Si certaines propositions du Front national ont notre sympathie, certaines nous semblent émises en dépit du bon sens, comme la suppression du F.M.I. qui représenterait selon Marine Le Pen « une structure d’écrasement des peuples » Peut-être serait-il bon de rappeler quelque peu le rôle de cette organisation internationale qui fait partie des organisations financières internationales nées des leçons tirées de la crise de 1929 et de la Deuxième Guerre mondiale.
Le système de Bretton Woods
Le Fonds monétaire international a été institué le 27 décembre 1945 dans le cadre des statuts adoptés lors de la conférence monétaire et financière qui eut lieu à Bretton Woods aux États-Unis le 22 juillet 1944. Lors de cette conférence furent jetées les bases de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (B.I.R.D.) qui est une composante de la Banque mondiale actuelle. En 1945, 29 pays ont ratifié l’accord et adhéré au F.M.I.
Le système de Bretton Woods a établi un système monétaire basé sur la convertibilité du dollar en or et l'instauration de changes fixes entre le dollar et les autres devises. L’objectif était d’éviter de retrouver la situation créée par la crise de 1929 pendant laquelle les États tentèrent de contenir la crise par des moyens purement nationaux, faute d’institutions internationales, ce qui ne fit qu’accroître et approfondir la crise. Les États avaient usé de dévaluations compétitives qui avaient provoqué des perturbations dans les marchés financiers et aggravé la crise. La principale leçon de la crise de 1929 est qu’aucun État ne pouvait réagir correctement face à une crise mondiale, que ce genre de crise nécessitait des actions collectives internationales et qu'il fallait des institutions capables d'imposer une action collective internationale. C'est dans ce sens que fut instauré le F.M.I. dont le rôle était de réguler le système monétaire international en mettant fin aux dévaluations.
Le F.M.I. a connu un développement prodigieux de 29 pays adhérents en 1945, il est passé à 187 pays actuellement. Les ressources du F.M.I. proviennent des États membres principalement du versement des quotes-parts, qui sont fonction du poids économique relatif de chaque pays. Le F.M.I. émet un avoir de réserve international appelé droit de tirage spécial (D T.S.) qui peut compléter les réserves de change des pays membres. L’encours des D.T.S se monte à un total d’environ 204 milliards de D.T.S (308 milliards de dollars É.U.) Le principe général du rôle du F.M.I est de prêter des fonds aux États membres lorsqu’ils rencontrent des difficultés financières. Comme il n’est pas question de distribuer des capitaux sans contrepartie, les pays qui sollicitent l’aide du F.M.I. doivent donner des garanties dans leur volonté de rétablir leur équilibre financier.
L’aide aux pays pauvres
Le rôle du F.M.I. a évolué avec la fin du système de Bretton Woods en 1971 et des taux de change fixes. Il est devenu un instrument de régulation financière et d'aide aux pays en voie de développement, chargé de permettre à ces pays de surmonter des crises temporaires de financement de leur déficit de la balance des paiements. Son action consistait à prêter de l'argent aux pays du tiers monde connaissant ce type de difficultés, ceux-ci devant en contrepartie mettre en œuvre des politiques pour parvenir à l'équilibre de leur balance des paiements. Le F.M.I. était devenu le principal acteur de la dette des pays dit du Sud. L’Argentine est l’exemple typique de ces pays touchés par un endettement colossal créé par les militaires au pouvoir entre 1976 et 1982 et par une hyperinflation atteignant 4 924 % en 1989 et 1 344 % en 1990 Le F.M.I. a octroyé plusieurs plans d’aide à l’Argentine en 1995, 2000 et 2003 lui prêtant quelques 21,7 milliards $.
Le F.M.I ne se contente pas de venir au secours d'États en faillite, depuis 1962, il alloue aussi des prêts d'urgence aux pays victimes de catastrophes naturelles. Ces prêts peuvent être accompagnés de conseils de politique économique ainsi que d'une assistance technique. Entre 1995 et 2009, le F.M.I. a octroyé 16 aides à plusieurs pays victimes de catastrophes naturelles pour un montant de 1 662 millions de $. Le F.M.I a ainsi alloué un prêt de 450 millions $ au Pakistan en 2010, victime de terribles inondations, alors que l'O.N.U peinait à réunir l’aide d'urgence qu'il réclamait. Le F.M.I alloue aussi des prêts d'urgence pour les pays qui sortent d’un conflit armé. Entre 1995 et 2009 il a octroyé 26 prêts d'urgence pour différents pays victimes d'un conflit armé pour un montant de plus de 1 089 millions $.
La disparition des États communistes en Europe au début des années 1990 a nécessité l’aide du F.M.I pour recréer un système monétaire dans les pays de l'Europe de l'Est et en Russie afin qu'ils puissent intégrer le système financier mondial, et pour les aider à transformer leurs économies collectivistes en économies de marché. La Russie a également demandé l’aide du F.M.I. en 1998 lorsqu’elle fut touchée par une grave crise financière qui avait entraîné le défaut sur sa dette et obligé le gouvernement russe à dévaluer sa monnaie.
