Il y a quatre mois, Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale et soutien de la première heure d’Emmanuel Macron, était mis en examen pour prise illégale d’intérêts dans l’affaire des Mutuelles de Bretagne. Cette mise en examen avait suscité un tollé, certains demandant sa démission et beaucoup y voyant un nouveau discrédit moral du macronisme, après les affaires Benalla, Rugy ou encore celle du MoDem.
Rappelons l’affaire : Richard Ferrand, en tant que directeur général des Mutuelles de Bretagne, aurait permis à sa compagne, Sandrine Doucen, de réaliser une belle opération financière et immobilière en lui permettant d’acquérir un immeuble, avec l’assurance qu’il serait loué 3.500 euros par mois auxdites Mutuelles, immeuble aujourd’hui valorisé à 600.000 euros.
Aujourd’hui, après une première enquête préliminaire du parquet de Brest, classée, ce sont les juges lillois qui ont été chargés d’instruire, grâce à une nouvelle plainte de l’association ANTICOR et à la demande du Parquet national financier. Le Monde révèle le contenu des auditions de Richard Ferrand devant les juges. Il était interrogé sur son rôle dans toutes ces démarches, tant du côté de sa compagne que des Mutuelles de Bretagne. Et ce qui ressort de l’enquête, c’est que « Richard Ferrand s’est impliqué personnellement, et à de multiples niveaux, pour mener à bien l’opération immobilière contestée ».
Devant ces faits que le citoyen pourrait légitimement trouver accablants et, en tout cas, impliquer une mise en retrait de la vie politique, la défense de Richard Ferrand paraît bien fragile. Il continue à plaider, en dépit de l’évidence, l’indépendance des deux affaires : « Les deux opérations n’ont rien à voir l’une avec l’autre. D’un côté, il y a ma compagne qui veut faire un investissement […]. De l’autre, les Mutuelles de Bretagne recherchent des locaux en vue d’agrandir compte tenu des besoins liés à l’accroissement d’activité […]. Ces opérations n’ont convergé qu’en décembre 2010. » Le problème, c’est bien qu’elles ont convergé, et que c’est lui le point de convergence.
Parmi les faits les plus étonnants de cette affaire, il y a la signature du compromis de vente, en décembre 2010 : c’est Richard Ferrand qui se rend chez le notaire pour signer, sa compagne étant indisponible. Mais, selon Le Monde, « une clause suspensive interpelle les magistrats : l’achat définitif est conditionné à la “conclusion d’un bail commercial entre la SCI” de Mme Doucen – qui, bizarrerie juridique dans un acte notarié, n’est alors pas encore créée – et “M. Ferrand et les Mutuelles de Bretagne”. » Richard Ferrand est aussi intervenu très activement pour l’obtention du prêt de 400.000 euros nécessaire à l’achat du bien par Mme Doucen. Enfin, de l’autre côté, celui des Mutuelles, il semble avoir caché à une partie des administrateurs le lien l’unissant à la propriétaire de ces locaux : « Mais, comme l’a révélé l’enquête de 2017, sur les douze personnes présentes, quatre seulement savent alors que derrière la SCI qui s’apprête à acquérir les locaux se trouve la compagne du directeur général. Les huit autres l’ignorent ou ne s’en souviennent pas. »
Une déclaration de Richard Ferrand montre bien la faiblesse de sa défense : « Quant à savoir si c’était inapproprié, je vous répondrais simplement que, si j’avais imaginé une demi-seconde que je me retrouverais de ce fait devant vous, de mon point de vue sans motif légitime, bien évidemment j’aurais trouvé cela inapproprié. »
Inapproprié : il est possible que l’opinion publique, et peut-être la Justice, estiment rapidement que cet étrange mélange des genres, ce douteux « en même temps » soit plus qu’inapproprié.