Le bloc-notes de Jean-Claude Rolinat
Les images ont fait le tour du monde, au détriment de notre pays. À l’occasion d’une promotion défiant toute concurrence sur le prix de vente, (moins 70 % !), de cette pâte chocolatée bien connue des enfants, -« grands » et petits -, des nuées de consommateurs-trices, (écriture inclusive oblige !), se sont rué(e)s pour ne pas dire se sont battu(e)s sur et dans les rayons spécialisés de certaines grandes surfaces. Après les crêpages de chignons au moment des soldes sur les fringues et autres articles ménagers, les bousculades lors de « ventes privées » et autres opérations « portes ouvertes », des Français-es, ont donné une détestable image de leur pays qui est devenu la risée de la planète grâce à internet. Disons-le, la France a fait l’objet de bonnes blagues de la part des internautes.
Le dessinateur Morris avec son héros Lucky Luke, avaient magnifiquement illustré dans une BD la course démoniaque des « sans terre » sur l’Oklahoma, qui se ruaient dans un désordre indescriptible et comique. Son non moins talentueux confrère Franquin dans les aventures de Spirou et Fantasio en Palombie, avec les ondes du malfaisant Zorglub, avait caricaturé les clients d’un supermarché, hypnotisés, se ruant sur les rayons hygiène et s’arrachant dans un moment de folie , quitte à en venir aux mains, qui des savons, qui des tubes de dentifrice en promotion ! Etait-ce comme cela lors de la ruée vers l’or au Klondike, au XIXe siècle ? En tout cas, les images véhiculées à propos de ces rabais exceptionnels sur le Nutella, ressemblent étrangement à ces stupides mouvements de foule….
Au moment où l’on nous bassine qu’il faut défendre la planète et que le climat se réchauffe, patati et patata, les frénétiques consommateurs de cette marque ont-ils pensé que dans de vastes contrées exotiques, on pratique la déforestation à tour de bras en chassant une faune exceptionnelle, pour planter ces arbres producteurs d’huile de palme, laquelle huile, justement , sert à la fabrication de la « divine » pâte chocolatée, et que ces nouveaux arbustes ne contribuent ni à la fertilité des terres, ni à l’exhalation de la chlorophylle ?
Nos héros d’hier sont-ils morts pour des pots de Nutella ?
Après cette désastreuse séquence de la vie quotidienne au pays de Molière, de Guitry, des impressionnistes, de Bizet et de Claudel, d’Henri IV et autre Napoléon ou d’Albert Schweitzer et de Pasteur, sans oublier de nobles figures comme d’Estienne d’Orves et Bastien Thiry, j’ai fait un tour sur la place de mon village. Surmontant le monument aux morts, le « poilu » de 14/18 faisait la gueule. « C’est pour ça que je suis tombé à Verdun ou au « Chemin des Dames », semblait-il me dire ?
En fait, dans un pays qui se laisse envahir, pour l’instant à peu près pacifiquement,-et encore, à voir -, par toutes les tribus de la terre, où des bandes d’ados avachis marchent dans les rues comme des zombies, l’œil rivé sur leur portable, écouteurs enfouis dans les oreilles et, autre exemple, où, légalement un monsieur moustachu peut épouser un monsieur barbu sans oublier que des détenus font la loi dans les prisons, plus rien ne m’étonne. La France était à la Renaissance, selon Joachim Du Bellay, la « mère des arts, des armes et des lois ». Qu’en est-il aujourd’hui de ses artistes, de ses savants, de ses héros ? Tout est-il passé à la trappe ?
Le silence des « élites »
On aurait aimé une protestation officielle, fustigeant ces misérables lopettes à la recherche d’un « Graal alimentaire ». Mais dans ce qui fut ce beau pays, de la Gaule romaine à la France républicaine, conquérante et pacificatrice, en passant par le royaume des lys, où sont aujourd’hui les frontières entre le beau et le laid, le noble et le vulgaire, l’héroïsme et l’avachissement, la résignation et l’enthousiasme ?
Quel historien des siècles futurs, dressera le tableau impitoyable de cette marche vers la décadence qui semble inexorable ? Nous savons par le Maître de Martigues qu’en politique, « le désespoir est une sottise absolue » et, par le Stathouder Guillaume d’Orange « qu’il n’est pas nécessaires d’espérer pour entreprendre ». Alors espérons, entreprenons et, à la fin du compte, il ne nous pas interdit de penser qu’une « divine surprise » nous récompensera !