Vincent Brun, médecin-chef de la clinique Fontfroide, à Montpellier, établissement qui dispose d’une unité de 12 places pour des patients en état végétatif chronique, a signé lundi 20 mai, avec un collectif de médecins spécialisés dans le handicap, une tribune parue dans le journal “Le Monde” estimant que l’arrêt des soins prodigués à Vincent Lambert n’est pas justifié. Il explique au Midi Libre :
Vincent Lambert n’est pas en fin de vie. Il est dans une situation qui relève du handicap lourd. Mais telle que la loi est rédigée, elle peut s’appliquer à des situations qui ne relèvent pas de la fin de vie.
Quand on n’est pas dans une situation de fin de vie, ce n’est pas aux médecins de se prononcer. Je n’ai jamais entendu un médecin dire qu’une personne “mériterait” de vivre et une autre non, en fonction de son handicap. Le débat est philosophique, sociétal, éthique, religieux, mais pas médical.
Pourquoi Vincent Lambert est-il dans une unité de soins palliatifs ?
Le CHU de Reims présente son unité comme relevant des soins palliatifs et de la prise en charge des personnes cérébro-lésées. Mais la description de l’unité correspond à une activité de soins palliatifs. C’est très différent : on ne s’improvise pas médecins de soins palliatifs, pas plus que médecin de rééducation. Les deux prises en charge sont très différentes.
Un patient cérébro-lésé doit avoir des soins de kinésithérapie, d’ergothérapie, de réeducation, d’orthophonie, éventuellement une prise en charge psychologique… On reçoit des demandes de prise en charge très régulièrement, sans pouvoir les satisfaire.
Je rappelle que la durée de vie dans un service de soins palliatifs est de 15 jours, Vincent Lambert y est depuis sept ans. Peut-être que ça vaut le coup de tenter de le mettre dans un service adapté à sa situation. Certains de mes patients, à certains moments, sont capables de donner leur accord ou pas à des soins, des toilettes… Quand on s’occupe d’eux, on est en situation d’abus de pouvoir, et on essaie, chaque fois, de recueillir leur consentement.
Avez-vous déjà été saisie d’une demande d’arrêt des soins pour les patients en état végétatif hospitalisés dans votre établissement ?
En dix ans, jamais. Le docteur Chevallier, responsable de l’unité, a posé la question à tous nos patients. Aucun n’a dit “J’arrête”. C’est très rare, si j’en crois mes collègues. Moi, à titre personnel, je ne suis pas opposé à l’euthanasie, mais elle est interdite en France. Interrompre les soins prodigués à Vincent Lambert, c’est ouvrir la porte à des abus pour toutes les situations difficiles. On est déjà dans des situations délicates, dans un dialogue constant avec les familles, les personnes de confiance, qui changent, avec des avis différents sur la limitation des soins par exemple. Certains sont favorables à faire le maximum pour leur proche qui souffre d’une pneumopathie ou d’un cancer du poumon, d’autres non. On discute, on s’adapte en permanence.
Est-ce que la situation de Vincent Lambert peut-être comparée à celle des patients accueillis à la clinique Fontfroide ?
Oui. Avec Vincent Lambert, on n’est pas dans une problématique de droit à mourir dans la dignité. On discute de sa vie, pas de sa mort. Alors, elle est où, la dignité ? Quand on donne la mort à quelqu’un, il faut le dire. Pour moi, c’est de l’euthanasie. Ce qu’on a fait subir à Vincent Lambert, l’interruption des soins, je ne le ferai pas à mon chien.
C’est une affaire très complexe…
Oui, et elle est très difficile à appréhender de l’extérieur, parce que la majorité des personnes ne savent pas ce qu’est un état végétatif chronique. Qu’est-ce qu’on sait de la vie de ces personnes ? On est parfois surpris. 40 % des personnes dites en état végétatif ne le sont pas, l’état de conscience n’est peut-être pas observable. Ils sont peut-être moins “légumes” qu’on ne le dit. Ce terme de végétatif est abominable…