Vincent Vauclin à l'émission Synthèse avec Roland Hélie sur Radio Libertés la semaine dernière
Vincent Vauclin
Président de la Dissidence française
Cinquante ans après, les utopies hallucinées de Mai 68 se dissipent et dévoilent le terrible visage du totalitarisme idéologique façonné par leurs subversions successives. Aux slogans juvéniles et rebelles lancés à la face d’une France hébétée, ont succédé les incantations autoritaires d’un individualisme forcené et d’un mondialisme béat. Le basculement de Mai 68 fut le catalyseur de l’ultime mutation du monde moderne qui accoucha du libéralisme-libertaire qui préside aujourd’hui aux destinées du monde occidental et précipite l’effacement de tout ce qui, des siècles durant, constitua l’architecture sociale, politique et traditionnelle des nations européennes. Ce processus d’érosion méthodique des structures fondamentales de notre civilisation semble aujourd’hui entrer dans sa phase terminale, où des minorités bruyantes rivalisent d’ingéniosité pour repousser au-delà de l’imaginable les limites de l’entendement.
La profanation systématique des sanctuaires les plus élémentaires de la civilisation est devenue une injonction quotidienne à l’encontre de laquelle la plupart des partis politiques, quand ils n’en sont pas ouvertement complices, se refusent à émettre la moindre critique, terrorisés qu’ils sont par cette nouvelle inquisition médiatique qui déverse à longueur d’antenne les commandements de sa doxa hégémonique et hors-sol. Épicentre de cette pensée unique, la “lutte contre les discriminations” est devenue l’incantation totémique, et jamais questionnée, qui justifie toutes les offensives et autorise tous les outrages. Ce qui demeure doit être souillé, ce qui résiste doit plier, et pas une citadelle de l’ordre ancien ne doit échapper à la corruption et au nivellement de l’égalité républicaine. Ainsi en est-il des institutions, de la famille, de la nationalité, du langage même. Car du “mariage pour tous” à la gestation pour autrui, de la théorie du genre à l’écriture inclusive, de l’ouverture des frontières au droit du sol, de la repentance au multiculturalisme, c’est bien une même trame qui se noue et enchaîne les nations européennes acculées aux fers de la déraison.
Mais les chimères ont vécu et les générations passent. La caste vieillissante des idéologues soixante-huitards ne peut pas grand chose contre l’inévitable ressac des eaux furieuses de la vitalité européenne. Une nouvelle génération émerge, qui n’a connu ni les affres de la guerre ni l’insouciance des Trente Glorieuses, et chez qui les incantations moralistes des prescripteurs mondains ne rencontrent qu’un écho désabusé. Première victime de la mondialisation, du multiculturalisme et de la faillite républicaine, une part croissante de la jeunesse d’aujourd’hui crève d’impatience de clore cette parenthèse désastreuse qui, en multipliant les coups toujours plus rudes contre les forces morales de nos nations, l’a mené au déclassement et à l’effacement. Aussi le terme de révolution conservatrice n’est pas trop fort pour qualifier le mouvement d’une génération qui ne tardera pas à balayer les illusions du progrès et son cortège d’infamies, pour peu qu’elle parvienne à la fois à s’organiser en avant-gardes opératives et à formaliser une nouvelle vision du monde, au carrefour de son héritage millénaire et de ses espérances renouvelées. Ce n’est qu’à ces conditions que la reconquête pourra cesser de n’être qu’un mot d’ordre d’agitation médiatique pour s’incarner dans une réalité sensible et esquisser les contours du monde à venir.
L’enjeu aujourd’hui est donc celui de l’organisation d’une forme nouvelle d’aristocratie militante, fer de lance de cette nouvelle génération dont la nécessaire radicalité brusquera le conformisme ambiant de la société liquide pour y opposer la puissance évocatrice et enthousiasmante de nouveaux mythes mobilisateurs comme pourrait l’être l’idée impériale européenne. Loin d’être démonétisée, poussiéreuse et obsolète – comme l’est, par exemple, l’idée royaliste – l’idée d’une Europe-puissance héritière de la tradition gibeline, érigée sur les ruines de la technocratie bruxelloise en s’appuyant sur les principes de subsidiarité et de concentricité pour sanctuariser sans les nier les identités nationales et régionales, et réconciliant tradition et modernité pour forger une alternative conquérante et enracinée à l’occidentalisation nihiliste et décadente du monde, cette idée impériale européenne est non seulement fidèle à une tradition historique millénaire mais elle est surtout d’une actualité et d’une nécessité brûlante. Quelle autre force digne de ce nom pourrait en effet résister à la puissance hégémonique des multinationales et des tendances centrifuges du libéralisme planétaire et de la thalassocratie marchande ? Assurément, l’échelon national se trouve de facto dépassé à un tel degré de lecture, et soutenir l’inverse relève au mieux de l’aveuglement le plus naïf, au pire d’un passéisme incapacitant et arriéré.
Un demi-siècle après l’épisode de subversion majeur que fut Mai 68, le slogan des nationalistes d’alors « Europe, Jeunesse, Révolution » résonne aujourd’hui comme un défi lancé à notre génération, à rebours des dissipations individualistes et auquel nous ne pouvons nous dérober : celui de réaliser cette communauté de destin capable de se projeter en avant, non simplement par des slogans abstraits ou des conférences hermétiques, mais bien plutôt dans un élan commun et fédérateur pour brusquer l’Histoire, forger une espérance nouvelle et doter notre génération d’une avant-garde formée, disciplinée et aguerrie, d’une communauté d’idées et d’action à la hauteur des enjeux et capable de s’extraire des schémas qui lui sont imposés pour se rassembler autour d’un mot d’ordre : l’Europe contre l’Occident.
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