Claude Bourrinet
La stupeur a arrêté le temps, le matin s'est ouvert sur un grand vide, et l'on a peine à mettre des mots sur ce qui dépasse la médiocrité de notre imagination. C'est ce que l'on appelle le sublime.
Arnaud Beltrame est mort en martyr. Non comme ces assassins qui égorgent, massacrent, achèvent les blessés, et considèrent la vie humaine comme un résidu dont il faut se débarrasser. Non comme un fanatique qui jauge le sacrifice selon l'explosion qui anéantit des existences innocentes. Mais en homme brave, responsable, qui a jugé qu'il n'était pas vain de sauver la vie d'une femme sans défense contre la sienne, parce que, pour un soldat, donner sa vie est un honneur et un service, un contrat avec la patrie, avec soi-même, et peut-être avec ce qui est encore plus élevé.
Tout à coup, notre pauvre France, si rabaissée, si meurtrie, si humiliée, et, il faut bien le dire, si petite, si vile, parfois, a renoué avec son âme, avec l'esprit qui est son origine. Il est grand de s'immoler, sans porter tort à autrui, comme Dominique Venner, qui a renouvelé, en plein XXIe siècle, le geste antique des stoïciens ou des samouraïs. Mais Venner protestait, criait contre la mort de notre civilisation. Il y avait quelque chose de déclamatoire, de stylé, dans son acte. Un peu comme le témoignage des martyrs chrétiens jetés aux lions.
Avec le lieutenant colonel Arnaud Beltrame, on est dans une autre dimension. Peut-être pourrait-on évoquer, non le geste, mais la geste, celle des chevaliers de nos vielles chansons médiévales, dont les exploits se voient sur les vitraux ou les chapiteaux de nos églises romanes ou de nos monastères. Mais nos guerriers francs étaient encore trop orgueilleux. Car ce n'est certes pas une prouesse belliqueuse, qui a été accomplie pour notre mémoire, mais un service, mais un office, une offrande humble, sans haine, sans ostentation vaine, sans ornement : un sacrifice chrétien, comme celui que fit Celui qui subit la croix pour l'humanité, et d'une telle simplicité que l'on ne peut que la figurer que comme une prière pure, claire et traversée de lumière.
Que nos gouvernants, de droite et de gauche, qui ont plongé notre nation dans l'une des pires décadences de notre histoire, ne s'y trompent pas. Leurs discours ronflants ne réussiront pas à récupérer un sacrifice aussi grand. Ils sont trop nains, pour cela ! Le lieutenant colonel Beltrame n'appartient qu'à son pays, par-delà les siècles. Il demeure, pour nous, un exemple.
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