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Gestion de la crise : un effet du « deep state » à la française

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Par Hervé Novelli*

L’expression « politique profonde » (deep politics) remonte aux années 1990. Le professeur Peter Dale Scott de l’université de Berkeley publie alors un ouvrage dans lequel il parle de système politique profond. Il y explique que le gouvernement des Etats-Unis est influencé par un milieu confidentiel et restreint qu’il appelle « l’Etat profond ». Il précise : « Ce que j’appelle “Etat profond” aux Etats-Unis n’est pas une institution formelle, ni une équipe secrète, mais plutôt un cercle de contacts de haut niveau [...] par lequel le pouvoir politique est susceptible d’être dirigé. »

Selon ce concept, il existerait, à côté, ou mieux encore, à l’intérieur des pouvoirs publics, une politique s’imposant aux acteurs traditionnels, décidée en dehors d’eux ou avec leur consentement, éclairé ou non. En somme, « l’Etat profond » est une autre façon de désigner les bureaucraties permanentes.

Jusque-là, on pensait que ce concept était difficilement applicable aux démocraties libérales. L‘exemple de la gestion de la crise sanitaire en France vient nuancer, à tout le moins, ce jugement.

Cumul. Ce qui est clair, c’est que notre pays s’est trouvé dans une situation de gestion calamiteuse des outils de lutte contre la pandémie. Je veux ici parler des besoins en masques, des tests, des appareils respiratoires, voire des lits de réanimations. Lorsque l’on observe de plus près, par exemple, la gestion du stock de masques depuis 2010, on constate que son amenuisement progressif, puis sa quasi-disparition, résultent de décisions administratives endossées par les pouvoirs politiques, de manière consciente ou non.

Ceci renvoie clairement à une caractéristique bien connue de notre pays : celle d’une haute administration forgée souvent à l’ENA, en symbiose avec le pouvoir politique et inamovible, c’est-à-dire survivant aux alternances quelles qu’elles soient.

Elu député dans les années 1990, j’avais identifié les causes de l’incapacité du système politique français par la prééminence du pouvoir administratif à la faveur de son inamovibilité. La bureaucratie qui assaille notre pays en résulte largement. J’avais déposé à l’époque une série de propositions pour lutter contre ce mal français.

Trois me semblent toujours d’actualité. D’abord la réforme de la fonction publique par l’introduction d’un spoil system à la française permettant de renouveler tous les postes de la haute administration à chaque changement présidentiel (une proposition formulée par Emmanuel Macron lors de la présidentielle de 2017). Ensuite, l’impossibilité de cumuler une appartenance à la fonction publique avec l’exercice d’un mandat national. Je cite, en n, aussi l’évolution de la formation à la haute administration dispensée par l’ENA, maintes fois annoncée et toujours différée...

Les difficultés de maîtrise de la crise sanitaire jettent une lumière crue sur « l’Etat profond » à la française. Elles peuvent avoir le mérite, si l’on en prend conscience, d’expliquer que nombre de politiques menées ces dernières décennies ont été plus le fait de convictions administratives que de choix émanant clairement du pouvoir politique avec le résultat que nous connaissons. Il devient urgent d’en tirer les conséquences !

(*) Ex-ministre du Commerce, des PME et de l’Artisanat du gouvernement Fillon, Hervé Novelli est porte-parole de la Fondation Concorde. 

Source : l'Opinion 14/05/2020

http://synthesenationale.hautetfort.com/archive/2020/05/15/gestion-de-la-crise-un-effet-du-deep-state-a-la-francaise-6238595.html

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