Ce sera le gros dossier chaud de cette rentrée, laLoi travail voit se dresser contre elle de nombreuses oppositions dont celle très résolue du Front National. Selon un partage des rôles qu’affectionne les médias qui attribue à cette tendance politique une légitimité sociale qu’elle n’a plus depuis longtemps, l’extrême gauche communiste, mélenchoniste, socialo-trotskyste entend préempter ce débat. Quand bien même porte-t-elle par ses trahisons, ses errances idéologiques, voire sa haine de la France française, la responsabilité historique que l’on sait dans la paupérisation et la tiers-mondisation des salariés et des catégories populaires. L’opposition nationale elle, s’oppose vigoureusement à la réforme du code du Travail, certes nécessaire mais très mal menée ici et imposée dans ses modalités par l’Europe de Bruxelles. Une opposition sur la méthode (le choix des ordonnances pour échapper au débat et aux questions qui fâchent) et surtout sur le fond en ce que le FN estime qu’elle accroîtra l’insécurité des salariés et les problèmes des entreprises.
Nous contestons notamment la volonté du gouvernement de mettre en place des accords d’entreprise qui vont augmenter le pouvoir de syndicats très peu représentatifs, orientés, démonétisés, mais aussi générer dans chaque secteur une concurrence déloyale, en lieu et place des accords de branche défendus par Marine lors de la campagne présidentielle. Une Loi travail que la présidente du FN évoquera certainement lors de son grand discours de rentrée politique à Brachay (Haute-Marne) le 9 septembre et lors de l’université d’été frontiste à la fin de ce même mois; même si les commentateurs sont nettement plus excités par les hypothétiques divisions du Front National possiblement générées par des différences de vues sur la stratégie, la tactique, les idées, le programme à mener dans le cadre de la refondation annoncée.
Elu grâce au soutien du FN en 2014, (l’efficace) maire de Béziers, Robert Ménard, partisan attitré et militant de l’union des droites a publié mardi dans Le Figaro une tribune très radicale ( Lettre ouverte à mes amis du Front National) dans laquelle il réaffirme son souhait de voir le FN se rendre « plus fréquentable » auprès de la droite «classique » et de « ne pas mettre tous les responsables des Républicains dans le même panier ». Bruno Gollnisch juge lui que le FN est tout à fait fréquentable et il a par ailleurs, comme tous les frontistes, une claire conscience de l’extrême hétérogénéité des idées qui animent les rangs d’un parti comme LR.
Cela étant dit, Robert Ménard déplore aussi le retrait de Marion Maréchal-Le Pen, prône un renouvellement des personnalités à la tête du FN, lui demande de s’ouvrir à une nouvelle génération militante issue notamment de la Manif pour tous, de s’inspirer du réel, de l’action des élus locaux divers droite. Surtout, il ne ménage pas ses critiques vis-à-vis de la campagne présidentielle de Marine et attaque « cette vieille chimère d’une alliance possible avec les souverainistes de gauche, une ligne incarnée aujourd’hui par Florian Philippot ». Ce à quoi Florian lui a répondu mercredi dernier sur France 2 qu’ il n’existait « aucun doute » sur la légitimité de la présidence du FN par Marine et qu’ « On ne va pas faire l’union des droites avec des gens qui nous ont trahis méthodiquement quand ils sont arrivés au pouvoir (…) et qui par ailleurs sur les positions économiques et européennes sont aux antipodes des nôtres ».
Interrogé sur LCI, Nicolas Bay, a estimé que « quand on mène une réflexion de fond sur notre stratégie – ce qui est parfaitement légitime, c’est même une preuve de maturité politique -, il ne faut pas tomber dans une espèce de dérive qui consisterait à tout remettre en question ». Et de noter encore: que Marine est « la plus à même de nous représenter et de nous diriger » après avoir « porté le Front National à un niveau historiquement jamais atteint dans son histoire »
C’est en effet le fond du débat tant il est vrai que c’est à l’aune des dernières campagnes présidentielle et législatives que sont formulées les critiques, les réflexions, qui encore une fois sont légitimes, ne doivent pas être écartées si elles sont constructives et entendent mener nos idées au pouvoir, à l’encontre de la direction du Front National
Or, il s’agit aussi d’analyser lucidement, les résultats de cette séquence électorale, sans satisfecitdéplacé mais sans auto-flagellation excessive qui le serait tout autant. Il nous parait intéressant de relayer ici quelques extraits de l’article d’un militant savoyard du NPA, Laurent Ripart, « Enseignant-Chercheur en histoire du Moyen Age » à Chambéry , paru dans l’Anticapitaliste, la revue mensuelle de ce petit parti trotskiste et repris par Médiapart dont le sieur Ripart est un contributeur régulier.
