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Gréviculture en folie

6a00d8341c715453ef0240a4f2f384200b-320wi.jpgL'ampleur du conflit qui commence dès ce soir dans les transports parisiens nous est promise, avec emphase, aussi bien par la CGT que par le gouvernement, pour exceptionnelle. On nous parle de 245 défilés, de 90 % de trains bloqués, de 11 lignes de métro paralysées, de la moitié voire 78 % d'enseignants en arrêt de travail, etc. Et, à la veille d'une grève qui se rapproche du scénario rêvé autrefois par Georges Sorel, et par les théoriciens du socialisme révolutionnaire, les précisons apocalyptiques se multiplient à l'envi. Le pouvoir multiplie quant à lui aussi bien les rumeurs alarmistes, les déclarations clivantes et les incertitudes anxiogènes, ayant accumulé les maladresses. Les cégétistes et leurs utiles compagnons de route additionnent, de leur côté, les rodomontades.

Nous ignorons bien sûr jusqu'où ira le flot montant des agitations. Nous savons seulement que la mayonnaise a pris et, par exemple, s'agissant la CFDT, majoritaire dans le secteur privé, et tout en se préparant à d'éventuelles négociations, d'une part ne constitue qu'une minorité au sein des secteurs en pointe de la contestation, et d'autre part, que son secrétaire général Laurent Berger s'est rendu compte que le gouvernement le menait en bateau.

Les partisans de cette réforme mal définie, mal enclenchée, mal négociée, ont beau dénoncer effectivement la quantité de désinformations, et critiquer vertement tous les avantages sociaux sectoriels, le fait est que ceux qui croyaient jusqu'ici aux statuts sur la base desquels ils ont été embauchés, ne sont pas prêts à y renoncer sans contreparties.

L'étatisme français procède à l'inverse de ce que réalisa durement mais intelligemment Margaret Thatcher. La politique qu'elle mena entre 1979 et 1990 permit de redresser une Angleterre bien malade. Or, le principe de ses réformes consistait à négocier le rachat des privilèges liés à des statuts obsolètes. Mais une telle doctrine sentait sans doute trop les origines épicières de la Dame de fer, aux yeux de pour arrogants technocrates parisiens.

Nos dirigeants, et pas seulement le chef de l'État, agissent donc mollement et sottement. Depuis l'épisode, à peine calmé, des gilets jaunes, ils cherchent à tout prix à protéger les manifestants, disent-ils, tout en laissent s'accumuler les bavures qui attisent la rage des plus pacifiques... Ils peuvent donc craindre, et ils ne manquent pas de le dire, que les ex-gilets jaunes radicalisés rejoignent les rangs des black blocs.

Si on se fie à l'un des rares textes sauvables de l'imposteur Freud, son Introduction à la psychanalyse, on croit comprendre que la souffrance fondamentale de l'hystérique vient de ses réminiscences.

L'histoire est riche d'évènements qui se ressemblent et cependant ne sont pas mécaniquement voués à une reproduction identique.

Ainsi, la révolution française de 1789 doit sans doute beaucoup aux tentatives avortées et impopulaires, parce qu'on n'y comprenait rien, du brillant ministre et bon élève Calonne. Il s'obstinait à vouloir substituer, au maquis de la fiscalité d'Ancien Régime, une subvention territoriale, une idée géniale pour sûr ceci tout en laissant les finances publiques se dégrader dans les années 1785-1787 : les dépenses augmentaient, passant de 354 millions de livres à 363, les recettes diminuaient de 267 à 238, alors que le pays était surendetté. Mais on croyait possible d'augmenter toujours, comme on le fait aujourd'hui, la dette de l'État.

Or, le drame sanglant n'a abouti à la proclamation de la république en septembre 1792 que parce que le roi s'est attardé à l'auberge de Sainte-Menehould en juin 1791 et qu'il n'a pas laissé les Suisses tirer sur les émeutiers en août 1792.

De même, Lénine, qui s'y connaissait en révolutions, rappelait qu'il n'y pas d'action révolutionnaire sans organisation révolutionnaire et théorie révolutionnaires.

Du côté théorique on doit se contenter de l'imposteur Piketty que même François Hollande avait réussi à ridiculiser dans un débat en 2011 et hier encore n'a pas fait le poids face aux objections de Patrick Cohen[1].

Quant aux révolutionnaires pratiques, les blacks blocs et les antifas, certes nous le savons dangereux mais sont-ils comparables, en nombre et en force, aux bolcheviks, aux sans-culottes ou aux têtes rondes de Cromwell ? Sont-ils présents dans l'appareil militaire, allié indispensable sans lequel ni les tchékistes, ni les sans culottes, ni les puritains ne l'auraient emporté ?

On dissimule de façon très maladroite aux Français la vraie dimension du problème des retraites, on tourne autour du pot sur l'allongement de l'espérance de vie, qui entraîne obligatoirement, et heureusement, celle de la vie active, on oublie surtout de réfléchir à la faillite inéluctable de la répartition, etc.

Il y a maintenant plus d'un quart de siècle je me souviens d'avoir partagé, pour une fois, le diagnostic de Michel Rocard en 1991, à savoir que le dossier des retraites était susceptible d'entraîner la chute de plusieurs gouvernements à venir. Le sien a échappé à cette prophétie, mais d'autres s'y sont cassés les dents. Et dans le cas de la Macronie, il s'agit d'un quinquennat présidentiel et de fonctions que les Français prennent très au sérieux sous la cinquième république.

Sous prétexte en effet que, dans la somme d'absurdités proférées pendant la campagne de 2017, figurait l'évocation d'un future régime universel par points, l'heureux élu, qui s'est pris, quelque temps seulement, pour Jupiter, a voulu conforter son image de réformateur.

En dénonçant ses adversaires comme défenseurs de privilèges surannés, il s'est dans doute constitué une nouvelle popularité minoritaire, mais il s'est construit aussi une impopularité majoritaire. Les divisions de son parti achèvent de l'affaiblir et même de le ridiculiser.

Tout cela va certainement nous empoisonner l'existence quelque temps. Puissent au moins les Français comprendre la nécessité d'en finir, y compris quant à leurs futures pensions de vieillesse aux illusions de l'étatisme et de ses monopoles.

JG Malliarakis

Apostilles

[1]Cf. Émission C à vous sur France 5

https://www.france.tv/france-5/c-a-vous/c-a-vous-saison-11/1056699-c-a-vous.html

https://www.insolent.fr/2019/12/greviculture-en-folie.html

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