Ce doit être la magie de Noël. À dix jours de l’événement, et alors que la grève perdure dans les transports et que la mobilisation de mardi 17 s’annonce forte, Édouard Philippe ne pense qu’à Noël et au Noël des Français. « Je vois bien que tout le monde voit arriver Noël avec inquiétude. Noël, c’est un moment important. Mais il faudra que chacun prenne ses responsabilités », a-t-il indiqué à l’intention des grévistes, les prévenant que les Français risquaient de ne pas « accepter » d’être « privés » des fêtes de Noël.
Édouard Philippe suit le calendrier fixé par son maître des horloges : Noël, pour tous ces mécréants qui nous gouvernent, c’est finalement bien utile. Pour briser une grève, faire passer une réforme impopulaire et à laquelle plus personne ne comprend plus rien, si ce n’est qu’elle nous conduira vers la pauvreté pour nos vieux jours, qu’on soit d’avant ou d’après 1975. Merci, Seigneur, de nous avoir donné Noël. Il y avait une récupération commerciale de Noël, il y en a une politique.
Et à l’heure où se multiplient les plus improbables calendriers de l’Avent, Emmanuel Macron, Édouard Philippe et Jean-Paul Delevoye vous proposent chaque jour d’ouvrir une nouvelle fenêtre dans celui de leur réforme des retraites. Après le chantage aux 50 millions d’immigrés de son haut-commissaire aux 50 fonctions, après le chantage à la réforme brutale mercredi, après les omissions de Delevoye, voici donc le chantage aux « fêtes de Noël ». Ne doutons pas qu’il y aura de bonnes âmes, et même catholiques, pour applaudir cette sagesse du Premier ministre, si soucieux de nos Noëls et de nos familles. Son cynisme est aussi grossier que les omissions et les cumuls de son haut-commissaire Delevoye.
Mais cette gestion par le chantage, en jouant sur le retournement de l’opinion, si elle était de bonne guerre dans l’ancien monde, est devenue hasardeuse aujourd’hui. L’épisode des gilets jaunes ne leur a servi à rien. À dresser les traditionnels tabous devant un peuple en révolte, Macron et Philippe montrent qu’ils n’ont pas compris la profondeur de la colère et prennent de gros risques.
D’abord, car ils sont les premiers à ne pas les respecter, ces tabous de Noël et de la famille : le bilan d’Édouard Philippe en termes de politique familiale et de protection et de respect des chrétiens ne lui vaut certainement pas de figurer parmi mes santons préférés.
Ensuite, car une partie des mécontents est prête à briser ces tabous instrumentalisés. Un autre épisode de ce quinquennat électrique l’a montré et aurait dû faire réfléchir nos apprentis sorciers de Matignon et de l’Élysée : la réforme du bac de Jean-Michel Blanquer, qui a poussé une partie des enseignants à faire grève le jour du bac et à retenir les notes. C’était, pour eux, briser un véritable tabou. C’était historique. Blanquer a cru gagner, sur le moment, contre ces irréductibles. Six mois après, il a tous les enseignants vent debout contre lui. Édouard Philippe pensera de même qu’il a gagné si le petit Jésus vient sauver sa réforme improbable.
On apprend, en outre, par Le Monde, que M. Philippe est devenu le héros de la Macronie car il a eu l’audace d’imposer des mesures financières strictes dans son discours de mercredi, se démarquant de la ligne plus souple défendue par ces pétochards de Le Maire, Darmanin et Ferrand. Un membre du cabinet d’Édouard Philippe, en plein « triomphe », paraît-il, devant l’audace de son chef, taclait ces mous en ces termes rapportés par Le Monde : « Il y en a qui ont oublié leurs couilles en se levant. » L’élément de langage a été préféré à « droit dans ses bottes », cette fois-ci.
Magie de Noël, vous dis-je : cette année, c’est Édouard Philippe qui fera le père Noël chez vous. Réservez-lui l’accueil qu’il mérite !