Baptisé « Front National un échec électoral en trompe l’œil », sa longue tribune n’est pas dénuée de données factuelles auxquelles nous pouvons adhérer, abstraction faite des scories de la langue de bois antifasciste. Que dit-il ? Il constate qu’ « avec 7,6 millions de voix, le FN a obtenu en 2017 son meilleur résultat au premier tour d’une présidentielle, Marine Le Pen améliorant son score de 2012 de 1,2 million de voix, ce qui signifie qu’elle a accru en 5 ans ses résultats de 19,5 %. Une nouvelle fois, le FN démontre qu’il se trouve sur une dynamique ascendante de longue durée : si l’on fait exception de son trou d’air de 2007, il n’aura cessé depuis 20 ans d’améliorer son score à chaque présidentielle, progressant à un rythme annuel moyen d’environ 200 000 voix par an. Si cette croissance n’est pas rapidement enrayée, le FN devrait être en mesure d’arriver dans une dizaine d’années à réunir 10 millions de voix au premier tour, ce qui constitue sans doute le seuil nécessaire pour lui permettre d’accéder au pouvoir. »
« Le Front National peut nourrir d’autant plus d’espoirs poursuit-il, que ses résultats en demi-teinte sont pour une grande part liés à des causes conjoncturelles » – l’affaire des assistants parlementaires, un manque de précision « dans l’entre-deux-tours vis-à-vis de l’euro et des institutions de l’Union Européenne », « la dynamique de la campagne Mélenchon »… Or, « chacun de ces éléments ne relevant pas d’un problème structurel, le FN semble donc disposer d’une importante marge de progression qu’il devrait pouvoir faire fructifier pour peu que le contexte lui soit plus favorable et qu’il parvienne à crédibiliser davantage le discours de sa candidate. »
« Marine Le Pen a amélioré son score d’un tour à l’autre de 3 millions de voix, attirant 17 % des suffrages qui s’étaient portées au premier tour sur François Fillon et 9 % de ceux de Jean-Luc Mélenchon Les élections présidentielles de 2017 ont ainsi démontré que le Front National était désormais capable de rassembler bien au-delà de lui, le ralliement entre les deux tours de Dupont-Aignan ne constituant que le symbole d’une nouvelle réalité : pour une frange notable de l’électorat de droite, le vote FN peut désormais être perçu au second tour comme une option crédible. »
Certes, « pour le FN, les résultats des élections législatives peuvent à première vue sembler très décevants »( 2,9 millions de voix au premier tour, 13,1 % des suffrages, un demi-million de voix en moins par rapport à 2012). « Si Marine Le Pen a reconnu (…) que ces résultats étaient extrêmement décevants , ils sont toutefois loin d’être totalement négatifs. Le très fort niveau de l’abstention a en effet rendu ces élections législatives très particulières (…) alors qu’en 2012 les deux députés du FN avaient été élus dans des triangulaires, les huit députés de 2017 ont en revanche tous été élus dans des duels. Ces victoires sans précédents sont fondamentales, dans la mesure où elles témoignent de la capacité toute nouvelle du FN à l’emporter dans le cadre d’un scrutin majoritaire à deux tours. Marine Le Pen ne s’y est d’ailleurs pas trompée, puisqu’elle s’est empressée de souligner, non sans pertinence, que ces résultats démontraient que le fameux plafond de verre, censé condamner le FN à échouer toujours au second tour, n’existait désormais plus. Les législatives ont ainsi confirmé ce que les présidentielles avaient déjà laissé paraître, autrement dit que le FN est désormais capable d’impulser une dynamique de rassemblement entre les deux tours, ce qui ne s’était jusqu’à présent jamais produit dans son histoire électorale. »
Last but not least, cette progression s’accompagne parallèlement d’un essoufflement très marqué de l’impact des campagnes de diabolisation du Mouvement national note encore Laurent Ripart : « à la différence de 2002, la présence cette année de Marine Le Pen au second tour n’a guère suscité d’émotion dans la société française, si l’on en juge en particulier par l’absence de toute mobilisation d’ampleur. Cette séquence électorale aura ainsi démontré que la direction du FN a réussi son opération de dédiabolisation ».
Il rappelle aussi que « la stratégie d’alliance » annoncée par Marine au lendemain de l’élection présidentielle, la « perspective de construction d’un rassemblement des patriotes ne relève (…) en rien d’une rupture dans l’histoire du FN, puisqu’elle ne constitue qu’une simple remise à l’ordre du jour de sa vieille politique de rassemblement de la droite nationale, qui constituait déjà en 1972 le projet fondateur du Front National. (…) Si toutes ces expériences ont échoué, puisque le FN a dû à chaque fois se contenter de quelques rares débauchages individuels, force est de constater que les circonstances actuelles n’ont jamais été aussi favorables à la mise en place d’un tel projet. L’affaiblissement et l’éclatement de la droite républicaine, désormais divisée en deux groupes à l’Assemblée Nationale, dotent le FN d’une attractivité nouvelle et lui offrent une occasion unique d’imposer son leadership à une droite, qui pourrait bien vite constater qu’elle est trop affaiblie pour pouvoir exister toute seule. »
Bref conclut-il, « le FN n’a en réalité jamais été aussi menaçant. Si ses résultats ne sont évidemment pas à la hauteur de ses espérances, il a réussi à conserver un bloc électoral dont la puissance est d’autant plus remarquable qu’il se dresse sur un champ politique transformé en un champ de ruines (…). Le Front National est aujourd’hui en mesure de constituer au second tour un pôle de rassemblement d’autant plus inquiétant que sa nature profonde n’a rien à voir avec le visage rassurant qu’il s’attache à présenter » (sic).
Bruno Gollnisch l’a dit ces derniers mois et il l’a rappelé sur RTL , Marine a mené « une très bonne campagne », même si elle le « reconnaît, elle a raté le débat, plus d’ailleurs peut-être dans le ton que dans le fond » et le FN est en ordre de bataille pour cette rentrée politique et discuter sereinement de ses orientations, aux côtés de la présidente du FN. Car précisait-il encore sur cette même radio , au FN « nous fonctionnons dans le cadre d’une amitié, d’une identité de convictions qui est très forte même si c’est vrai qu’il y a des nuances» mais « ce sont des nuances par rapport à tout ce qui nous unis ». Alors oui le FN n’a jamais été aussi menaçant pour le Système, à charge pour lui de ne pas perdre de vues ses objectifs fondamentaux et de gérer avec maturité sa crise de croissance.
https://gollnisch.com/2017/08/25/fn-menacant-fn-bien-vivant/