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Les communautarismes à l'assaut de la France

Les communautarismes à l'assaut de la France.jpegÀ l'heure du village global, les communautarismes prospèrent mais ce sont des communautarismes déterritorialisés, sans port d'attache, ni pays réel Un peu comme les nomades de notre nouveau monde. A eux, les droits. Aux autres, les devoirs Dont celui de la fermer Discrimine positivement et tais-toi !

CRIF CRAN, EMF, UEJF(1) ou bien LIR (pour « les Indigènes de la République »), les sigles ethnico-communautaires fleurissent depuis vingt ans avec la vélocité des champignons sous la pluie. Sauf qu'en l'occurrence, la pluie n'a pas été suscitée par n'importe quel nuage et ne tombe pas dans n'importe quelle direction.

En effet, on attend toujours en vain la création, à grands coups de subventions étatiques, du puissant et médiatique lobby basque, corse, limousin, auvergnat, alsacien, néo-félibre ou néo-cathare, dont les leaders « charismatiques », comme il est d'usage de dire dans la « novlangue » du spectacle, deviendraient vite aussi célèbres et habitués du petit écran hexagonal que Harlem Désir, Claude Lanzmann, Roger Cukierman, Houria Bouteldja, Tariq Ramadan et Patrick Lozès en leur temps ou aujourd'hui.

Le communautarisme ethnique, ce produit interlope et post-moderne du mécénat public, obéit à des règles et répond à des buts particulièrement bien définis qui ne laissent rien au hasard. Autant donc vaut-il mieux bien les connaître si l'on veut comprendre comment la France en est venue à abriter en son sein, avec la complaisance et l'argent de l’État, une ribambelle de groupes de pression d'origine ethnique dont la complicité tacite n'a d'égale entre eux que la rivalité violente.

Car sur ce sujet délicat et dangereux, les amalgames et les confusions fleurissent, du moins tant que le phénomène continue à être analysé, ainsi qu'on le fait souvent, à droite comme à gauche, à travers la vieille grille de lecture « universalisme républicain contre différentialisme libertaire ou réactionnaire », chère aux souverainistes et aux fédéralistes de tout poil. En réalité, le communautarisme officiel, celui que bichonnent ou subventionnent les gouvernements « sociaux-libéraux » et les journalistes assermentés, a une caractéristique très nette et très simple, qui scelle définitivement son origine il doit être à la fois déterritorialisé et laïque, c'est-à-dire non confessionnel.

Gentils nomades contre méchants sédentaires

Autrement dit, les lobbies ethniques destinés à avoir pignon sur rue en France ne sauraient être la traduction sociétale ou politique ni d'une religion traditionnelle et institutionnalisée (le sempiternel débat des néo-jacobins sur la laïcité à la française toujours menacée est ici hors sujet), ni d'un régionalisme quelconque émanant d'une province historique ou d'une « petite patrie » locale bien réelle. Non pas.

Au contraire, ils doivent impérativement se substituer à ces derniers : c'est ainsi que le Consistoire rabbinique fondé par Napoléon en 1808 s'est vu littéralement destitué par le CRIF à partir de 1950 et que, très certainement, demain, le futur Conseil représentatif des institutions musulmanes de France (CRIM), forgé à l'image de son aîné israélite, supplantera en puissance et en notoriété le déjà très imparfait et contesté Conseil Français du Culte Musulman (CFCM), fondé à la va-vite par Nicolas Sarkozy il y a six ans, mais qui a contre lui le principal défaut d'être constitué de personnalités qu'en terre chrétienne, l'on désignerait comme ecclésiastiques.

C'est aussi la raison pour laquelle Elie Domota, pour ne citer que lui, le leader indépendantiste guadeloupéen, révélé il y a quelques mois à la faveur du mouvement social des Antilles, a vite été relégué dans l'oubli par les médiacrates et les caméras de télévision car le chef du LKP entend d'abord défendre les droits et l'identité des Antillais qui vivent aux Antilles mêmes, et pas vraiment les intérêts de ceux qui ont migré en métropole - où lui-même a dédaigné de s'installer.

Le détail est d'importance, car il nous donne la clé de l'histoire et nous révèle à quelle condition peut se faire adouber un groupe de pression communautaire dans la France « post-nationale » de la globalisation américaine et du début de ce siècle, un lobby ethnique n'a surtout pas pour mission de représenter une réalité confessionnelle, régionale ou nationalitaire (au sens que ce mot avait au XIXe siècle dans l'ancien empire des Habsbourg) mais de constituer la vitrine officielle et légale d'un peuple voulant se définir, ou se redéfinir, à l'intérieur de la France et au vu même des Français, comme étant d'essence diasporatique.

Sartre aux origines du communautarisme

Un lobby communautaire, répétons-le, ne peut se faire accepter et entretenir par la manne des contribuables (qui, Français de souche ou pas, n'en peuvent mais) qu'à la condition qu'il entende incarner peu ou prou l'organisation d'un réseau transnational reliant entre eux les membres d'une diaspora se distinguant radicalement de la culture majoritaire des nationaux sédentaires qui les entourent. Ce fut le cas, hier, des Juifs, des Arméniens, des Grecs, des Tziganes, des Ukrainiens ou des Chinois; c'est le cas aujourd'hui des nombreuses communautés extra-européennes qui ont trouvé asile sur le territoire français, avec ou sans le consentement des autorités Arabes, Berbères, Africains, Turcs, Kurdes, Sikhs, Chiliens, Afghans, Albanais, etc.

S'il faut chercher une double origine intellectuelle à ce phénomène, deux noms se révèlent incontournables Jean-Paul Sartre, d'abord, dont les Réflexions sur la question juive ont appris aux élites progressistes, au lendemain de la guerre, que c'étaient les antisémites, et non pas la Halakha (l'ensemble de lois et prescriptions qui règle la vie juive), qui créaient les Juifs, et que donc ceux-ci étaient fondés à se définir et à se structurer enfin, face à la majorité « goyim » potentiellement génocidaire, sur le mode laïc d'une minorité menacée - un peu à l'image des Noirs américains.

Ensuite, plus récemment, Will Kymlicka, ce philosophe canadien, théoricien du multiculturalisme, qui a lié le combat pour le développement des démocraties libérales avec celui du droit des minorités allogènes à bénéficier d'un exceptionnalisme juridique (autrement dit d'une « discrimination positive » en leur faveur) et d'une autonomie culturelle et politique institutionnalisée.

Quoi qu'il en soit, l'alliance ainsi prônée entre l’État et les minorités ethniques ne sert qu'à renforcer l'unique projet propre à la globalisation américaine et vaillamment adopté chez nous par Nicolas Sarkozy depuis ses débuts en politique affaiblir ou anéantir, par la reconnaissance et la promotion des diasporas, ces « formes-mondes » civilisationnelles que sont les nations historiques, seules capables de s'opposer au projet d'uniformisation et d'unification marchande et juridique de la planète. Là comme ailleurs, le capitalisme néo-libéral et le gauchisme cosmopolite œuvrent et marchent plus que jamais main dans la main.

Philippe Marsay Le Choc du Mois septembre 2009

À lire :

Diasporas et Nations, Dominique Schnapper et Chantal Bordes-Benayoun, Odile Jacob, 2006.

Contre le Communautarisme, Julien Landfried, Armand Colin, 2007

1. Respectivement, Conseil représentatif des institutions juives de France, Conseil représentatif des associations noires de France, Étudiants musulmans de France, Union des étudiants juifs de France...

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