Porte-parole du gouvernement et secrétaire d’Etat aux Relations au Parlement, Christophe Castaner, réagissant à la venue de Steve Bannon au congrès du FN à Lille, avait déclaré que ce dernier était « le roi des fake news » - critique qui dans sa bouche ne manque pas de sel!- et « le roi des suprémacistes blancs »… En l’espèce un bobard asséné par la candidate malheureuse Hillary Clinton pendant la campagne présidentielle américaine et repris par l’ensemble des médias progressistes. En fait de suprémacisme, Emmanuel Macron n’a pas semblé gêné outre mesure par celui du gouvernement de l’extrême droite identitaire hindou dont il était l’invité ces derniers jours. Le Monde le rapporte très factuellement, « le voyage officiel d’Emmanuel Macron en Inde s’est terminé lundi 12 mars à Bénarès, transformée pour l’occasion en vitrine du nationalisme hindou. Au troisième et dernier jour de sa visite, Emmanuel Macron y a été accueilli par le premier ministre indien Narendra Modi, et par Yogi Adityanath, le dirigeant de l’Uttar Pradesh, l’Etat où se situe Bénarès. Ce chef d’une milice hindoue, emprisonné en 2007 pour avoir organisé des émeutes, est poursuivi pour tentative de meurtre, intimidation criminelle et incitation à la haine. » Le chef de l’Etat, affichant les sourires chaleureux de circonstance, s’est plié de bonne grâce à l’instrumentalisation de sa visite à des fins de propagande politique par M. Modi. L’actuel Premier ministre est membre du BJP (Bharatiya Janata Party), formation politique très puissante en Inde, qui se revendique de l‘Hindutva, idéologie du suprémacisme culturel et ethno-religieux hindou, volontiers qualifié d’islamophobe par les mahométans du sous-continent indien. Narendra Modi fut membre d’une organisation paramilitaire de masse, la Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS), « Organisation volontaire nationale » qui a toujours des liens organiques avec le BJP et qui est connue pour sa défense intransigeante de la foi hindoue face aux menées des islamistes, mais aussi pour ne pas répugner parfois à la violence contre l’extrême gauche ou les minorités religieuses.
Alors, à l’évidence, au cours de cette visite d’Etat, nécessités commerciales et impératifs géopolitiques l’ont emporté sur toute autre considération pour Emmanuel Macron, ce qui , nous l’espérons, ne choquera pas outre mesure la sensibilité de M. Castaner. Nous n’allons d’ailleurs pas reprocher au président de la république de réintroduire, après les désastreux épisodes Sarkozy-Juppé puis Hollande-Fabius, un peu de realpolitik dans la conduite de nos relations internationales. Quand bien même serait il heureux qu’il s’en inspire plus avant dans le dossier syrien et dans notre dialogue avec Moscou…
Un principe de réalité que prônait aussi Louis Aliot, invité lundi de Radio Classique, qui fut questionné sur la probabilité de la mise en place d’alliances entre l’opposition nationale et LR. « Les électeurs républicains, a-t-il déclaré, ont voté au deuxième tour pour nos candidats et ce, depuis déjà beaucoup d’élections. A la base c’est en train de se faire. Les états-majors, je n’y crois pas car ils sont enfermés dans des logiques d’appareils qui, pour l’instant, les empêchent de discuter avec qui que ce soit. » D’autant , a-t-il ajouté, qu’«on ne sait pas ce que pense Laurent Wauquiez», et que «son parti vote au parlement européen toute la politique de Jean-Claude Juncker », le président de la Commission européenne.
