Qu'on me permette aujourd'hui de prolonger dans une autre dimension les réflexions que m'inspiraient[1] le 5 septembre les louanges surprenantes adressées au gouvernement du néfaste gauchiste Tsipras.
Durant la semaine du 20 août, l'occasion avait été donnée, en effet, aux maîtres du pouvoir d'État et aux manipulateurs de l'opinion du peuple de célébrer la victoire de l'union monétaire. Un pays qu'on avait désigné, diabolisé, piétiné, comme le maillon faible de la zone euro entre 2009 et 2015, sortait en 2018 de la tutelle technocratique qui lui était imposée.
En lui-même, pourtant, ce succès n'était évoqué en général que plutôt sobrement. Sans doute parce que, pour de nombreux secteurs de l'opinion, l'appauvrissement considérable d'une nation pouvait difficilement être présenté pour exaltant.
Ainsi, en France même, il se confirmait ces jours-ci que dette, déficit et dépense publique persistent dans le nouveau monde de l'après 2017, à peu près au même niveau où ils prospéraient dans l'ancien, avant le triomphe de Jupiter[2].
Pour exorciser la crainte d'une intervention brutale il convient, comme il convenait hier, de répandre quelques billevesées commodes : les Français payant docilement leurs impôts se croient donc à l'abri. Ils obéissent déjà, ils ne seront pas punis, ils ne seront pas soumis à une troïka extérieure, on ne réduira pas d'un tiers leur niveau de vie moyen.
Il se trouve cependant que la victoire de l'Eurozone a été remportée avec l'appui d'un gouvernement élu en 2015 sur un programme rigoureusement inverse, confirmé par un référendum.
Or, dans les rares commentaires élogieux, qui venaient du centre droit, et qui se trouvaient exprimés par des gens qui se veulent raisonnables, chez les lecteurs du Pointcomme sous la plume hautaine du directeur de L'Opinion, on décelait un mépris profond pour la démocratie.
Cela donnait lieu à d'intéressantes contorsions dialectiques.
Au nom de la vérité, la bourgeoisie centriste française tisse des louanges, en toute connaissance de cause, à celui que l'opposition stigmatise, à juste titre, comme "le plus grand menteur de l'histoire politique". Et ces laudateurs d'un genre nouveau applaudissent précisément et particulièrement ce mensonge qui lui permet d'installer ses camarades au pouvoir et de s'employer, comme l'avait fait Hollande en France, à la liquidation des valeurs et des traditions nationales.
Les mêmes qui, de manière très conventionnelle, affectent de célébrer la naissance la démocratie en Grèce, dans l'Antiquité, et en Angleterre, dans les Temps modernes, applaudissent Tsipras, voyou gauchiste qu'ils habillent en nouveau Solon. Ils en font le réalisateur d'une formule dont on a voulu accabler Margaret Thatcher "there is no alternative" : formule qui peut semble insupportable hors de son contexte précis comme lors du fameux budget 1981 présenté par le chancelier de l'Échiquier Geoffrey Howe et qui reçut alors les critiques de 364 économistes ou soi-disant tels, néo-keynésiens pour sûr, comme on les aime en France. Non, dans l'Angleterre de 1981, il n'existait pas d'autre solution que de réduire drastiquement le déficit public. Et les résultats de cette correction furent extraordinairement rapides.
Le slogan, aussi faussement attribué à Margaret Thatcher qu'ainsi généralisé, désormais élargi à la négation de tous les débats, sert évidemment à la négation même de la démocratie. Par l'effet d'un transfert, auquel la gauche nous a habitué, le voilà très largement pratiqué par les amis du socialisme du XXIe siècle.
La fameuse formule "le parlement de Westminster peut tout faire excepté transformer un homme en femme" s'est transformée en son contraire.
Plus de débat, inutile désormais, pensent nos technocrates.
Dans la démocratie du nouveau monde la seule chose que la gauche puisse vraiment espérer serait alors de permettre la transformation légale de l'homme en femme.
Quant à la droite, on ne lui laisse plus, depuis 1793 que le droit de supplier, vainement d'ailleurs, telle la comtesse du Barry : encore une petite minute Monsieur le bourreau.
JG Malliarakis
Apostilles
[1] cf. Crise des États et faillite de l'étatisme in L'Insolent du 5 septembre
[2] "Eurostat a sommé la France de requalifier une partie de la dette de la SNCF et d’Areva (devenue Orano) en dette publique. Ô surprise, l’endettement de la France n’est donc plus de 96,8 % en 2017 mais de 98,5 % du PIB." cf. L'Opinion du 6 septembre et "100% de dette en 2019 ? Avec la SNCF, c’est possible ! Sans une politique plus résolue de baisse de la dépense publique, le gouvernement risque de se heurter à deux murs en 2019 : 3 % de déficit et un endettement équivalent au PIB" cf. Raphaël Legendre in L'Opinion du 7 septembre 2018