Nos mythes et nos rites cherchaient une coïncidence entre les œuvres humaines et l’image d’un cosmos ordonné. La disposition circulaire du temple solaire de Stonehenge reflétait ainsi l’ordre du monde, symbolisé par la course du soleil, son perpétuel retour à la fin de l’hiver. Elle figurait l’anneau de la vie unissant la naissance à la mort. Elle représentait aussi le cycle éternel des saisons.
De même, les temples grecs sont-ils nés du bois sacré des ancêtres hyperboréens. Strabon dit que « les poètes qui embellissent tout, nomment ‘bois sacré’ n’importe quel sanctuaire, même dépouillé de végétation ». Les recherches archéologiques ont montré que les colonnes des temples grecs archaïques étaient formées de troncs d’arbre. L’analogie entre temple et forêt sacrée nous émeut. C’est dans les futaies consacrées qu’avaient été déposées initialement les effigies des divinités sommairement taillées. Pausanias énumère les essences qui convenaient le mieux aux bocages sacrés : chênes, frênes, platanes, oliviers, pins, cyprès. Se faisant l’écho des auteurs anciens, Varon précise que le temple est « un espace limité par les arbres ». Le bois sacré formait la clôture, le péribole du domaine divin. Il donna naissance au péristyle qui caractérise le temple grec de l’époque classique. Celui-ci est le rappel stylisé de la forêt originelle, habitat des divinités du panthéon grec. L’architecture figure ce lieu de l’espace divin (numen inest, écrit Ovide) où se concentre la sacralité. La colonnade externe est à l’image de la végétation, dont les tiges jaillissent du sol pour former, sous la lumière du soleil, un lieu de convergence entre les hommes et les divinités. A Olympie, le vénérable temple d’Héra, édifié au VIIe siècle avant notre ère, permet de suivre la « pétrification » du portique externe, construit initialement en bois, et dont les fûts ont été progressivement remplacés par des colonnes doriques en pierre. C’est ainsi qu’une sorte de forêt stylisée accompagna le sanctuaire lorsque celui-ci, quittant la nature sauvage, occupa le centre des cités.
Malgré les ruptures avec l’ancien ordre européen introduites par les interprétations bibliques, la construction des églises romanes ou gothiques répondait encore aux anciens symbolismes. Bâties sur d’antiques sites sacrés, elles en assuraient la perpétuation. Elles continuaient d’être « orientées » par rapport au soleil levant et leurs sculptures étaient toutes bruissantes d’un bestiaire fantastique. Dans son impressionnant jaillissement, la futaie de pierre des nefs romanes et gothiques restait la transposition des anciennes forêts sacrées.
Pourtant la rupture fondamentale cheminait, qui dissociait les humains de la nature et postulait l’idée vaniteuse et peu sensée que l’univers avait été créé pour les hommes seuls. En définissant l’homme comme « maître et possesseur de la nature », en voyant dans les animaux des « machines », Descartes ne fit que théoriser ce qu’avait préparé la séparation d’avec la nature inhérente aux religions monothéistes nées dans les déserts d’Orient. Il exprimait la logique du nihilisme, anticipant sur l’arrogance technique menant à la manipulation du vivant. Il annonçait l’univers de la mégapole universelle, édifiée dans la haine de la Nature.
De même, les temples grecs sont-ils nés du bois sacré des ancêtres hyperboréens. Strabon dit que « les poètes qui embellissent tout, nomment ‘bois sacré’ n’importe quel sanctuaire, même dépouillé de végétation ». Les recherches archéologiques ont montré que les colonnes des temples grecs archaïques étaient formées de troncs d’arbre. L’analogie entre temple et forêt sacrée nous émeut. C’est dans les futaies consacrées qu’avaient été déposées initialement les effigies des divinités sommairement taillées. Pausanias énumère les essences qui convenaient le mieux aux bocages sacrés : chênes, frênes, platanes, oliviers, pins, cyprès. Se faisant l’écho des auteurs anciens, Varon précise que le temple est « un espace limité par les arbres ». Le bois sacré formait la clôture, le péribole du domaine divin. Il donna naissance au péristyle qui caractérise le temple grec de l’époque classique. Celui-ci est le rappel stylisé de la forêt originelle, habitat des divinités du panthéon grec. L’architecture figure ce lieu de l’espace divin (numen inest, écrit Ovide) où se concentre la sacralité. La colonnade externe est à l’image de la végétation, dont les tiges jaillissent du sol pour former, sous la lumière du soleil, un lieu de convergence entre les hommes et les divinités. A Olympie, le vénérable temple d’Héra, édifié au VIIe siècle avant notre ère, permet de suivre la « pétrification » du portique externe, construit initialement en bois, et dont les fûts ont été progressivement remplacés par des colonnes doriques en pierre. C’est ainsi qu’une sorte de forêt stylisée accompagna le sanctuaire lorsque celui-ci, quittant la nature sauvage, occupa le centre des cités.
Malgré les ruptures avec l’ancien ordre européen introduites par les interprétations bibliques, la construction des églises romanes ou gothiques répondait encore aux anciens symbolismes. Bâties sur d’antiques sites sacrés, elles en assuraient la perpétuation. Elles continuaient d’être « orientées » par rapport au soleil levant et leurs sculptures étaient toutes bruissantes d’un bestiaire fantastique. Dans son impressionnant jaillissement, la futaie de pierre des nefs romanes et gothiques restait la transposition des anciennes forêts sacrées.
Pourtant la rupture fondamentale cheminait, qui dissociait les humains de la nature et postulait l’idée vaniteuse et peu sensée que l’univers avait été créé pour les hommes seuls. En définissant l’homme comme « maître et possesseur de la nature », en voyant dans les animaux des « machines », Descartes ne fit que théoriser ce qu’avait préparé la séparation d’avec la nature inhérente aux religions monothéistes nées dans les déserts d’Orient. Il exprimait la logique du nihilisme, anticipant sur l’arrogance technique menant à la manipulation du vivant. Il annonçait l’univers de la mégapole universelle, édifiée dans la haine de la Nature.
Dominique Venner, Samouraï d’Occident