À qui appartient la décision en temps de crise ? Les citoyens savent combien la parole des scientifiques doit être écoutée dans une situation où ils sont censés avoir les armes que nous n’avons pas. Pour autant, est-ce si simple ? Nous voyons que les médecins eux-mêmes sont divisés. Pis, nous découvrons que certains peuvent être guidés par leur ego ou par quelque vieille querelle. Le débat mondial autour de l’usage de la chloroquine prend des allures de guerre de tranchées idéologique. S’il est vrai que nous sommes en guerre, faut-il respecter les procédures habituelles ou parer au plus pressé, tenter des choses, accepter les risques ? C’est là que le politique reprend le pas sur le discours d’experts, pour assumer au nom des citoyens les choix difficiles mais allant dans le sens du bien commun.
Encore faut-il que le discours politique ne se dissimule pas derrière les données des experts pour habiller ses incuries. Les réactions de panique de ces gens se précipitant sur la chloroquine, quitte à priver les malades dont elle est le traitement habituel, et au point de se tuer par des surdoses, ont quelque chose de consternant. Mais elles sont le résultat des errances d’un pouvoir politique qui semble naviguer à vue et maquiller par des considérations sur l’inutilité des masques et des tests la pénurie dont il n’est certes pas directement responsable mais qu’il n’a pas su compenser au moment où l’évidence d’une pandémie se dessinait.
Tester massivement
Expliquer après coup comment il aurait fallu faire ne servirait à rien. Il est difficile de prévoir l’avenir. En revanche, on peut essayer de sortir au plus vite de cette crise. Et il existe pour cela des exemples. Ceux des pays qui ont agi différemment, qui ont choisi de tester massivement pour éviter la stupidité de voir se promener dans la nature des dizaines de milliers de malades asymptomatiques. L’étude froide et objective des courbes de contamination et de décès plaide en ce sens. Un tel changement de doctrine serait d’autant plus urgent que les injonctions contradictoires du gouvernement français risquent fort de nous mettre dans une situation inextricable. « Restez chez vous », mais « allez travailler » dans les domaines essentiels, alors même que, évidemment, personne ne définit ces domaines essentiels. La panique gagne, les droits de retrait se multiplient, et l’acheminement des denrées va se révéler de plus en plus compliqué. Et voilà comment une économie se bloque, amplifiant encore la panique. C’est ce genre de phénomène qu’il faut éviter tant qu’il en est encore temps. Cela va nécessiter de l’organisation, de l’anticipation, et une mobilisation collective qui aille plus loin que la reconnaissance envers les soignants. Mais chacun retournera travailler s’il a l’impression que la puissance publique le protège et lui fournit ce qu’il faut pour qu’il ne se mette pas en danger. Les masques et les tests sont le nerf de cette guerre, que nous abordons désarmés.
Source : Marianne 26/03/2020
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