Le néoconservateur Philippe Val, celui-là même qui lança en 1996 une pétition pour l’interdiction du Front National dans le magazine Charlie Hebdo qu’il dirigeait alors, a rédigé un manifeste contre le nouvel antisémitisme. Il a été publié dans Le Parisien en début de semaine. Un mois après le meurtre de Mireille Knoll, cette tribune a été signée par 300 personnalités du monde politique, journalistique, des comédiens et des chanteurs ( (Sarkozy, Ciotti, Wauquiez, Dépardieu, Aznavour, BHL, Finkilekraut, Haziza, Fogiel, Estrosi, Ferry, Valls, Raffarin, …). Elle demande à « l’islam de France qu’il ouvre la voie », « que la lutte contre cette faillite démocratique qu’est l’antisémitisme devienne cause nationale avant qu’il ne soit trop tard. Avant que la France ne soit plus la France. » Pour se faire, M. Val fait part de son vœu que dans le texte sacré des musulmans, le Coran, les textes « appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants soient frappés d’obsolescence par les autorités théologiques, comme le furent les incohérences de la Bible et l’antisémite catholique aboli par Vatican II, afin qu’aucun croyant ne puisse s’appuyer sur un texte sacré pour commettre un crime. »
A ce stade, notons d’ores et déjà que Philippe Val sait pertinemment que son équation personnelle le rend assez peu audible pour demander quoi que ce soit à des musulmans. Lesquels ne peuvent en aucune manière toucher au texte même du Coran, qui représente aux yeux des croyants la parfaite parole d’Allah délivrée à Mahomet par l’intermédiaire de l‘archange Gabriel. Coran qui n’est pas susceptible d’interprétation, de modification, d’abrogation. Coran qui est dit incréé.
Bernard Antony souligne de son côté que « ce ne sont pas seulement quelques versets dits médinois et notamment ceux de la sourate IX qui appellent à l’élimination des juifs ou de ceux (les chrétiens) coupables du seul péché qu’Allah ne pardonne pas : associer d’autres Dieux à Dieu . Il y en a un très grand nombre d’autres dans le Coran, mais aussi dans les Hadîths (les faits et gestes du prophète) quasiment autant sacralisés. » Il précise encore que « L’assertion (du manifeste de M Val) sur la suppression des incohérences de la Bible par le concile Vatican II témoigne d’une bien médiocre culture par son rédacteur. Il n’existe rien de tel dans les textes de ce concile ! Par le passé, l’interprétation de la Bible a été simplement contrôlée, chez les chrétiens catholiques et protestants comme chez les juifs, par leurs autorités d’interprétation spirituelle. Notons d’ailleurs que le texte de la Bible catholique est pour l’essentiel celui de la Bible judaïque et ni les Juifs ni les Chrétiens ne se sont avisés d’en supprimer quelques passages…»
Dans son manifeste Philippe Val écrit aussi que « les Français, dont on a mesuré la maturité démocratique après chaque attentat islamiste vivent un paradoxe tragique. Leur pays est devenu le théâtre d’un antisémitisme meurtrier. Cette terreur se répand, provoquant à la fois la condamnation populaire et un silence médiatique que la récente marche blanche a contribué à rompre. Les Français juifs ont 25 fois plus de risques d’être agressés que leurs concitoyens musulmans. 10 % des citoyens juifs d’Ile-de-France – c’est-à-dire environ 50 000 personnes – ont récemment été contraints de déménager parce qu’ils n’étaient plus en sécurité dans certaines cités et parce que leurs enfants ne pouvaient plus fréquenter l’école de la République. Il s’agit d’une épuration ethnique à bas bruit au pays d’Émile Zola et de Clemenceau. »
Une épuration que les autorités publiques accepteraient sans broncher ou dont elles s’accommoderaient «parce qu’au vieil antisémitisme de l’extrême droite s’ajoute l’antisémitisme d’une partie de la gauche radicale qui a trouvé dans l’antisionisme l’alibi pour transformer les bourreaux des Juifs en victimes de la société. Parce que la bassesse électorale calcule que le vote musulman est dix fois supérieur au vote juif. »
Invité de France Inter lundi matin, l’essayiste Pascal Bruckner, qui a signé cette tribune, a précisé: « Nous n’appelons pas à la stigmatisation, mais à l’insurrection des bonnes volontés et, dans ces bonnes volontés, les musulmans réformateurs, les musulmans libéraux, les musulmans éclairés sont évidemment d’accord . Non seulement nous ne stigmatisons pas, mais nous avons un certain nombre d’imams qui ont signé avec nous et qui sont eux-mêmes horrifiés par ce qui se passe. » Il fait ici référence à l’imam de Nantes Mohamed Guerroumi et à l’ancien imam de Drancy (Seine-Saint-Denis), Hassen Chalghoumi, qui, sans leur faire injure, ne sont pas vraiment considérés comme des pointures et qui ne jouissent pas d’une grande popularité au sein de la communauté musulmane.
