Les faits sont là, insultants. La France, 6e puissance mondiale, ne produit plus rien de ce qui pourrait la sortir de son confinement sanitaire : ni masques, ni tests, ni respirateurs, ni rien. Pas même du doliprane. La nation, qui s’enorgueillissait de son coûteux système de Santé, est semblable à un pays du tiers-monde dans ses pénuries d’outils essentiels. La voici en effet contrainte, terrassée par le Covid-19, d’appeler à l’aide des pays qui, légitimement, servent en priorité leurs propres intérêts. Le gouvernement s’achemine, faute de solutions alternatives rapides, vers l’imposition d’une quarantaine effective, comme aux pires moments des grandes épidémies de jadis. Le confinement de quinze jours a déjà prolongé de deux semaines, ce week-end, par le premier ministre. Cet immobilisme forcé s’annonce économiquement et socialement explosif. Ce lundi, les premiers masques ont été livrés par la Chine. Mais il en faudrait au moins un milliard pour que la population en bénéficie. Or la France ne peut en fabriquer que 6 à 8 millions par semaine.
Les seuls besoins hospitaliers en demandent 40 millions par semaine. Les tests de dépistage manquent pareillement, faute notamment d’industries françaises de biologie moléculaire. Quand l’Allemagne arrive à proposer dès à présent 500.000 tests par semaine, la France en aligne dix fois moins. Les respirateurs sont semblablement devenus des équipements rares, fabriqués ailleurs pour l’essentiel. Quant à l’usine proche de Lyon qui fabrique de la chloroquine, ce remède contre le virus, elle a été placée en redressement judiciaire. Le naufrage français est impressionnant.
Quand le ministre de la Santé, Olivier Véran, assure dans le JDD : “Il n’y a eu aucun retard (…) L’anticipation a été absolue dès le premier jour“, il abime une parole officielle qu’il avait réussi à crédibiliser en usant de sobriété. La défense d’Edouard Philippe n’est pas plus convaincante quand il déclare, samedi : “Je ne laisserai personne dire qu’il y a eu du retard sur la prise de décision s’agissant du confinement“. Le premier ministre a assurément pris la bonne décision. Reste que c’est son gouvernement qui avait préalablement autorisé le premier tour des municipales. J’ai moi-même défendu ce choix à l’époque, au vu des éléments qui étaient rapportés.
A posteriori, l’erreur est patente. Toutefois la question est de savoir quel était alors le véritable degré d’information du pouvoir. A en croire depuis Agnès Buzyn, ancien ministre de la Santé, Emmanuel Macron avait été prévenu, le 11 janvier, de la catastrophe (Le Monde, 18 mars). Pourquoi l’Etat ne s’est-il affolé qu’au dernier moment ? Dans le Figaro Magazine, le patron des urgences de l’hôpital Georges-Pompidou à Paris, Philippe Juvin, pointe la responsabilité des conseillers, qu’il accuse de “trahison”. Le professeur Didier Raoult, promoteur de la chloroquine, est proche de cette longueur d’onde quand il accuse d’incompétence, dans Le Monde de ce week-end, le Conseil scientifique mis en place par le gouvernement. Les politiques sont-ils à la hauteur ? La question, en tout cas, s’impose.
Ivan Rioufol
Texte daté du 26 mars 2020 et repris du blog d’Ivan Rioufol
https://fr.novopress.info/217280/la-france-malade-de-ne-plus-rien-produire-par-ivan-rioufol/