Et alors ! Personne pour rendre hommage à Carl Georg Friedrich Wilhelm Flügge ? D’accord, les hygiénistes allemands ont mauvaise presse, depuis certaines années du XXe siècle, mais le pauvre est mort en 1923, bien innocent des crimes de ses successeurs. Et c’était quand même le découvreur des postillons !
Non pas du modèle XXL dont Gilbert Bécaud arrosait les spectateurs jusqu’au troisième rang, mais le micro-postillon, disons même le nano-mollard flottant partout dans l’air, comme la rumeur légère du Barbier de Séville. Ce sont les « gouttelettes de Flügge » (ça s’écrit comme ça s’éternue) dont tout étudiant en médecine a appris les dangers.
Ainsi, dès le début d’une épidémie diffusant par voie aérienne, il n’était pas difficile de comprendre que tout objet barrière entre l’air ambiant (surtout expiré par des proches) et ses propres voies respiratoires serait susceptible de limiter les dégâts. Au mieux, un masque « étudié pour », au pire n’importe quoi, du bandana de cow-boy au casque de soudeur en passant par le fait maison.
Mais nous sommes en France : tout doit y être fait dans les règles. Par décret, obligation, agrément AFNOR et estampille CE. Un masque périmé gardé en cave depuis le H1N1, vous n’y pensez pas : imaginez qu’un élastique casse !
Chez nous, c’est tout ou rien. Les anciens se souviennent, par exemple, des voitures étrangères qui avaient déjà des phares blancs et des feux de détresse ; alors que, chez nous, c’était « streng verboten » ! Eh bien, d’un coup de baguette magique, cela devint rigoureusement obligatoire. À aucun moment, ce ne fut simplement toléré ou laissé à l’appréciation de chacun. L’État veille !
Le même virus dirigiste est à l’œuvre, actuellement. Sans atteindre les sommets auxquels seule Sibeth Ndiaye accède, affirmant que le port du masque serait non seulement inutile, mais dangereux, le 17 mars, le DGS Salomon fulminait : « Je vois énormément de masques dans la rue, des personnes qui n’ont aucune raison d’en porter et d’être exposées à des malades. Ne portez pas de masques ! » Et voyez comme le hasard fait bien les choses : même si on en avait voulu, on n’en avait pas…
Mais vendredi dernier, alors qu’un peu de matériel arrive au compte-gouttes, le patineur sanitaire en chef prenait son appel pour un double salchow : « Si nous avons l’accès à des masques, nous encourageons effectivement le grand public, s’il le souhaite, à en porter, en particulier ces masques alternatifs qui sont en cours de production. »
« Alternatifs en cours de production », ça veut dire bricolés à la maison avec les vieux strings de Kevina et les fixe-chaussettes de Papy. On y vient, mais il aura quand même fallu une recommandation de l’Académie de médecine (celle-là même qui accorda au professeur Raoult, en 2009, sa plus haute distinction pour ses travaux)…
Il y en a qui comprennent vite, mais il faut leur expliquer longtemps.
Prochaine étape probable, le triple lutz du masque obligatoire pour tous dans les espaces publics, règle (écrite ou non) dans beaucoup de pays asiatiques, et que beaucoup de personnes appliquent spontanément en France depuis des semaines.
Ce sera l’occasion de vérifier que les personnes qui ont un QI élevé – qu’on peut appeler aussi bon sens – meurent plus tard que les autres, inégalité contre laquelle toutes les incantations aux valeurs républicaines ne pourront jamais grand-chose…