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Principes stratégiques fondamentaux

Si l’on estime, comme Spengler, que « la politique n’est qu’un substitue à la guerre utilisant des armes plus intellectuelles » (1), appliquer la grille de raisonnement propre à la stratégie militaire au combat politique peut s'avérer fécond.

Les grands principes en matière de stratégie militaire, sont au nombre de cinq

Le premier, la concentration des forces, consiste à frapper avec le maximum de puissance l'ennemi, en un point choisi comme étant le plus faible de son dispositif, pour obtenir soit une percée, soit sa destruction totale. En effet, seule l’attaque du fort au faible est payante, l'attaque du fort au fort ne conduisant qu'au carnage, comme l’Histoire l’a montré. Tel fut le cas de Gettysburg, en 1863, qui coûta 23000 hommes aux Nordistes et 28000 aux Confédérés, soit un tiers des troupes. Même résultat tragique pour l’offensive anglaise de la Somme, en juillet 1916, qui entraînait des pertes ahurissantes, la résistance allemande n’ayant pas été entamée par les tirs d’artillerie préalables : 19240 morts le premier jour, et plus de 600000 jusqu’en novembre ! À noter que  la concentration des forces implique la maximisation de la puissance de feu : il faut impérativement concentrer son feu pour s'assurer la destruction de L'ennemi, plutôt que de le disperser sur plusieurs cibles...

Deuxième grande règle, l’économie des forces, qui consiste à privilégier un objectif principal sans s'attarder sur des objectifs secondaires. La défense cherche à disperser l’attaquant, alors que ce dernier doit se concentrer sur son objectif.

Troisième principe, la surprise, l'un des éléments les plus importants de La stratégie militaire. On distingue deux niveaux : La surprise stratégique, qui consiste à cacher son plan de campagne, ses objectifs et ses manœuvres ; La surprise tactique qui consiste à dissimuler la marche ou la position de ses armées, un nouveau matériel ou une supériorité technique. Pour profiter pleinement de la surprise, il importe que celle-ci débouche sur un avantage décisif : on revient à la concentration des forces, car il faut à tout prix "tirer pour tuer ».

Quatrième règle de base à respecter l'unité de commandement qui garantit La rapidité de réaction et l'intégrité du plan initialement mis en oeuvre. Elle doit être entendue comme unité de pensée, que ce soit entre les armes (terre, air, mer) ou entre Les conceptions stratégiques. Mais ce principe est rarement atteint, même au sein d'une armée nationale, encore moins entre des commandements alliés de plusieurs nations. Les Américains ont toujours su unifier leur direction, que ce soit pendant la guerre de Sécession, celle du Pacifique, ou en Europe avec Eisenhower. Le commandement interallié de Foch, nommé commandant en chef du Front de l'Ouest en mars 1918 est un autre exemple de commandement unifié voulu par les Alliés. À l’inverse, les Allemands ont, au cours des deux guerres mondiales, totalement échoué à mettre en place cette unité de commandement, que ce soit au niveau des stratégies nationales ou des armes (Wehrmacht, Luftwaffe, Waffen-SS). Dernier élément, l’initiative des opérations : c'est le but essentiel de la manœuvre, qui découle de la maîtrise des autres principes stratégiques. Le camp qui dispose de l'Initiative bénéficie d'un avantage moral considérable. Mais celui qui déclenche les hostilités n'est pas forcément celui qui engage les opérations : en 1939, si les Alliés surprennent Hitler en lui déclarant la guerre, ils restent sur leurs positions, abandonnant toute initiative stratégique au Fuhrer.

Un exemple de maîtrise des principes stratégiques : Austerlitz

La bataille d'Austerlitz, menée de main de maître par Napoléon, est le meilleur exemple d'une stratégie réussie. Apprenant la formation de la troisième coalition, Napoléon exécute un retournement complet de son armée massée à Boulogne, qu'il envole à Ulm battre l'Autriche, s'emparant de l’initiative stratégique. Face aux Russes et au reste de L'armée autrichienne, il étudie soigneusement la carte de Moravie et sélectionne le site d'Austeriltz, imposant le champ de bataille aux Coalisés.

Le commandement est unitaire chez les Français. Clausewitz, fortement influencé par Napoléon, retiendra le principe du généralissime. À l’inverse, le conseil de guerre coalisé est bicéphale (Autriche-Russie), et le plan finalement adopté est un compromis boiteux entre les deux alliés. Le plan de bataille français est simple et expliqué la veille aux soldats par Napoléon : il consiste à attirer l’aile gauche coalisée dans un piège en faisant reculer l’aile droite française, afin de prendre le plateau de Pratzen avec le gros des forces et, à partir de cette brèche, effectuer une manœuvre en tenaille. Au contraire, le plan des Coalisés est compliqué, exposé lors d'un interminable conseil de guerre où Le maréchal Koutouzov s'endort ! Pis Les ordres sont donnés aux officiers russes au dernier moment et en allemand ! Les Français pratiquent la concentration des forces avec comme objectif principal le plateau de Pratzen. Les Coalisés se donnent plusieurs objectifs, d'où une dispersion de leurs forces qui sont battues en détail Résultat : L'emploi des grands principes stratégiques offre sa plus grande victoire à Napoléon.

