La Sixième République n'aura pas lieu, malgré les efforts de MM. Hamon et Mélenchon, et cela même si ce dernier l'emportait au second tour de l'élection présidentielle, ce que le premier va tout faire pour empêcher, préférant un Macron avec qui il lui est possible de s'accorder ou un Fillon auquel il lui est loisible de s'opposer...
Pourtant, il est indéniable que la Cinquième apparaît à bout de souffle et que les derniers quinquennats ont favorisé cet essoufflement politique, dégradant la qualité de la magistrature suprême de l’État en la livrant, à chaque fois un peu plus, à l'ambition de quelques prétentieux qui l'ont transformée en une sorte de chasse gardée, aussi bien privée que partisane. Mais ce n'est pas une raison pour aggraver le mal en la républicanisant plus qu'elle n'est !
D'ailleurs, plus qu'une hypothétique Sixième République, ce que souhaitent les électeurs et abstentionnistes de ce pays, c'est le changement de classe politique et, sans doute, de pratiques dans l'exercice du pouvoir : peu leur importe le numéro ! Et il va être compliqué aux partisans de MM. Mélenchon et Hamon de faire passer près des électeurs l'idée de se dessaisir de l'élection du Chef de l’État même s'ils ne sont pas forcément ravis du choix qui leur est proposé, et cela malgré l'offre politique variée des onze candidats du moment... Paradoxe d'une opinion publique déboussolée par le spectacle pitoyable d'une République coincée entre les promesses non tenues et celle, d'aujourd'hui, non tenables ; par les affaires, de Cahuzac à Fillon, plus crapoteuses les unes que les autres, et par une Justice plus que jamais intrusive dans le débat politique tout en se voulant elle-même intouchable ; par la restriction des libertés d'expression et de discussion, au nom d'un étouffant « politiquement correct » ; par les injustices sociales et leur apparente impunité... Le discrédit de l'actuel locataire de l’Élysée est aussi celui de la parole politique, et la marque de l'impuissance actuelle du politique face aux oukases de l'économique et à l'arrogance d'une Finance qui n'en finit pas, par le moyen de la mondialisation, d'être « anonyme et vagabonde ».
Or, la Sixième République ne ferait qu'ajouter un peu plus au trouble de l'opinion et à son désarroi devant ce sentiment de dépossession qui la travaille en profondeur : lui ôter la possibilité de choisir, à travers la figure d'un homme (ou d'une femme), les grands axes de la politique qui lui semble la plus intéressante (pour elle-même, sans doute, ce qui pose le problème de son efficacité concrète, il faut bien le reconnaître) n'apparaît ni très adroit ni très pertinent, et cela n'améliorera pas le regard qu'elle porte sur la vie politique. La révocation des élus que M. Mélenchon propose risque bien vite de tourner court, faute de combattants, et d'engendrer une pagaille qui ne pourrait favoriser que l'irruption de forces moins compréhensives à l'égard des électeurs... En disant cela, que l'on me comprenne bien, je ne défends pas l'élection du Chef de l’État au suffrage universel : ce serait sans doute le comble pour un royaliste qui, justement, veut sortir la fonction de magistrat suprême de l’État de sa dépendance à l'égard des féodalités électoralistes (les partis ou les appareils) et qui veut en finir avec un choix qui risque bien d'empêcher tous les autres, dans les différentes strates de la vie politique nationale (des régions aux communes et aux quartiers). Je persiste à penser qu'il faut « libérer » la magistrature suprême de l’État de l'élection et de ceux qui la « font », ces derniers n'étant pas, en définitive, les électeurs appelés à valider un choix restreint entre deux ou trois solutions « valables » (le fameux « vote utile »,sic!), mais bien plutôt ceux qui hantent les couloirs du Pouvoir avant que d'en prendre la lumière, pour certains, et les profits pour d'autres...
En fait, je propose de « descendre d'un étage » l'élection politique majeure du pays : en effet, et dans une logique éminemment royaliste, il ne me semblerait pas inintéressant de faire voter nos concitoyens, à intervalles réguliers, pour le poste de Premier ministre (ou de président du Conseil du Roi, le monarque régnant restant l'autorité décisionnaire suprême et arbitrale) destiné à « représenter » une certaine ligne politique près de celui-ci et en accord avec la majorité parlementaire du moment. La « première place » de l’État étant occupée sans rien devoir aux puissances politiques et financières, le Premier ministre, tout en devant son pouvoir à l'expression des électeurs et à l'accord du roi, ne risquerait pas de menacer la continuité et la pérennité de l’État et des grandes lignes de son fonctionnement et de sa stratégie (y compris diplomatique) à long terme. Dans le même temps, cette élection satisferait le désir des électeurs d'être pris au sérieux dans leurs choix sans menacer l'équilibre institutionnel et sans remettre en cause tous les cinq ans la tête de l’État et la « grande politique » de celui-ci.
Conjuguer le long terme au sommet de l’État tout en favorisant le renouvellement des élites ministérielles et gouvernementales dans des temps raisonnables redonnerait crédit et force à la France et à son État, sans nuire, bien au contraire, aux libertés d'expression et de choix de nos concitoyens, dont les pouvoirs à tous les échelons de la pyramide institutionnelle (hors son faîte, constitutionnellement sanctuarisé) seraient élargis et renforcés : « Sub Rege, Rei publicae », (« Sous le Roi, les républiques françaises ») proclamait un vieux proverbe français... En somme, c'est tout le programme royal pour notre pays !