Face aux deux impératifs que constituent le libre fonctionnement de notre démocratie et l’exercice de la justice, il était important de choisir.
Convoquée par la police dans le cadre de la procédure diligentée par la justice au sujet des assistants du Front national au Parlement européen, Marine Le Pen a refusé de déférer. La candidate à l’élection présidentielle a, en effet, considéré que « cette période [la campagne électorale] ne permettait ni la neutralité ni la sérénité nécessaires au fonctionnement correct de la justice ».
Cette décision, courageuse, ne peut qu’être approuvée. En effet, l’immixtion de l’appareil judiciaire dans le processus démocratique que connaît actuellement notre pays, notamment du fait de l’affaire Fillon, démontre l’incompatibilité évidente qui existe entre les déroulements simultanés de ces deux processus. D’abord parce que, au nom du principe de la séparation des pouvoirs, il apparaît comme extrêmement choquant que le juge puisse devenir l’arbitre d’une consultation électorale majeure comme l’est une élection présidentielle.
En effet, la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et de l’autorité judiciaire est un des marqueurs fondamentaux de notre démocratie représentative. Elle est, en théorie au moins, l’assurance qu’aucun d’entre eux ne prendra le pas sur l’autre, et que l’exercice de la démocratie sera ainsi protégé d’un retour à l’absolutisme sous quelque forme que ce soit. Force est, cependant, d’admettre que l’actuelle organisation de notre système judiciaire, qui voit le rattachement des magistrats du parquet au ministre de la Justice – donc à l’exécutif -, n’est pas sans poser de sérieuses questions.
De ce fait les procédures qui sont à ce jour conduites contre Marine Le Pen et François Fillon peuvent-elles faire l’objet de suspicions légitimes, puisque aucune forme de connivence entre le pouvoir en place et la justice ne peut être formellement écartée.
Par ailleurs, cette confusion des genres, qui jusque-là ne porte préjudice qu’à une partie bien ciblée de la classe politique – par ailleurs longtemps considérée comme favorite dans la course à l’Élysée -, est largement entretenue par des médias qui sont tout sauf indépendants. Idéologiquement et financièrement inféodés au pouvoir en place, la presse, à quelques exceptions près, a fait le choix d’intervenir systématiquement comme témoin à charge. Usant de la faculté qui est la leur, au nom d’une information qui fait souvent fi de la présomption d’innocence, les médias, par la fréquence de leurs interventions et les orientations délibérées de leurs communications, portent intentionnellement préjudice à des acteurs politiques soigneusement choisis.
Le temps de l’élection n’est donc pas le temps du procès pénal. Si la justice avait voulu faire son travail, elle n’avait qu’à le faire plus tôt. En effet, les affaires qui sont aujourd’hui dévoilées sont connues depuis longtemps et auraient pu faire l’objet d’investigations bien en amont de la campagne présidentielle. Par ailleurs, la nature des affaires soulevées, qui relèvent de la pratique politique, ne requiert en rien des actes d’enquête urgents. Ainsi, la précipitation judiciaire observée dans le cas de l’affaire Penelope, ainsi que les convocations policières à grand spectacle organisées à l’attention de la présidente du Front national, ne peuvent que susciter des interrogations quant aux buts réellement poursuivis.
Face aux deux impératifs que constituent le libre fonctionnement de notre démocratie et l’exercice de la justice, il était donc important de choisir. Marine Le Pen s’est déterminée. François Fillon aurait été bien inspiré d’en faire autant.