Ce 11 avril, une nouvelle vague de mobilisations des retraités était organisée, à Paris, mais aussi dans 130 villes de l'Hexagone. L'appel était signé par 9 centrales syndicales. On y trouve en tête la CGT et la FSU. On se retrouve en terrain de connaissance avec les deux syndicats du parti communiste. Les voilà désormais soutenus par la nouvelle direction de FO. Il ne s'agit, certes, ni de la première ni de la dernière manifestation de cet ordre. Et on ne se crispera pas sur l'évaluation du nombre des piétons.
On pourrait en effet ironiser sur la triste recension de l'événement, par exemple dans Ouest-France[1]. Cet excellent journal, si les Parisiens l'ignorent trop souvent, reste le n° 1 de la presse française. Grâce à lui nous découvrons cependant "qu'à Landerneau la mobilisation est restée faible". Dans la langue de tous les jours, cette excellente ville de 16 000 habitants, correspond au paradigme de l'endroit perdu. L'endroit improbable dont personne ne se préoccupe dans les lieux de pouvoir : jusqu'en 1789 à la cour de Versailles, aujourd'hui au palais de l'Élysée.
Sans doute, les vieux travailleurs se sont retrouvés peu nombreux dans chacun des rassemblements organisés ce 11 avril. Mais un fait devrait impressionner un peu plus les commentateurs agréés : les bureaucraties de la CGT et de la FSU ne sont pas seulement parvenues à rallier à leur mot d'ordre 7 autres centrales, y compris la CFTC et FO ; mais encore ces gens ont organisé plus de 100 cortèges, jusque dans telle aimable commune du Finistère.
Combien se comptent leurs contradicteurs dans la France profonde ? Zéro.
Deux préoccupations sont agitées par les organisateurs. Sans doute minoritaires, en fait, dans l'opinion, ils recoupent et cherchent à manipuler une inquiétude, quant aux conditions de leur retraite, que semblent partager, si l'on se fie aux sondages, 81 % des Français.
L'illusion cependant demeure, en dépit d'une incertitude grandissante : on imagine, aussi bien chez les piétons de la CGT que chez nos prétendus droitiers, la continuation perpétuelle de l'assurance vieillesse à dominante étatiste.
Pour aller au fond des choses, et nous tenterons de l'aborder dans nos prochaines chroniques, la question centrale n'est pas de supprimer toute garantie collective mais celle d'accorder le plus de place possible à l'épargne personnelle et familiale. Or, sur ce point droite chiraquienne et gauche marxiste, formatées l'une autant que l'autre dans les mêmes séminaires régimistes se sont accordées pour enrégimenter et engloutir la totalité des financements dans ce qu'on appelle répartition. Ils ont engouffré de la sorte dans le même désastre toutes les autonomies corporatives, toutes les institutions spécifiques des cadres, toutes les préoccupations de politique familiale, etc.
Votre serviteur a retiré un souvenir assez précis d'une expérience de plus de 30 ans sur cette question. Elle avait commencé par une adhésion en 1986 au CDCA. Ce courageux syndicat interprofessionnel contestataire, alors dirigé par Christian Poucet, basé à Montpellier, regroupait des travailleurs indépendants de tous statuts, aussi bien des professionnels libéraux que des agriculteurs, des artisans ou des commerçants.
Toutes ces catégories sociales ont été incorporées de force à divers organismes monopolistes. Ceux-ci, faussement démocratiques étaient supposés gérer les revenus de leurs vieux jours. Institutions héritées du corporatisme d'État des années 1940, puis de la loi Royer de 1973, ont, pour la majorité d'entre elles, disparu depuis.
La réforme de 2003, notamment, a fusionné et satellisé sous le nom de RSI les caisses de retraite et de maladie des commerçants et artisans, dont les administrateurs étaient jusque-là, très théoriquement, "élus". Depuis, un simple jeu de logos a permis, selon la charmante expression administrative employée pour la circonstance pour qualifier l'absorption de cette façade étatique, d'adosser ce régime unifié à l'Urssaf.
Ainsi, depuis un quart de siècle, la grande préoccupation des politiques, de droite comme de gauche, consiste à rendre la protection sociale encore plus étatique. Le dédain et l'ignorance avec lesquels, non seulement les technocrates mais aussi, pour appeler les choses par leur nom, la bourgeoisie parisienne ont traité les classes moyennes, me semblent expliquer leurs révoltes d'hier et leur mécontentement profond d'aujourd'hui.
Il apparaît désormais que notre juste cause servait celle de la liberté. Elle contenait aussi, par ses propositions d'alors, les germes des solutions de salut public qui, le rédacteur de ces lignes l'espère pour sa part, triompheront demain.
À suivre, par conséquent…
JG Malliarakis
Apostilles
[1] cf. article de Ouest-France le 12 avril : "Landerneau. Faible mobilisation des retraités".