Mercredi 20 février, Christophe Dettinger, cet ancien boxeur champion de France poids lourds-légers en 2007 et 2008, devrait quitter sa cellule de la prison de Fleury-Mérogis et recouvrer la liberté. Du moins en partie puisque, condamné à trente mois d’emprisonnement dont un an ferme sous le régime de la semi-liberté après avoir agressé deux gendarmes mobiles sur la passerelle Léopold-Sédar-Senghor à Paris, il devra revenir chaque soir en prison pour y dormir. Les médias, on s’en souvient, avaient fait grand bruit de cette affaire qui avait, par ailleurs, été traitée de manière exemplaire et expéditive par la Justice.
Cette rapidité et cette fermeté de l’institution judiciaire ne semblent, cependant, pas de mise pour toutes les agressions. C’est ainsi que la violente prise à partie du philosophe et écrivain Alain Finkielkraut par des manifestants lors de l’acte XIV des gilets jaunes ne connaîtra, manifestement, pas un épilogue aussi rapide. Il est vrai que les faits ne concernent « que » des violences verbales. Pourtant, bien que rapidement identifié par les services de police, l’auteur principal de ces injures, proche de la mouvance salafiste et connu des services de renseignement, n’a toujours pas vu son identité révélée au grand public, comme ce fut le cas pour l’infortuné boxeur.
Ce deux poids deux mesures, auquel ce gouvernement ne cesse d’avoir recours, cacherait-il, cette fois-ci, quelque chose d’indicible ? Pourquoi, dans un cas, livrer à la vindicte populaire un homme, certes coupable, mais père de famille et parfaitement intégré, et, dans l’autre, vouloir protéger un individu dont la radicalisation semblait en bonne voie. Par ailleurs, la présence de cette personne au milieu des gilets jaunes n’était-elle pas sujette à caution ? Autant de questions dont il n’est pas sûr que nous ayons un jour les réponses.
Mais d’ores et déjà, les contre-feux sont en place. C’est ainsi que, ce mardi, prenant prétexte des insultes dont monsieur Finkielkraut a fait l’objet, et pour lesquelles il ne déposera pas plainte, toute la classe politique, mis à part quelques pestiférés soigneusement écartés, manifestent contre le racisme et l’antisémitisme. Une fois de plus, le débat et les questionnements portés par les gilets jaunes sont déportés sur un autre terrain dans un vaste mouvement de diversion. Et, pour faire bonne mesure, nos plateaux de télévision s’interrogent sur la nécessité, ou pas, de faire de l’antisionisme une infraction à caractère raciste. Pendant ce temps-là, la France se meurt à petit feu de ses multiples fractures. Selon un récent sondage (Elabe, du 19 février), près d’un Français sur deux déclare avoir des fins de mois difficiles et être régulièrement à découvert bancaire (37 %). Et seulement un sur cinq avoir la possibilité d’épargner. Selon les catégories socio-professionnelles, de 40 % à 60 % des personnes interrogées ont déclaré, lors de cette enquête, avoir subi un net déclin financier en 2018. Mais, une fois encore, Macron et son gouvernement choisissent de s’en prendre aux effets mais ne proposent rien pour traiter les causes d’une crise majeure pour notre pays. Là où une majorité de Français parlent de précarité et de déclassement, on leur répond lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Là où les Français évoquent leur détresse face à une mondialisation qui les étouffe, on leur répond brutalité et répression.
Et personne, au plus niveau de l’État, ne semble comprendre que cette approche irresponsable ne fait que dresser davantage des pans entiers de la population les uns contre les autres. Dès lors, rien d’étonnant à ce que la violence, sous toutes ses formes, s’invite désormais chaque samedi en France.