En une semaine, ils ont fait leur réapparition sur les écrans. Ils ? Les vaincus de Macron, les perdants, les has been – pour ne pas dire les « had been » – de la politique française. Les battus du monde d’avant. Un come-back de tous les instants, sur presque tous les sujets. Et cela nous laisse un sentiment partagé : pitié pour eux, admiration pour ce Président qui les a poliment rangés dans le grenier de la République.
Le premier à revenir, ce fut François Hollande. Après les piques et les conseils adressés à son successeur, qui sut saisir son destin en se faisant le Brutus d’un César déjà moribond, il est de toutes les commémorations : 11 novembre, mais aussi 13 novembre, puisqu’il fut le Président qui « géra » cela. Il multiplie également les conférences, pendant que ses conseillers essaient de nous faire vibrer sur la gestion de l’affaire Merci pour ce moment dans les coulisses de l’Élysée. Réaction des Français ? Elle est catégorique. Les Français ne veulent absolument pas revoir M. Hollande. Dans le sondage Elabe pour Les Échos et Radio Classique, il perd six points en un mois, à 16 % de bonnes opinions ! Et la part des mauvaises opinions à son égard progresse à 71 %. Du jamais vu pour un ancien Président.
Pour le 11 novembre, le Président Macron a pris soin d’inviter également M. Sarkozy. Et, à l’occasion de l’hommage rendu à Clemenceau, M. Sarkozy n’a pas hésité à se comparer au Tigre ! Les temps ont changé, mais pas M. Sarkozy. Cela devrait conduire M. Wauquiez à relativiser les conseils que vient de lui donner son ancien mentor : « Celui qui ne rassemble pas, qui pense qu’une famille politique, c’est une secte, ne peut pas défendre ses convictions. » Le parcours de M. Sarkozy, dans les temps nouveaux du macronisme, n’est peut-être pas le modèle à suivre.
Ce souci des usages républicains, qui honore M. Macron, particulièrement auprès de l’électorat âgé et qui eut la faiblesse de voter un jour pour un Sarkozy ou un Hollande (et cela fait beaucoup de monde), le sert bien au-delà : la photo souligne le contraste, rappelle la jeunesse et la nouveauté de celui qui a tout balayé du monde d’avant. Et le monde d’avant, tel qu’en lui-même, se prête de bonne grâce à marteler le message. MM. Hollande et Sarkozy ? De splendides utilités dans le ballet macronien. De petites lueurs déclinantes qui en font un Roi-Soleil.
Mais nous allions oublier un dernier revenant. Le meilleur pour la fin : M. Juppé. D’après Sud-Ouest, il a été enthousiasmé par le discours de M. Macron sur l’Europe à la Sorbonne et souhaite participer, pour les prochaines élections européennes, à un grand courant pro-européen que conduirait le chef de l’État. Rien d’étonnant du point de vue politique. Rien d’étonnant non plus, d’un point de vue médiatique, que les brumes bordelaises de novembre poussent M. Juppé à vouloir lui aussi capter un peu de la lumière macronienne.
Mais on se demande si M. Macron a vraiment intérêt à ce rapprochement. Deux anciens Présidents, qui incarnèrent chacun, avec leurs défauts, la droite et la gauche d’avant, cela a du sens. Mais M. Juppé, qui ne fut jamais Président et qui n’incarna finalement qu’un gaullisme creux, un centrisme indécis et une béatitude confondante sur les questions d’Europe et d’immigration, est-ce vraiment utile ? N’a-t-il pas déjà donné avec M. Bayrou ? Maintenant qu’il est Président, quelle utilité de ringardiser sa personne et son projet par un Juppé qui n’a cessé de se « bayrouiser » ? N’a-t-il pas pris, avec M. Philippe, un technocrate falot que l’on dit bon gestionnaire, le meilleur de ce qu’il avait à prendre chez M. Juppé ? Pourquoi vouloir aller plus loin dans cette voie ?
À moins que le macronisme ne soit qu’un juppéisme juvénile.
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