Mais la garde à vue, c'était sympa. Il faisait un temps splendide. On s'est retrouvés une cinquantaine détenus dans une cour, où j'ai pu caché une petite bombe lacrymogène – c'était d'ailleurs la première fois que j'en portais une sur moi !

L’Action Française 2000 Du 5 au 18 mai 2011

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