L'aide aux pays riches
Avec la crise des subprimes, le rôle du F.M.I. a de nouveau évolué. Il ne s agissait plus de venir au secours des pays les plus pauvres mais bien au contraire, d’aider les pays dit « riches » qui avaient endossé les difficultés financières de leurs banques. Le F.M.I. joua le rôle de « pompier » afin d’éviter la faillite des États étranglés par le transfert sur eux mêmes des dettes de leurs banques qui s’est ajouté à un endettement structurel déjà ancien. Ainsi l'Islande est sous perfusion du F.M.I. depuis 2008 avec un prêt de 2,1 milliards $. L'Ukraine, la Hongrie, la Lettonie, la Serbie, la Macédoine, la Biélorussie, la Croatie, l’Albanie ont demandé l’aide du F.M.I. Généralement, ces prêts s’articulent au sein de plans d’aide qui regroupe le F.M.I la Banque mondiale et la Banque Centrale européenne. L’encours des prêts du F.M.I. est au 31 janvier 2011 de 254 milliards $. Précisons les choses, le F.M.I. n'intervient que sur la demande des États qui se retrouvent en état de faillite. Sans les prêts du F.M.I. ces États seraient dans l'incapacité de faire face à leurs obligations et de payer leurs fonctionnaires, ils sombreraient dans l’anarchie.
Quitter le FMI ?
La présidente du Front national a appelé, le 20 mai 2011 dans un communiqué, à la suppression du F.M.I., qualifié de « machine infernale au service de l'idéologie ultralibérale ». Elle a renouvelé cette proposition sur France Info le 22 mai « Je pense qu'il ne faut pas chercher un nouveau directeur au F.M.I mais supprimer purement et simplement le FMI et engager une réflexion sur des institutions internationales qui respecteraient la souveraineté des peuples »
Il est bien évident que cette proposition n’a aucune chance d être reprise par les Etats bénéficiant de ses prêts et les États membres savent très bien qu en ce moment, chacun d’entre eux peut avoir besoin du F.M.I. s'ils se trouvent placés dans une situation plus que délicate au niveau financier. Mais si la France n’a pas les moyens de supprimer le F.M.I. par contre, elle pourrait éventuellement le quitter. Mais l’état de ses finances ne le lui permet pas. Remarquons que les pays qui ont quitté un moment le F.M.I ne sont qu’au nombre de quatre. Il s’agit d’abord de pays communistes obéissant aux injonctions de Moscou comme la Pologne en 1950, la Tchécoslovaquie en 1954 et Cuba en 1964. La Pologne s’est empressée de revenir dans le giron du F.M.I. en 1986 et la Tchécoslovaquie en 1990. L'Indonésie a quitté le F.M.I pendant deux ans de 1965 à 1967. Seul Cuba est resté en dehors du F.M.I et ce pays n’est en aucun cas un exemple à suivre. Même Hugo Chavez qui avait menacé de quitter le F.M.I. n’a jamais mis sa menace à exécution. Aucun pays membre du F.M.I. n’a émis la volonté de quitter cette institution.
Les vrais responsables des problèmes
Marine Le Pen a ajouté « Le F.M.I a des résultats dramatiques la Grèce est en train d'étouffer (…) Ils sont en train de tuer la Grèce ils tueront le Portugal et on assistera à un effet domino dramatique ». Eh bien non, ce n’est pas le F.M.I. qui étouffe la Grèce, ce sont ses gouvernements successifs qui l’ont gérée comme des mafieux, depuis la chute des colonels. Deux familles se partagent le pouvoir en Grèce, les Papandréou et les Caramanlis et ont fait exploser la dette de leur pays. Les Grecs en ont bénéficié en ne payant pas leurs impôts, la fraude fiscale est leur sport national, et en ayant des emplois de fonctionnaires sans utilité, grâce au clientélisme politique, ce qui fait que la moitié de la population active est dans la fonction publique ! Il est bien évident qu’avec une telle gestion, cela ne pouvait pas durer et le F.M.I n'y est absolument pour rien. Quand les dépenses sont plus élevées que les recettes cela se paye à un moment ou à un autre. Pour la France, cela sera pareil, ce n’est pas le F.M.I. qui a obligé les différents gouvernements français depuis 1975 à accumuler les déficits. En fait, les propos de Marine Le Pen ne font que déresponsabiliser les gouvernants, alors que ce sont eux les responsables de la situation déplorable des finances publiques. Il est paradoxal de retrouver Marine Le Pen sur les mêmes longueurs d’onde que Fidel Castro et Hugo Chavez. Le F.N virerait-il au national-communisme ? En fait, pour Marine Le Pen, le contenu de ses propos est tout à fait secondaire. L’important pour elle est d’occuper le terrain médiatique et pour cela, elle est obligée d’afficher un avis sur le maximum de sujets, quitte à raconter n’importe quoi. C’est une stratégie de communication comme une autre. L’envers du décor est qu’elle se discrédite par des propos qui relèvent du racolage électoral, en tentant de gagner des électeurs de tous horizons par la désignation de quelques cibles faciles à identifier.
L.C Reconquête Juin-juillet 2011