Une alliance d’appareils à laquelle ne croit plus pas non plus la conseillère politique de Laurent Wauquiez,et député au Parlement européen Nadine Morano. Présente sur l’antenne de RMC hier, elle s’est surtout employée à dire tout le mal quelle pensait du Front National tout en avouant des «constats communs » entre le FN et LR . « Plutôt que de faire un accord avec un parti en déconfiture, je préfère faire un accord avec les Français et l’ensemble des électeurs, on veut qu’ils reviennent vers nous! » « Quand vous faites une alliance vous devez avoir un maximum de points communs et une ligne politique convergente.» Or a-t-elle ajouté, «l’ADN de base du FN c’est l’antigaullisme, je suis gaulliste: je ne peux pas faire alliance avec un parti antigaulliste! »
Marie-Christine Arnautu réagissant à cette entretien de l’élue LR a noté: « S’amuser à jouer la dure à longueur de temps pour au final rentrer dans le même moule que tout le monde, quel courage !»Certes, la faiblesse des éléments de langage, des arguments avancés par Mme Morano peuvent s’expliquer. Indigence qui est la marque de la fébrilité de M. Wauquiez contesté dans sa stratégie droitière par des poids lourds républicains, à la tête d’un parti sans unité, fortement tiraillé entre sa base conservatrice et identitaire ( au sens large du terme) et de nombreux cadres ouvertement progressistes et à l’antifrontisme rabique. Quelle cohabitation possible au sein de LR entre deux tendances aussi opposées? Et ce, alors même que les sympathisants de base du président de LR constituent à l’évidence le noyau dur des électeurs de droite qui, dans les sondages, se prononcentpour des accords, notamment locaux, avec les nationaux…
« Ami » de Nadine Morano, l’ex ministre de Nicolas Sarkozy et ancien député RPR, UMP et LR , Thierry Mariani, a fait preuve de plus de fermeté et de cohérence. Dans l’entretien qu’il a accordé au JDD samedi, M. Mariani, qui a souvent tenu un discours similaire à celui du FN sur de nombreux sujets, tout en prenant bien soin de s’en démarquer, a tenu des propos plus en adéquation avec la logique électorale et les attentes du peuple de droite: « Tout a changé depuis l’élection d’Emmanuel Macron. Nous avons affaire à un renversement d’alliance. Le centre, qui nous a empêchés pendant des années de réaliser ce qu’on devait faire, est parti chez Macron. Et le FN d’aujourd’hui n’est plus celui de Jean-Marie Le Pen. » Quand bien même, ajouterons nous, toute une partie du RPR dont Thierry Mariani fut l’élu, prônait déjà l’alliance avec le FN de Jean-Marie Le Pen, avant de se gauchiser sous l’influence catastrophique pour notre pays des Chirac, Juppé et consorts.
« Sans alliés, nous allons rester dans l’opposition pour longtemps. Il est temps de renverser la table. Le Front National a évolué. Regardons si un accord ou un rapprochement sont possibles. Parce que si on veut des alliés, ils seront forcément de ce côté-là si on veut appliquer un programme de droite» précise encore M Mariani. Une prise de conscience qui intervient au moment ou le président du Parti chrétien démocrate (PCD, affilié à LR) , Jean-Frédéric Poisson, jusqu’alors défavorable à toute alliance avec le FN, évolue lui aussi sensiblement. Sur France Info hier, il s’est dit prêt à «essayer de faire émerger un projet», «une véritable alternative à la vision de la France d’Emmanuel Macron», «qui soit suffisamment large et clair pour rassembler, pour tous ceux qui pensent que la France a encore un rôle à jouer dans l’Europe, que la culture française a du sens (…). Tout cela peut constituer un projet politique, c’est ma conviction, susceptible de rassembler largement.» «Tous ceux qui s’y retrouvent sont les bienvenus et si cela doit aller des Républicains aux gens qui sont au Front national, ça sera très bien.»
Bruno Gollnisch le rappelle, le FN a longtemps tendu la main, en vain, à tous les adversaires autoproclamés des libéraux-libertaires, des immigrationnistes, des euromondialistes béats. La droite démonétisée par des années de trahisons, de reniements, de lâchetés, est aujourd’hui, plus que jamais , devant ses responsabilités. Est-elle capable, aura-t-elle le courage de faire son aggiornamento, de se dégager de l’emprise idéologique de la gauche, du vieux piège mitterrandien? C’est au pied du mur, ici et maintenant, qu’elle sera jugée.
https://gollnisch.com/2018/03/14/un-doux-chez-les-durs-la-droite-au-pied-du-mur/