À Mulhouse, mardi, le président de la République a énoncé un principe d’une clarté totale, afin de bien démarquer les territoires respectifs du politique et du religieux. « On ne doit jamais accepter que les lois de la religion puissent être supérieures à celles de la République. » Emmanuel Macron n’est pas le premier à proférer une telle affirmation. Elle s’adresse d’évidence à nos compatriotes musulmans dans les circonstances qui sont les nôtres
Mais son caractère général semble bien s’adresser aussi à toutes les religions. Non sans une pointe de provocation. Dans cette primauté revendiquée, n’y a-t-il pas une forme de provocation à l’égard de ceux qui croient au Ciel ? Comme si Dieu ne devait pas être premier servi, selon Jeanne d’Arc. Oui mais, dans la tradition chrétienne, la distinction du religieux et du politique a toujours été opérée, même si elle a donné lieu à des conflits incessants.
Dès les textes du Nouveau Testament, l’obéissance aux autorités civiles est instamment recommandée, alors que celles-ci se réclament du paganisme. Saint Paul est particulièrement net à ce sujet : « Que chacun se soumette aux autorités qui nous gouvernement, écrit il aux Romains. » Et il insiste : « Celui qui s’oppose à l’autorité résiste à l’ordre que Dieu a établi. » Si l’on songe que l’apôtre désigne alors l’empire romain incarné dans la personne de Néron, on mesure la singularité d’un tel commandement. Et saint Pierre ne tient pas un autre langage. La notion de théocratie est donc étrangère à la tradition chrétienne, ce qui la distingue de celle de l’islam. Et ce n’est pas impiété mais distinction de ce que Pascal appelait « les ordres ». « La tyrannie, observait-il, consiste en un désir de domination universelle et hors de son ordre. » C’est qu’il y a péril d’accaparement de la part du spirituel qui risque ainsi de se compromettre en perdant son âme.
Cela ne veut pas dire que l’Église renonce par ailleurs à rechercher l’éclairage de la foi dans le domaine temporel. Mais pour exercer une telle mission, il lui importe, écrivait le cardinal de Lubac, de repousser un mode d’intervention qui ravalerait sa pureté d’instance spirituelle. Cette distinction des domaines n’est pas indemne de possibles conflits, lorsque la loi morale est en cause. Mais cela renvoie au chapitre de l’objection de conscience, lorsque ladite conscience se trouve blessée par une législation injuste.