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La revanche inattendue des syndicats

Le succès de la grève de la RATP de ce 24 septembre ne confirme pas seulement la difficulté, de plus en plus criarde, de la réalisation, deux ans après l'élection présidentielle, d'un régime de retraites "universel".

La loi des démocraties modernes indique qu'il n'est guère possible de réaliser les grandes réformes au-delà des 100 premiers jours d'un mandat présidentiel. De sorte que, plus on avancera dans le quinquennat actuel, plus on se rapprochera de l'an 2022, et plus ce dossier risquera de se trouver paralysé, indépendamment même de la question de la pertinence du projet.

Au moins aussi importante, la piqûre de rappel de l'existence des organisations syndicales, et de celle des considérations corporatives légitimes, après les protestations professionnelles des avocats, des infirmières, des pilotes de ligne, etc la semaine précédente, après la manifestation plutôt spectaculaire de FO le 21 septembre, permettait de prévoir sinon l'orage du moins l'averse.

Dans le cas des transports en commun d'Île de France, l'effet thrombose, annoncé la veille par la prévision d'une grève massive, se traduisant dès le lendemain matin par 291 km de bouchons routiers, a renforcé la capacité de dissuasion de l'Intersyndicale. La menace de relance d'un nouveau conflit, confirmé par un préavis de grève illimitée déposé pour le 5 décembre pourrait bien faire plier le pouvoir.

Le pays se retrouve ainsi dans un schéma que nos élites dirigeantes croyaient pouvoir oublier, depuis 12 ans, en vertu de l'existence d'un mince filet théorique de sécurité baptisé service minimum en 2007, sous la présidence Sarkozy.

Depuis plusieurs années, les bureaucraties syndicales françaises avaient essuyé, en effet, échec sur échec, reculs sur reculs, humiliations sur humiliations. Les tentatives de mobilisations,

• depuis celle contre la Loi El Khomri d'août 2016, dès le quinquennat de François Hollande,

• puis contre la Loi Pennicaud de septembre 2017 réformant le Code du travail, par la vertu de 5 ordonnances, seule opération réussie de la présidence Macron,

• puis contre la réforme de la SNCF consécutive au rapport Spinetta de février 2018, annoncée à grand bruit et finalement insignifiante.

Tout cela avait marqué gravement la décadence non seulement de la CGT, mais aussi de la galaxie des centrales concurrentes.

La poussée de fièvre des gilets jaunes, dans son caractère à la fois anarchique, évolutif et protéiforme a marqué, elle aussi, par ses 45 mobilisations du samedi, le déclin des bureaucraties qui se sont retrouvées à la traîne de ce mouvement social spontané et dès lors marginalisés.

Le déclin semblait irrémédiable. Et en partie légitime eu égard à la médiocrité du service que proposent ces organisations généreusement aidées par la réglementation. Les confédérations rivales, combien sont-elles ? CFDT, CFTC, FO, UNSA, CFE-ex-CGC, SUD-solidaires, FSU, on ne sait même plus comment les compter. Certes on se rengorge souvent en soulignant que la CFDT est devenue la mieux implantée dans le secteur privé. Mais si on observe les doctrines dont elle se réclame on se demande à quoi elle sert. Et, au total, le chiffrage des syndiqués en France reste l'un des plus faibles du monde industriel, on parle de 8 % des salariés, ce qui divisé par 8 ou 9 centrales ne fait guère masse.

Or, la maladresse avec laquelle on a procédé dans la concertation autour de "la" réforme des retraites a redonné une vigueur aux formes syndicales de la protestation sociale, permettant aux mouvements divisés et rivaux, Force Ouvrière d'un côté, direction de la CGT de l'autre, de se refaire une santé et de reprendre le chemin de la grévicuture.

On peut donc dire "merci" aux technocrates de Bercy, merci à l'endormeur Delevoye, et merci d'abord à celui qui l'a sorti de son farniente, qui l'a nommé, et finalement désavoué, en le faisant ministre, un de plus.

JG Malliarakis

https://www.insolent.fr/2019/09/la-revanche-inattendue-des-syndicats.html

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