Les « Amap » - association pour le maintien d’une agriculture paysanne - sont un mode de production et de consommation alternatif. Le producteur vend directement ses fruits et légumes au consommateur, en général un citadin, sans recourir à la grande distribution. C'est meilleur moins cher plus sûr et contribue au maintien de agriculture familiale.
Des obstétriciens français ont détecté plus de vingt traces de pesticides distincts dans le cor don ombilical de nouveau-nés tandis qu'un rapport de l'OMS « Stratégie mondiale pour l'alimentation, l'exercice physique et la santé » estime que 60 % des 56 millions de décès annuels viennent de maladies chroniques (cardio-vasculaires, diabètes, cancers, hypertension…) engendrées plus ou moins directement par une alimentation dégradée.
C'est peut-être en ayant le pressentiment de ces effroyables catastrophes sanitaires, que, dès les années 60, au moment du basculement de l'agriculture traditionnelle dans la course folle au productivisme pétrochimique, des mères de familles japonaises, soucieuses de la santé de leurs enfants, se sont regroupées pour initier une relation directe et solidaire avec des fermiers locaux.
Le principe de ce partenariat est simple : en échange de la garantie d'achat de toute sa production à l'avance, l'agriculteur s'engage à respecter un « cahier des charges » éthique, cultivant de façon traditionnelle, naturelle et locale, sans recours aux produits chimiques. Cet arrangement prit le nom de « Teikei », que l'on pourrait traduire approximativement par « mettre le visage du producteur sur la nourriture présente dans son assiette ».
30 000 kilomètres pour une langoustine
Ou comment éviter que nos aliments ne soient plus que de simples assemblages internationaux, impliquant plusieurs pays et des dizaines de milliers de kilomètres parcourus. Exemple classique, mais particulièrement éclairant de cette nouvelle démence dromomane du commerce alimentaire - les langoustines pêchées en mer d'Ecosse, congelées à terre, envoyées en Thaïlande pour être décortiquées (salaires des ouvriers thaïlandais : 65 centimes d'euro l'heure), transitant ensuite par le Maroc afin d'être conditionnées, avant de revenir au Royaume-Uni où elles seront commercialisées. Bilan près de 30 000 kilomètres parcourus et 1,5 tonne de C02 émise par tonne de langoustines.
La cupidité des pontes de l'industrie agro-alimentaire n'est pas seule responsable de cette situation ubuesque où le moindre aliment baigne désormais dans un océan de carburant et de sueur, celle des travailleurs du tiers-monde sous-payés. Il faut aussi compter avec le consumérisme hédoniste et irresponsable de la plupart d'entre nous, cette volonté si paroxystiquement moderne de pouvoir manger ce que l'on veut, quand on le veut, sans se soucier d'aucune limite ni contrainte, morale ou naturelle.
Ainsi la consommation de légumes hors saison induit non seulement des gaspillages énergétiques et des émissions de gaz à effet de serre gigantesques, mais entretient également un système de production industriel para-mafieux, dont l'un des moteurs est l'exploitation d'une main-d'œuvre immigrée, souvent clandestine, aboutissant à des conséquences tragiques telles que celles récemment observées en Italie à l'occasion des émeutes de Rosarno(1).
Pour en finir avec la grande distribution
C'est donc pour tenter de rompre avec cette mentalité que se sont développées, surtout depuis le début des années 90, les « Amap », équivalents français des « Teikei » japonais et des CSA américains (Community supported agriculture).
Les membres des « Amap » s'engagent à soutenir la ferme de proximité à laquelle ils sont liés tout au long de la saison, en assumant les coûts et les risques, comme une éventuelle pénurie due aux intempéries. L'avance financière fournie par le groupe de consommateurs permet au producteur de ne pas s'endetter pour payer les frais de fonctionnement de sa ferme et le fait également échapper aux pressions des centrales d'achats qui imposent aux agriculteurs des prix de vente dérisoires, poussant à la productivité à outrance au détriment de la qualité. En échange de cette liberté, le producteur s'engage de son côté à fournir des produits frais et sains, cultivés de façon traditionnelle tout au long de la saison. Ce circuit court, basé sur la confiance et la solidarité, permet d'établir un système économique local stable, enraciné, loin des fluctuations et aléas spéculatifs des marchés internationaux.
À l'origine souvent caricaturé comme étant une « mode » pour bobos avides de « démarche citoyenne », le phénomène des « Amap » s'ancre désormais dans la durée et son actuel développement en milieu périurbain et rural semble bien démontrer qu'il dépasse de très loin la simple posture « écolo-branchée » pour révéler une véritable prise de conscience, à la fois politique, économique et sanitaire, de la nécessité de reprendre le contrôle de notre alimentation à travers la relocalisation et la rupture progressive avec la grande distribution et ses innombrables dérives. Un mouvement qui n'est d'ailleurs pas du tout pris à la légère par les principales enseignes commerciales qui commencent à s'agacer de cette « concurrence rétrograde » qui grignote leurs parts de marché. Ainsi, on a pu voir récemment se multiplier, dans les journaux comme sur le Net, d'étranges « appels à la prudence » vis-à-vis des « Amap » et des organismes de vente directe de produits agricoles, appels derrière lesquels certains n'hésitent pas à discerner la main, pas si invisible que ça, des stratèges de la grande distribution.
Xavier Eman et Arnaud Naudin Le Choc du Mois mai 2010
1) Dans la ville de Rosarno, sur fond de manipulation de la "Ndràngheta, des heurts très violents ont éclaté entre la population locale et des immigrés clandestins sans travail à la suite de la chute des cours des agrumes.