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Le monde sur un volcan et ses dirigeants à Biarritz

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Par Natacha Polony

Une bagatelle à 24 millions d’euros. C’est ce que retiendront sans doute de ce G7 les populations qui voient une ville mise en état de siège en pleine saison touristique, nourrissant encore un peu plus le sentiment d’une fracture entre les grands de ce monde et cette part des citoyens qui travaillent,

paient des taxes et jouent le jeu d’un système qui les considère comme des pions. Décalage vertigineux pour une réunion censée se pencher, de toute la hauteur de ces sept grands, sur les inégalités. Les dirigeants de l’Allemagne, du Japon, de l’Italie... dissertant sur les inégalités hommes-femmes en Inde ou en Afrique, voilà qui laisse pressentir d’ébouriffantes avancées. Et ne parlons pas de l’explosion des revenus des 0,01 % les plus privilégiés de la planète ou de la destruction des classes populaires et des classes moyennes des pays occidentaux... L’observateur avisé se remémorera que le G7 (redevenu tel après l’éviction de la Russie en 2014 pour cause d’invasion de la Crimée) est un pur produit de la guerre froide et de ses équilibres et ne reflète en rien les enjeux géopolitiques actuels et à venir, que le G20 embrasse davantage.

Pourtant, s’en tenir aux apparences horripilantes de ce raout hors d’âge serait passer à côté des bouleversements majeurs dont le G7 version 2019 est une des déclinaisons. Sous la plume de nombreux commentateurs, ils se résument à deux tignasses blondes venues jouer les trouble-fête. Comment vont se comporter Donald Trump et Boris Johnson ? Vont-ils faire alliance ? L’équipe des méchants va-t-elle battre l’équipe des gentils ? Degré zéro de la réflexion géopolitique. Pour sortir de ce néant, un état des lieux s’impose.

Le monde est entré en surchauffe. La course aux armements a repris, détruisant des décennies de traités et d’accords contre la prolifération. Le 18 août, deux semaines après s’être officiellement retirés du traité russo-américain interdisant la production et l’essai de missiles intermédiaires, les Etats- Unis ont testé... un de ces missiles (tiens, ils auraient donc enfreint l’interdiction de production ?). Parallèlement, tous les indicateurs économiques laissent pressentir l’imminence d’une crise. La guerre commerciale qui se joue entre la Chine et les Etats-Unis pourrait laisser les Européens exsangues.

Face à une situation aussi explosive, se demander si le président français devait ou non recevoir le méchant Vladimir Poutine a quelque chose de lunaire. Pour qui sort des visions simplistes, ce sont bien les Américains, les élites américaines, démocrates et républicains confondus, et non pas le seul Donald Trump, qui souhaitent l’affrontement avec la Chine et la Russie. La volte-face du président américain sur Hongkong, après les critiques adressées par l’intelligentsia sur son manque de soutien aux manifestants, en est une illustration parmi tant d’autres. Et la guerre qui est menée, en premier lieu sur la question cruciale de l’énergie, fut lancée bien avant l’arrivée au pouvoir de Donald Trump. Dans ce champ de mines, les Européens avancent en ordre dispersé, voire, pour certains, en tirant quelques balles dans le dos des camarades.

On peut reconnaître à Emmanuel Macron une forme de lucidité face à cet état des lieux. Au moins ne se drape-t-il pas dans cette fausse vertu de François Hollande, Laurent Fabius ou Alain Juppé, dont l’unique objet était de masquer un atlantisme pavlovien, et l’unique conséquence d’e acer la France de la scène internationale comme de la ruiner en cou- pant ses entreprises et son agriculture des marchés iranien ou russe. Le dialogue noué avec Vladimir Poutine à Brégançon a eu le mérite d’envoyer d’emblée un message aux Américains. Mieux, la France, en jouant les cavaliers seuls sur sa taxe Gafa, ose pour la première fois imposer un de ces rapports de force qui seuls peuvent sauver l’Union européenne de l’apathie et de l’insigni ance. C’est tout le paradoxe : l’unilatéralisme, en ce cas précis, parce qu’il déjoue l’impérialisme américain, est le dernier espoir d’un multilatéralisme qui n’a su pour l’heure qu’inféoder l’Europe aux Etats-Unis.

Il est parfaitement ridicule de jouer comme le font nombre de médias à savoir si Emmanuel Macron sera ou non le « leader » de l’Europe ou s’il damera le pion à Donald Trump, comme s’il s’agissait d’une bataille de cour de récréation. Accepter aujourd’hui le jeu irresponsable des Etats-Unis serait une faute majeure. Elle a été commise collectivement en Europe pendant des années, sous les auspices d’un José Manuel Barroso ou d’une Angela Merkel, l’un par idéologie, l’autre par mercantilisme à courte vue, et de tant d’autres avec eux. L’indépendance est la seule arme des pays européens pour casser la logique de guerre qui s’installe entre les Etats-Unis et la Chine. Un G7 qui va brasser des bonnes intentions et des déclarations lyriques sur le nécessaire respect des accords de Paris n’est sans doute pas le meilleur lieu pour cela. Mais il ne faut jurer de rien.

Source : Marianne 22/08/2019

http://synthesenationale.hautetfort.com/archive/2019/08/22/le-monde-sur-un-volcan-et-ses-dirigeants-a-biarritz-6171305.html

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