Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

« Dominique Venner, l’envoyé d’Homère »

venner.jpg

« J’ai mal à l’Espagne » : la célèbre phrase de Miguel de Unamuno continue de résonner avec la même intensité dans un pays où elle préludait déjà à une série de crises qui n’ont cessé de le déchirer jusqu’aux dernières menées séparatistes catalanes.

Cependant, loin de s’abandonner au sentiment tragique d’une grandeur irrémédiablement passée ou de se résigner à l’accueil touristique de masse sur fond de corruption immobilière, de prévarication politique et de décadence monarchique, la petite maison d’édition espagnole EɅS a courageusement relevé le défi du dépassement du clivage partisan, entretenu par une « caste » politique locale d’une insigne médiocrité, en faisant le pari d’un réarmement culturel d’inspiration néo-droitière à la française. A l’instar d’EɅS – déesse de l’aurore en grec qui annonce la venue de son frère Hélios, le soleil – la maison d’édition entend résolument contribuer à la renaissance culturelle européenne.

Dans un pays où l’opposition nationale a du mal à s’extirper de la référence incapacitante au Franquisme et où la référence européenne obligatoire fait bon marché de l’idiosyncrasie espagnole, les éditions EɅS participent d’une réévaluation du passé éloignée aussi bien du nationalisme de clocher que de l’européisme systémique béat, avec la volonté de contribuer à la résolution de la lancinante question de savoir « comment être européens sans cesser d’être espagnols ».

Rien d’étonnant donc à ce que la collection Synergias, inaugurée par l’ouvrage éponyme de Robert Steuckers, s’enrichisse aujourd’hui d’un livre consacré à « Dominique Venner, l’envoyé d’Homère », sous la forme d’un recueil de 22 contributions qui vont d’Alain de Benoist ou Jean-Yves Le Gallou, à Michel Lhomme – que nos lecteurs connaissent bien – en passant par Jesús Sebastián Lorente, Carlos X Blanco ou Juan Pablo Vitali, pour ne citer qu’eux.

Contrairement aux attentes d’un lecteur français, le point de départ du recueil ne se présente pas comme un hommage – même si on le sent poindre en conclusion – que comme l’invite à connaître le personnage en remontant le cours de sa vie à partir d’un suicide qui ne laisse pas de surprendre « ceux pour qui Dominique Venner incarnait l’idéal grec de mesure et de sérénité stoïque, au terme d’une trajectoire marquée en ses débuts par un activisme ardent ».

De fait, le suicide de Dominique Venner, même pour un identitaire espagnol, ne va pas de soi : il s’agit, précise l’avertissement, d’essayer de comprendre le suicide de l’historien et écrivain Dominique Venner qui mit tragiquement fin à ses jours le 21 mai 2013 en la Cathédrale Notre-Dame de Paris.

L’ouvrage invite à dépasser les simples formules de « sacrifice ou immolation », prononcés par ses proches autant qu’il met en garde contre « l’utilisation idéologique abusive à laquelle cette mort, de manière presque inévitable, se prête ».

Prévention donc à l’encontre des mésusages de la mémoire historique et prévenance à l’égard de la figure de Venner, le livre invite à examiner à nouveaux frais la figure de celui qui « a voulu faire de son suicide un acte publique, un acte politique qui peut s’analyser sans faire injure à sa mémoire ni cracher sur sa tombe ».

Qui fut réellement Dominique Venner ? Quelle lecture politique ou métapolitique convient-il de faire de son suicide ? Comment et pour quoi a-t-il lutté ? Quelle est réellement son histoire ? ».

Outre la qualité des signatures qui nous sont familières, les contributions des auteurs qui gravitent autour de la Nouvelle Droite espagnole ont le mérite d’inciter le lecteur français à confronter sa pensée à celle de ses voisins ibériques, que ce soit sur la question du « régionalisme » (appelé significativement là-bas « nationalisme « ) ou sur celle du retour du sacré, sous la forme du suicide sacrificiel d’un personnage hors normes – notre « envoyé d’Homère » – ou de l’ordalie d’une Guerre Civile qui continue de hanter les Espagnols et au miroir de laquelle nous sommes tous invités, en tant qu’Européens, à nous regarder.

Lucas Navarro

Tribune reprise du site Metamag

https://fr.novopress.info/

Les commentaires sont fermés.