Comme on ne peut pas grincher toujours, il a semblé préférable à l'auteur de ces chroniques, d'épargner aigreurs, récriminations et sarcasmes à leurs lecteurs. Au cours d'un long mois de sidération, remontant à la mi-juillet, les occasions n'ont pas manqué. On est les champions, Benalla est grand et mais Macron n'est pas son prophète, etc.
Les choses sérieuses se passent ailleurs.
Depuis le 10 août, l'effondrement de la livre turque s'est ainsi inscrit à l'ordre du jour de l'horizon international. Cela ne se manifeste pas seulement dans les agendas du Proche-Orient, des flux migratoires ou du sud-est européen. Depuis bien longtemps la réalité de ce pays, qui, d'ancien ennemi numéro 1 de l'Europe chrétienne au XVe siècle était devenu, un demi-millénaire plus tard, la première infanterie de l'Alliance atlantique sur notre continent, avait cessé d'alimenter la chronique des affrontements interbalkaniques pour jouer dans la cour des grands.
Par son armée, jusqu'à une date récente, mais désormais aussi par son économie, Ankara était devenue une des capitales qui comptent dans le monde. Depuis 2009, ce pays qu'on avait très longtemps considéré comme une des citadelles de la laïcité moderne en Orient, a fait le choix de postuler à un rôle conducteur du monde musulman sunnite, au point qu'il se murmure de plus en plus ouvertement que son président nourrit l'ambition d'en devenir le commandeur des croyants, à l'instar des anciens sultans califes de Constantinople.
La construction, véritablement révélatrice de la mégalomanie d'un homme, du palais présidentiel d'Ak Saray, inauguré en 2014 n’a fait que renforcer la crédibilité de cette impression. Au fil des élections et des référendums, au gré des intrigues et des plébiscites le pouvoir constitutionnel et pratique du président est devenu total pour ne pas dire totalitaire.
En dépit de certains traits spécifiques, tenant à l'époque et au pays considéré, on retrouve des ingrédients bien connus.
Or, à la grande surprise de l'auteur de ces lignes, tous les commentateurs agréés et, plus étonnant encore, tous les informateurs supposés évoque le sujet dans la plus complète des ignorances.
Un des thèmes récurrents des derniers jours consistait à décréter cause essentielle de l'effondrement de 40 % du cours de la livre turque sur le marché des changes depuis le début de l'année, 20 % dans la semaine écoulée l'affaire du pasteur Brunson dont la scandaleuse détention remonte à 2016 et, bien entendu l'augmentation des droits de douane sur l'acier et l'aluminium turcs annoncée par Donald Trump.
Mais pour qui prend-on le lecteur ? Rappelons simplement ici que les agences de notation avaient mis en garde contre la fragilité financière d'Ankara dès janvier 2017. Aucun complot, aucune machination, sinon la prestation autodestructrice d'Erdogan lui-même à Londres en mai. La presse parisienne, alimentée par l'AFP n'a perçu de son intervention à Chatham House le 14 mai que sa critique du déplacement de l'ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem, mais les investisseurs appeler à financer la Turquie ont compris, eux, qu'en bon islamiste Erdogan condamne le taux d’intérêt, qu’il rend responsable de l’inflation.
Faut-il s'étonner de leur réticence à lui prêter de l’argent ?
Faut-il y voir une sombre manigance de vils spéculateurs ?
Mais il nos faiseurs d'opinion et autres vaseux communicants trouvent tellement commode de tout mettre sur le débit du président des États-Unis et de miser sur le conformisme des médias et la sous-information du public.
On pardonnera à ceux qui se félicitent de ce que le pouvoir turc, la veille du 15 août, ait libéré, première concession depuis des mois, les deux soldats grecs détenus depuis mars, aussi illégalement que l'est encore le pasteur Brunson. Erdogan s'en servait dans l'espoir d'obtenir un échange avec les prétendus terroristes kurdes ou libéraux, réfugiés en Europe ou aux États-Unis… ceux-ci restant accusés sans aucune preuve du mystérieux coup d'État de juillet 2016…
N'ayant jamais douté ici de l'importance du sujet turc, on se propose donc de lui faire désormais une place plus appropriée. On ne cherchera plus à répondre à la question de la candidature de ce pays à l'Union européenne. Cette affaire doit être considérée comme largement dépassée. On se préoccupera plutôt de mieux informer au simple plan des faits, au regard de l'histoire comme de l'actualité. Et on se concentrera sur le danger de ce régime islamo-nationaliste, danger pour la chrétienté, danger pour l'Europe, danger pour le peuple turc lui-même.
JG Malliarakis