La chronique de Philippe Randa
Les deux complices (Francis Bergeron et Pierre Gilleth) dirigeant la collection « Lys noir » chez Auda Isarn ne s’en cachent pas : ils publient des polars « engagés » !
Les amateurs se rappelleront bien évidemment la défunte collection « engrenage » qui tenta dans les années quatre-vingt du siècle dernier de s’imposer avec une recette qui fit pschitt : la mayonnaise « néo-polar » si lourdement pimentée d’idéologie soixante-huitarde, voire franchement communiste, tourna court en moins de sept ans (fondée en 1979 aux éditions Jean Goujon, reprise par le Fleuve Noir en 1981, abandonnée en 1986).
Quelques titres, parmi les 133 publiés, méritèrent bien d’être lus et appréciés, mais la plupart s’avérèrent rapidement aussi prétentieux qu’« ennuyeux » : l’antifascisme fantasmé et l’anti-bourgeoisie compulsive n’ont à l’évidence pas trouvé leur public. Si tant est qu’il exista.
Et donc, le « Lys Noir » entend relever le défi avec des romans tout aussi épicés idéologiquement, mais… du bord inverse. Soit le parti pris assumé de montrer le monde comme il va… ou plutôt comme il ne va plus !
Le premier volume de la collection est la réédition de L’Énigme du lundi de Pâques d’Henri Béraud. Il tonne le ton : l’auteur fut condamné en 1944 pour excès d’amitiés franco-allemande, anglophobie militante et excès de talent professionnel.
Bruno Favrit, connu pour ses livres sur le paganisme, enchaîne avec Le Hussard ne perd pas le Nord en inaugurant les aventures d’un aventurier prêt à en découdre avec toutes les crapules qui empestent le monde moderne… On ne s’étonnera que modérément que celles-ci puissent souvent être d’origines exotiques.
Troisième titre de la collection, une autre réédition : Qui a tué Marina Sturm ?… Signé Madeleine Charnaux et publié initialement en 1944, cette dame fut une championne sportive renommée et… l’épouse de l’écrivain collaborationniste Jean Fontenoy ; Ah, bon !
Quatrième titre paru à ce jour : Le Dernier des occupants. Son auteur, l’avocat Thierry Bouclier, ne fait pas mystère de s’être inspiré du Dernier des Mohicans de Fenimore Cooper dont il a transposé l’intrigue dans le Paris d’aujourd’hui et sa proche banlieue Est ; l’Indien en voie de disparition y est, comme on s’en doute, le Français de souche… Une histoire menée tambour battant où se croisent flic véreux, haut fonctionnaire aveuglé par le politiquement correct et racailles aussi lâches que stupides. Les deux héroïnes, qui semblent avoir beaucoup fréquenté le couvent des oiseaux, se retrouvent brutalement plongées dans le monde réel de la pourriture cosmopolite et l’abjection de certaines mœurs… Elles n’y perdront pas – de justesse – leur vertu, mais leurs illusions sur une société où « tout le monde, il est déraciné, tout le monde il est Charlie »…
Enfin, pas au « Lys Noir », en tout cas !
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