Cette initiative de Philippe Val et consorts a heurté beaucoup de responsables ou d’autorités religieuses de confession musulmane. Le président du Conseil du culte musulman, Ahmet Ogras, estime que « cette tribune est un non-sens, un hors-sujet. La seule chose à laquelle on adhère, c’est qu’on doit tous être ensemble contre l’antisémitisme. »Le président de l’Observatoire national contre l’islamophobie, Abdallah Zekri, a condamné un débat « nauséabond et funeste » sur l’islam. Le recteur de la grande mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, a dénoncé un «procès injuste et délirant. » « Cette tribune présente le risque patent de dresser les communautés religieuses entre elles. » « Les citoyens français de confession musulmane majoritairement attachés aux valeurs républicaines n’ont pas attendu (cette) tribune (…) pour dénoncer et combattre depuis des décennies l’antisémitisme et le racisme antimusulman sous toutes ses formes. »
L‘imam de Bordeaux Tareq Oubrou, membre de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF, qui se fait appeler désormais Musulmans de France) apprécié par Alain Juppé, a pris l’initiative d’une autre tribune. Publiée aujourd’hui dans Le Monde et signée par une trentaine d’imams, elle condamne le racisme et l’antisémitisme: « Nous avons décidé de prendre la parole, c’est parce que la situation, pour nous, devient de plus en plus intenable ; et parce que tout silence de notre part serait désormais complice et donc coupable, même s’il ne s’agissait jusqu’à présent que d’un mutisme de sidération. »
« Le Coran est, à l’origine, en arabe. Je pense que ceux qui ont signé la tribune (de M. Val) ont lu une traduction, une interprétation. Ça montre un manque de culture religieuse. N’importe quel texte sacré est violent, même l’Evangile ! » indiquait auparavant M. Oubrou. Sur francetvinfo il affirme qu’ «attribuer l’antisémitisme à l’islam est presque un blasphème, puisque les deux-tiers des prophètes du Coran sont des juifs ! Donc cela ne rime à rien. Dans la tribune (de Val), il est stipulé clairement que le Coran appelle au meurtre des juifs et des chrétiens : c’est une erreur monumentale, et d’une violence inouïe. Le Coran n’appelle pas au meurtre ; il appelle au combat des gens qui sont hostiles. C’est la même erreur que commettent un certain nombre d’ignares musulmans, des délinquants, qui prélèvent des textes isolés de leur contexte historique. Attribuer l’antisémitisme à une génétique coranique quelconque est une erreur intellectuelle monumentale ; la même erreur que commettent nos jeunes qui n’ont aucune culture religieuse.»
Selon la recension faite par Le Point, les éditorialistes ont diversement apprécié la pertinence de la tribune de Philippe Val , écartelés entre leur refus de fermer les yeux (et donc de tomber sous l’accusation d’un antisémitisme implicite, par lâcheté) et leur peur de stigmatiser les musulmans. Une frousse de l’amalgame qui est aussi (depuis longtemps) celle de Claude Askolovitch qui le confie sur slate.fr. Certains résolvent l’équation difficile en tentant une filiation, en voulant enraciner l’antisémitisme musulman dans un humus français, en l’intégrant dans une vieille tradition autochtone , quitte à tout mélanger: « À l’heure où la République écarte les œuvres de Charles Maurras et de Louis-Ferdinand Céline du catalogue des célébrations nationales, elle ne peut pas continuer à fermer les yeux sur cette nouvelle forme d’antisémitisme beaucoup moins littéraire, mais tout aussi détestable », écrit Hervé Favre dans La Voix du Nord.
