Les catholiques Français et du monde entier honoreront demain leurs morts dans le cadre de la Toussaint, célébration par l’Eglise de tous les saints, fixée dés le IVe siècle. Cette fête, également d’une grande importance et solennité chez les orthodoxes et les catholiques de rite byzantin -elle se déroule alors le dimanche suivant la Pentecôte-, plonge aussi ses racines dans notre plus vieille mémoire européenne. La Toussaint est la christianisation de la Samain (en gaulois Samonios – selon le calendrier de Coligny), une des quatre grandes fêtes de l’antiquité celtique, dont l’importance a été mise en lumière notamment par les remarquables travaux des historiens spécialistes de la mythologie et civilisation celtiques que sont Françoise Le Roux et Christian J. Guyonvarc’h. Elle clôturait la saison des campagnes guerrières mais revêtait aussi une forte connotations sacrée intervenant à une période charnière, de passage, où le monde des vivants selon les croyances établies entrait en contact avec celui des ancêtres, des défunts de la communauté. Sous le terme anglais Halloween (veillée de la Toussaint), cette fête populaire dans le monde anglo-saxon importée par les colons aux Etats-Unis s’est laïcisée. Elle s’est imposée de prime abord comme un moment d’amusement familial et de voisinage , où l’on se déguisait pour chasser les mauvais esprits avant l’arrivée de l’hiver, occasion de déguster quelques sucreries. Un divertissement récupéré par les marchands du temple, qui s’attachent à fidéliser le plus tôt possible les jeunes consommateurs, pour devenir un des grands temps fort commercial de l’année outre-Atlantique avec son lot de campagnes publicitaires, de promotions, de ventes de produits divers et variés. Sans même parler du mauvais goût, du gore, voire de la violence qui s’est invitée ces dernières années dans cette célébration.
Dans une France largement déchristianisée (mais il y a des motifs d’espoir de rebond! ), les pros du marketing, les entreprises et grandes marques anglo-saxonnes comme françaises n’ont pas ménagé leurs efforts dés la fin des années 90 pour y acclimater Halloween. Ce qui n’est pas forcement pour déplaire aux partisans du village global, d’une transformation définitive de la vieille Europe en banlieue américaine, et autres adversaires vigilants de nos racines chrétiennes qui constatent et/ou encouragent ce travestissement d’une fête catholique. Il convient cependant de noter, une fois n’est pas coutume, l’assez vive réaction des autorités catholiques ces dernières années visant à redonner du sens à la Toussaint et contrer l’offensive matérialiste et commercial d’Halloween.
Bruno Gollnisch l’écrivait en 2012 « ce mois de Novembre est – ou était – chez nous le mois du culte des morts : fête de la Toussaint, suivie de celle des Trépassés. Cérémonies du 11 novembre, rappelant l’incroyable sacrifice de millions de Français. Visite des cimetières.Ce culte est de tous les temps et de toutes les civilisations. Peut-être même peut-on dire qu’il est à l’origine de la Civilisation. Les monuments de l’Égypte ancienne qui nous fascinent encore ne sont-ils pas le résultat du prodigieux effort auquel ce culte donna lieu ? (…) . Un pays n’est pas seulement la propriété de ceux qui y vivent ; mais aussi de ceux qui y ont vécu. Effacez leur souvenir, et vous déclarez la terre ouverte à tous. Vita mortuorum in memoria est posita vivorum ; La vie des morts est de survivre dans l’esprit des vivants disait Cicéron et, plus près de nous, Chateaubriand : Les vivants ne peuvent rien apprendre aux morts ; les morts, au contraire, instruisent les vivants.Disons-le tout net : un peuple qui n’honore pas ses morts n’a plus d’avenir. D’autres viendront, qui progressivement prendront la place des amnésiques, et ne coloniseront pas que ses cimetières. Car tout se tient. Barrés avait bien compris le lien charnel qui existe entre la terre et les morts. C’est que la terre de France n’est pas seulement la propriété des soixante millions de personnes qui y vivent aujourd’hui, et dont on ne sait trop s’il faut les qualifier d’habitants ou de nationaux. Elle appartient aussi au milliard d’êtres humains qui, depuis l’aube des temps historiques y ont vécu, travaillé, souffert, aimé, et qui, si souvent, ont donné leur vie pour elle.En honorant nos morts, en respectant la dernière et intangible demeure, à laquelle ils ont droit, nous nous relions à eux, qu’ils fussent riches ou pauvres, glorieux ou humbles : Dona eis, Domine, requiem sempiternam. »
Le Figaro qui consacre un article à Halloween rapporte qu’ «Aux États-Unis, 179 millions de personnes soit 55% de la population, s’apprêtent à participer activement à la fête, en décorant leur maison, ou en se déguisant. Et le chiffre d’affaires global généré par l’événement s’annonce colossal: chaque participant devrait dépenser entre 75 et 96 dollars, et plus de 9 milliards de dollars de rentrées sont attendues, d’après la National Retail Federation citée par France tv Info. Il y a 10 ans, ce chiffre n’était encore que de 5 milliards de dollars.»
Quid de la France? Le site du quotidien relaie le sondage réalisé par le site maison-budget.com, qui indique que « 45% des foyers français auront au moins une décoration d’Halloween) à l’intérieur, et plus d’un tiers (37%) des maisons seront même décorées à l’extérieur. Les citrouilles, toiles d’araignées et sorcières volant sur leur balai vont venir donner un air d’épouvante à des foyers plus nombreux que l’année dernière, d’autant que la fête d’Halloween est souvent évoquée dès la maternelle, et que nombre d’enfants attendent de pied ferme de sculpter leur cucurbitacée… Festivisation dès l’enfance? Simple moment de détente en famille? Interrogés sur la signification qu’ils donnent à Halloween, les Français ne sont cependant pas dupes: pour 46% des personnes interrogées par maison-budget.com, il s’agit d’une fête commerciale en premier lieu. Mais 19% d’entre eux soulignent qu’il s’agit d’abord d’une occasion de faire plaisir aux enfants (…). Où va s’arrêter la folie Halloween? (…). Même si l’événement semble déjà faire plus d’émules que la traditionnelle visite aux morts, nous sommes encore loin des pratiques d’outre-Atlantique, qui il est vrai donnent souvent le la de nos comportements futurs ».
Si comme l’affirme l’eurasiste Alexandre Douguine, « L’Amérique, comme le Terminator activé par son programme automatique, est venu du futur vers nous, et c’est son effrayant secret », nous ne sommes pas condamnés à subir les outrances d’une certaine Amérique progressiste. Sachant que celle-ci est souvent bien éloignée de l’Amérique profonde, tant il faut se méfier des généralisations au sujet de cet Etat mosaïque, de ce pays-monde célébré il y a quelques années par Jacques Attali comme l’ébauche de la société planétarienne à venir. Il y a encore au sein de notre peuple, un esprit de résistance à la colonisation - culturelle, sociétale, politique - yankee, même si de recul en recul, à commencer par celui de nos élites et de nos dirigeants, sous les coups de boutoir du mondialisme, les particularismes français, nationaux, tendent à s’effacer.
Bref, au-delà-même de la défense de nos racines spirituelles, ne pas se soumettre au diktat marchand d‘Halloween, c’est aussi manifester une volonté politique de ne pas plier face à l’américanisation-mondialisation des esprits.
https://gollnisch.com/2017/10/31/halloween-in-money-we-trust/