Le nécessaire et sincère hommage de la nation aux soldats tombés durera ce qu'il durera. Pour une fois la parole présidentielle prenait des accents recevables. On aurait juste aimé plus de force, plus de conviction dans les discours officiels.
L'évocation ne prenait pas beaucoup de place, le soir même de la cérémonie officielle, au journal de 20 heures, enserré entre les publicités, la météorologie toujours hexagonale, et les grimaces de ces chansonniers qui se prennent pour des humoristes.
La vie reprend et on ne doit pas, non plus, s'en étonner.
Très vite on pouvait, aussi, soupçonner la sourde rumeur des lâches et de ceux qui remettent en cause la notion même d'héroïsme qui, par elle-même dérange le confort des consommateurs.
Tout cela insupporte, certes, à quiconque se représente encore la figure idéalisée d'une cité, d'une civilisation et de cette famille des familles que nous appelons nation. Mais, avec les années, nous avons appris à nous habituer à de telles médiocrités.
Or, d'autres signes d'impudeur sont apparus.
Mélenchon par exemple a montré qu'il pouvait encore nuire. Il a su trouver les mots précis, c'est-à-dire les mots in-justes, pour décrire sa ligne de trahison. Ah être le premier à demander le retrait des troupes françaises, quelle gloire dans le déshonneur !
La plus scandaleuse provocation est sans doute venue du journal pour lequel tout le monde avait accepté de se solidariser, ou de faire semblant, sans doute parce que, ne le lisant jamais, nous ne mesurions pas son abjection. "Charlie Hebdo" ! Plus jamais nous ne pourrons accepter, fut-ce un instant, d'être assimilés à cette saleté. Rien à ajouter à la lettre ouverte que lui a adressée en date du 30 novembre le général Burkhard, chef d’État-major de l’armée de Terre. "Qu’avons-nous donc fait, demande-t-il au nom de ses hommes, pour mériter un tel mépris ?"
Quelle tristesse de penser que des jeunes Français se feront encore et encore trouer la peau pour défendre la liberté de ces gens-là.
Plus surprenante, la réaction d'Elisabeth Lévy[1], d'ordinaire mieux inspirée.
"Sur les réseaux sociaux, constate-t-elle, chacun choisit son camp." On devrait se souvenir que cela ne se passe pas seulement "sur" facebook ou twitter, mais plus sérieusement encore dans la Cité. Car elle ajoute : "Je ne veux pas choisir le mien." Ce non-choix se révèle impossible. La patrie, la vérité, la liberté, l'honneur, cela ne se négocie pas. On peut se tromper, on peut débattre, sur ces sujets, mais on ne saurait prétendre les remiser au second rang. Après quoi ? d'ailleurs.
Elle écrit aussi : "En 2015, des journalistes de Charlie sont morts pour avoir défendu la liberté d’expression." Rappelons-le tout net: non, ils n'ont pas choisi de mourir, ils ne se sont pas sacrifiés volontairement, ils ont été abattus par des salopards. C'est différent. Et si nous avons défendu, si certains d'entre nous ont alors défilé pour défendre, rétrospectivement, leur liberté d'expression c'est pour le principe, en général sans trop savoir ce qu'ils imprimaient et impriment encore.
Et l'excellente journaliste de prétendre que militaires et caricaturistes "sont deux faces de la France et nous avons besoin des deux." Eh bien là aussi, pas d'accord avec cette symétrie. Nous devons certes reconnaître le besoin collectif d'une armée, pour défendre la sécurité extérieure, et pas seulement des frontières physiques ; et aussi d'une police pour la sécurité intérieure ; mais autant l'existence du Canard enchaîné, si détestable puisse-t-il parfois se révéler, sera toujours nécessaire, y compris pour ceux qu'il brocarde, celle de la vulgarité agressive de Charlie Hebdo ne correspond à aucun besoin.
"Dans notre histoire, face au danger, on a souvent vu s’unir ceux qui croient au ciel ou au drapeau, et ceux qui n’y croient pas. On aimerait croire que cela va continuer."Mme Lévy se trompe. Elle fait ici référence, en le déformant, à un texte d'Aragon, se voulant poète, et décrivant mythiquement la résistance vue par les communistes. L'union dont elle parle n'est qu'un mirage et un leurre. Elle n'a même pas existé dans leur propre camp, qui n'était certainement pas celui de la France, mais celui de Staline et de la préservation de l'appareil du PCF[2].
Au moins, Julien Bayou, le nouveau patron des écolos, rappelle la continuité du parti de la destruction : "Merci à mes parents qui m'ont donné, souligne-t-il, le goût de l'engagement et de la désobéissance [...], ma mère était porteuse de valises pour le FLN algérien."
Allons, la trahison n'a jamais changé de camp.
JG Malliarakis
Apostilles
[1]cf. sur le site de Causeur "Charlie Hebdo caricatural? Ne me demandez pas de choisir entre les militaires et Charlie Hebdo" par Elisabeth Lévy
[2]Lire à ce sujet "Liquider les traîtres"de Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre publié en 2007 ed. Laffont.
https://www.insolent.fr/2019/12/la-trahison-ne-change-pas-de-camp.html