Même son, de cloche d’ Alain Dusart dans L’Est républicain : « Val et ses cosignataires inventent le nouvel antisémitisme. Ce dernier, certes inadmissible, n’a rien de nouveau en France. De l’affaire Dreyfus au régime de Vichy. Il s’agit ici de faire porter le chapeau de ce nouvel antisémitisme à l’ensemble des musulmans. C’est caricatural et ridicule (…). »
Un procès en antisémitisme qui fut aussi longtemps fait au Front National au motif assez étrange qu’il combat le mondialisme, entend défendre la France des terroirs et des clochers, l’identité charnelle de notre pays. Ce qui lui valut l’accusation d’accointances idéologiques avec le pétainisme et le maurrasisme de la part de la gauche ou de la droite courbe. L’ex ministre de l’Education nationale Luc Ferry l’explique en rapportant cette anecdote: « Quand j’ai dit à l’Assemblée nationale que nous avions à faire à un nouvel antisémitisme, que ce n’était plus l’extrême-droite traditionnelle ni l’anti-judaïsme chrétien, je me suis fait insulter, j’ai été traité de salopard, je m’en souviendrai toute ma vie, par un parlementaire de gauche, désespéré qu’on lui retire sa cible principale qui était le Front National. »
Sur Mediapart, l’autoproclamé islamo-gauchiste Yvan Najiels a le mérite dans son article de résumer la défense dialectique d’une certaine nébuleuse telle qu’elle est représentée aujourd’hui , peu ou prou par la planète LFI et ses satellites trotskistes, islamo-communautaires politisées. Pour la gauche de la gauche immigrationniste , anticapitaliste, se voulant toujours antisioniste, la nouvelle figure du Juif discriminé et persécuté s’incarnerait en ce début de XXIe siècle en la personne du Musulman en France. Et les antisémites de souche applaudiraient de surcroît à la création de l’Etat d’Israël au motif qu’elle a conduit au départ de nombreux juifs : «le dessein de cette tribune (de Val) est de désigner un nouvel ennemi intérieur. Son nom ? L’Islam et ses fidèles qui menaceraient, comme au bon vieux temps de l’antisémitisme vintage, l’identité nationale de la France et la liberté de ses femmes. C’est du reste le sens de l’expression glaçante épuration ethnique à bas bruit qui n’est que le pendant, de gauche et démocratique, de ce que le fasciste Renaud Camus appelle, lui, sans fard le grand remplacement . Vision strictement raciale du pays.(…). »
«L’antisémitisme de l’Etat français poursuit-il, s’est mué en philosémitisme après un génocide auquel son personnel politique a participé et après la création de l’État d’Israël qui a mis fin au caractère transnational des juifs du monde entier, exauçant alors un vieux souhait antisémite, en assignant à ce peuple une terre et un site national dont furent, par conséquent, chassés ceux qui y vivaient paisiblement. La Palestine et son peuple ont payé pour les crimes de l’Occident blanc mais cela ne suffit pas à Philippe Val. Celui-ci ne supporte pas la dénonciation de ce crime destiné à laver l’Occident d’un précédent crime et en occidentaliste de choc, il appelle par sa tribune à museler, à tout le moins, celles et ceux qui dénoncent l’infâme politique criminelle israélienne qu’il amalgame à dessein au judaïsme et aux juifs, en général. Le philosémite n’est qu’une variante de l’antisémite et Lucien Rebatet, ex-collabo qui soutint Israël dans la guerre de 1967 (dans l’hebdomadaire Rivarol, autre époque, NDLR) , l’a expérimenté avant lui.»
Au delà de cette pauvrette et lourdingue analyse gauchiste, nous pensons pour notre part qu’il n’est pas contestable que nos compatriotes d’origine et/ou de confession juive aient été victimes d’homicides du fait même de leur judéité. Et la justice dira si l’antisémitisme est aussi le mobile du meurtre atroce de Mireille Knoll. Nous l’avons écrit sur ce blogue en janvier dernier , il est tout aussi incontestable que des familles juives ont quitté en masse les quartiers islamisés pour rejoindre si ce n’est l’Etat hébreu, du moins des communes, des départements moins métissés ou comptant déjà une forte communauté israélite structurée. Une accélération du communautarisme sur une base ethno-culturelle pour échapper aux « joies » du vivre-ensemble en quelque sorte, phénomène qui se répand bien au-delà du cas des juifs de France, tel est le résultat de la politique des partis dits de gouvernement, communiant dans le même universalisme républicain…
Il est tout aussi évident que ce sont TOUS les Français qui sont victimes de l’immigration massive, du changement de nature, de visage , de climat qu’elle impose à la France constate Bruno Gollnisch. N’interpréter ce problème qu’au travers du prisme de la religion musulmane (même si cette donnée là est tout sauf anodine) et de l’antisémitisme est extrêmement réducteur. Ce sont des milliers , plus certainement des dizaines des milliers de gaulois qui ont été victimes ces dernières années de violences physiques, d’insultes, d’agressions parfois mortelles motivées par le racisme anti-de souche d’immigrés ou de Français de papier qui ne sont pas tous musulmans. Le Front National fut bien seul (il l’est certes moins aujourd’hui) à le dénoncer. Il n’est pas certain que cette réalité là puisse être l’objet d’une tribune publiée dans Le Parisien ou Le Monde et qu’elle serait approuvée par la totalité des signataires de celle du militant Philippe Val; a fortiori quand lesdits signataires portent une responsabilité plus ou moins directe dans la situation actuelle.
https://gollnisch.com/2018/04/24/une-epuration-ethnique-a-bas-bruit/