La bataille de France (mai 1940)

Autre exemple parlant, La campagne de France de 1940. L'avantage de l’initiative stratégique est perdu par Les Alliés lors de l'Invasion allemande de la Pologne, et ils ne la retrouveront plus. L'État-major allemand fait preuve de flexibilité en changeant son plan sous l’impulsion d'Hitler. La réédition du plan Schlieffen de 1914 initialement prévu (poussée massive vers le nord de La France à travers la Belgique) est abandonnée. Alors que le plan français prévoit une avance du gros des forces alliées pour contrer l'avance ennemie, les Allemands attaquent la Belgique et la Hollande tandis que Leurs blindés percent à Sedan, dans les Ardennes, un endroit considéré par la doctrine française comme infranchissable par les chars (cours d'eau plus massif forestier). Les Allemands exploitent à fond La surprise. Sur L'objectif principal, Hitler concentre sept divisions blindées, face à sept divisions d’infanterie et deux divisions de cavalerie légère françaises. Le principe de l’attaque du fort contre le faible est respecté, les Allemands cherchant à réaliser la percée à un point précis, le Schwerponkt point de rupture, en l'occurrence à Sedan. Grâce à la mobilité de leurs divisions blindées, ils foncent vers la Mer du Nord et isolent le gros de l'armée alliée en Belgique par un "coup de faux. »

Principes stratégiques et combat politique

Ces principes stratégiques ne visant qu'un but, la victoire, il semble donc pertinent de les appliquer aussi sur un plan politique. Incontournables, la concentration et l'économie des forces, qui consistent à frapper avec le maximum de force militante le point faible de l'adversaire politique. En 1968, Alain Robert créera le GUD en partant du constat qu'un noyau dur de militants concentrés sur un bastion universitaire valait mieux que des centaines d'adhérents éparpillés (cf. Occident). Le nid de résistance, véritable Nanterre à L'envers, ne pouvait qu'être Assas, plus favorable sociologiquement. Si L'on excepte Jean-Marie Le Pen, candidat gyrovague (Paris, Auray, Marseille, Nice), tous les dirigeants du FN se sont efforcés de constituer un fief électoral inexpugnable le couple Stirbois à Dreux, Bruno Mégret à Vitrolles, Marine Le Pen à Hénin-Beaumont. À chaque fois, on retrouve Les mêmes ingrédients qui assurent la victoire finale concentration des forces vives du parti sur un point faible de L'ennemi - en L'occurrence, une mairie socialiste gangrenée par l'insécurité, l'immigration et Les scandales -, et au final percée électorale décisive qui ouvre une brèche dans le mur du silence politico-médiatique. Sur le plan idéologique aussi, il s'agit de frapper du fort au faible, et sur un nombre limité d'objectifs" Pour percer, un mouvement politique doit se limiter à quelques idées simples et porteuses. L'émergence du FN dans Les années 80 s'explique ainsi par "la règle des trois I" : Immigration, Insécurité, Impôts. Lorsque Le Pen reniera ce triptyque, en 2007 il obtiendra son pire score présidentiel. En revanche, l'attaque du faible au fort, c'est-à-dire sur des thèmes totalement verrouillés par le Système - antisémitisme, révisionnisme - déclenche immédiatement un violent tir de barrage médiatique et relève du grand suicide politique... Lancer l'offensive sur ces forteresses puissamment défendues par cinquante ans de terrorisme intellectuel, c'est faire bien peu de cas de L'élément primordial de toute stratégie : la surprise. Autre principe à ne pas ignorer, L'unité de commandement. L'expérience a montré la supériorité du principe du chef (qui a parlé de Führerprinzip ?) sur une direction collégiale. Initiative nationale, mensuel du Parti des forces nouvelles, présentait deux photos, l’une de Le Pen, L'autre du bureau politique du PFN, ainsi sous-titrées : « Face à face : Président et Bureau Politique. Deux conceptions de l’action »(2) L'histoire a tranché entre un leader charismatique et une direction multiple et au final, acéphale. Alors que Le Pen persévéra dans la dénonciation du giscardisme et de la "fausse droite" Les jeunes gens du PFN multiplieront les stratégies les plus variées, passant d'un soutien à VGE en 1974, à un ralliement à Chirac en 1977 puis au lancement de L'Eurodroite avec le MSI néo-fasciste !

Ces principes stratégiques théorisés par les auteurs classiques suivent ce que l’historien de l'Antiquité gréco-latine Victor D. Hanson a appelé Le Modèle occidental de la guerre(3) qui repose entièrement sur la recherche de La bataille décisive, chère à Clausewitz - bataille qui doit conduire à l'écrasement de l'adversaire ignorant d'autres formes de guerre, comme la guerre asymétrique.

Notes :

1) Oswald Spengler, L'Homme et la technique, Gallimard, 1969, p. 120.

2) Initiative nationale, novembre 1977 n°22, pp. 18-19.

3) Victor D. Hanson, Le Modèle occidental de la guerre, Les Belles Lettres, 2001,298 p.

Réfléchir&Agir N°36 AUTOMNE 2010

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