Je songeais, il y a quelques jours, à ce qu’aurait fait un Chirac, un Sarkozy d’un ministre de l’Intérieur après l’attentat de la préfecture de police et la communication ratée ou mensongère – de Christophe Castaner, qui ajoutait un scandale au scandale. Je pense aussi à ces ministres de l’Intérieur, comme Jean-Pierre Chevènement, qui auraient eux-mêmes présenté leur démission après un tel fiasco, de telles défaillances. Et, donc, une semaine après, Christophe Castaner est toujours là, palabrant devant les commissions parlementaires, enchaînant parfois les âneries et les gaffes dont lui seul a le secret.
Mais nous sommes de plus en plus nombreux à nous interroger. Un sondage Odoxa-Dentsu Consulting pour franceinfo et Le Figaro, publié jeudi, montre que plus de 70 % des Français ne font pas confiance au ministre Castaner. 65 % lui reprochent sa communication précipitée, 76 % ne le trouvent pas rassurant, 69 % pas compétent. C’est inquiétant, et d’abord pour nous et notre sécurité. C’est aussi gênant pour la police.
Mais tout cela est quand même bien embêtant pour le président de la République aussi : comment mener la guerre et la vigilance contre l’islamisme avec un tel ministre qui inspire une telle défiance ?
Pourquoi donc Emmanuel Macron, déjà impopulaire, garde-t-il ce ministre, un fusible usé qui fonctionne si mal, un « boulet » pour beaucoup d’observateurs ?
Plusieurs éditorialistes ont tenté d’avancé leurs explications. Jean-Dominque Merchet, de L’Opinion, a mis les pieds dans le plat à la télévision, parlant de « l’irresponsabilité » régnant au plus haut niveau de l’État : « Le fait d’être le copain du Président est l’assurance-vie totale. Nous avons installé un principe d’irresponsabilité des élites dirigeantes qui est insupportable. Les oppositions, à juste titre, surfent là-dessus. Qu’est-ce qu’il faudrait de plus pour qu’il démissionne ? »
Serge Raffy, dans son édito de L’Obs, « Macron peut-il sacrifier Castaner ? », est bien moins convaincant : Castaner serait maintenu « non pas parce qu’il est protégé pour des raisons sombres, mais parce qu’il fait fonction de tête de Turc systématique. […] Dans ce registre du bad boy, du mal-aimé, il est comme une image fixe, un point d’ancrage inamovible et permanent. Il est le souffre-douleur de l’opinion publique. La proie idéale. Le punching-ball rêvé. »
La thèse du super anti-héros laisse rêveur : Castaner en méga fusible ? En super bad boy ?… Bad, il l’est, c’est acquis. Et la République d’Emmanuel Macron aurait besoin de ce profil pour piloter l’Intérieur, la police, l’organisation des élections ? Non, la thèse ne tient pas et l’électorat bourgeois et policé du Président mérite mieux. Emmanuel Macron le sait bien. Tout le monde le sait bien. Alors ?
Alors ? Eh bien nous sommes plongés dans le même abîme que le Président avec son fiasco Goulard : « Je ne comprends pas. J’attends des explications. » Mais c’est bientôt tout un peuple qui murmure cela. Et, n’ayant pas de réponse, il en est réduit à remonter à la première explication balayée par Serge Raffy : les « raisons sombres »…
Si Emmanuel Macron ne veut pas alimenter une super défiance, avec son super anti-héros, il lui suffit de renvoyer Christophe Castaner, et les sombres raisons se dissiperont.