D’accord ! On ne tire pas sur une ambulance. Mais quand même…
C’était le 8 mars : hier, en somme. Non ! Une éternité. Le Président et Madame vont au théâtre « pour inciter les Français à ne pas modifier leurs habitudes de sortie », nous apprend BFM TV. Une semaine plus tard, la France a ordre de se claquemurer.
C’était le 9 mars : hier, en somme. Non ! Une éternité. La Slovénie vient de fermer ses frontières et l’Autriche de restreindre drastiquement les mouvements. Notre Président, qui se rêve en chef suprême de l’Europe, réagit publiquement : « Je crois que ce sont, sincèrement, de mauvaises décisions. » Sur la forme, pourquoi cette ingérence malvenue dans des décisions prises par des États souverains ?
Sur le fond, neuf jours après le coup du théâtre, la France se ferme. Rideau !
Sur le fond, huit jours après avoir engueulé la Slovénie, l’Europe – dont la France fait, je crois, partie – ferme ses frontières.
Il a l’air malin, Jupiter ! Il aurait mieux fait de convoquer la Pythie avant de parler.
Car c’est là que réside le problème de tous ces gens : ce manque himalayen d’humilité, cette impossibilité de dire « Je ne sais pas ». Comme si le fait d’être élu, même au sommet – surtout au sommet –, immunisait contre les âneries. « Je suis le chef donc j’ai raison ! » Et j’agis ! Et je parle ! Cette enflure de l’ego, désagréable en temps ordinaire, devient insupportable en temps de crise. Brassens l’a dit avant moi : « […] mais il est général, va-t-en guerre, matamore./Dès qu’il s’en mêle, on compte les morts. »
Et puis ce discours, cette logorrhée ! 21 minutes : une éternité ! Par comparaison, le discours de De Gaulle, le 30 mai 1968, n’avait duré que 2 minutes et 42 secondes et, l’instant d’après, la France entière était dans la rue pour lui apporter son soutien.
Là, un texte de 2.600 mots, pensum interminable. On y parle de « guerre », oui, mais pas de « confinement ». Beurk ! Le confinement, c’est rance, ça pue ! Les « chers compatriotes » ne vont pas aimer ! Alors on dit, sans dire, tout en disant. On ne commande pas, on recommande : on « en appelle à votre sens des responsabilités et de la solidarité », on demande aussi « de garder le calme », on fait des suggestions : « Prenez des nouvelles, lisez… »
Si l’on est en guerre, il faut un discours martial, pas cette guimauve infantilisante. Et il faut la vérité pour que l’on adhère. Là, on nous donne une durée – « pour quinze jours au moins » – en sachant pertinemment que les mesures prises se prolongeront beaucoup plus longtemps, tous les médecins qui se suivent sur les plateaux de télévision le disent. Sauf, peut-être, les membres de ce formidable conseil scientifique derrière lequel les autorités s’abritent pour tout et son contraire. Alors, pourquoi raconter des carabistouilles aux gens ?
« Quand nous aurons gagné, ce ne sera pas un retour aux jours d’avant. Nous serons plus forts moralement. Nous aurons appris et je saurai aussi en tirer toutes les conséquences », conclut notre Président.
Certes. Mais, à coup sûr, c’est dans une éternité.