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Retour au Franc : est-ce raisonnable ? (article de 2011)

Le fonds monétaire international (FMI) est en première ligne dans la recherche d'une solution pour sortir la Grèce, l'Irlande et le Portugal du surendettement dans lequel l'utilisation de l'euro et des imprudences budgétaires les ont plongées. Il n'est pas inutile de se référer à l'ouvrage L'économique (1972, 8e édition en français) de Paul A. Samuelson, professeur d'économie au Massachusetts Institute of Technology, prix Nobel de Sciences économiques en 1970, pour constater le piège dans lequel ces pays, et ceux de la zone euro sont volontairement, et en toute incompétence, tombés.

Bien qu'ils aient évolué au début des années 1980, les motifs et les mécanismes d'intervention du FMI sont très clairement expliqués. L'objectif n° 1 : « empêcher un pays de s'enfoncer toujours davantage, d'année en année, dans l'endettement. » Le FMI intervient en conditionnant l'octroi de prêts à la mise en œuvre de mesures visant à remédier au déséquilibre persistant. « Toutefois, peut-on lire, aucun pays n'est, en pareille occurrence, invité à créer chez lui un état de dépression aux fins de comprimer son revenu national à un niveau tellement bas que ses importations finiraient par correspondre à ses disponibilités en devises. Au contraire, le pays en question est autorisé à déprécier de son propre chef, une première fois (sic) sa monnaie à raison de 10%, une telle mesure visant à restaurer l'équilibre des changes extérieurs en développant les exportations et en contractant les importations de ce pays. Si toutefois une telle mesure ne suffit pas à corriger la "surévaluation" (sic) de la monnaie du pays débiteur, les autorités du Fonds peuvent, après s'être dûment concertées, autoriser une dépréciation encore plus accentuée de cette monnaie [...] Cependant des clauses de flexibilité permettent, en cas de besoin, de procéder aux ajustements requis, plutôt que d'attendre passivement (resic) un effondrement financier international. » Nous commenterons brièvement un peu plus loin.

A contrario, l'auteur précise que le FMI se rendit compte qu'il devait également s'adresser aux pays excédentaires en les invitant à participer à la restauration de l'équilibre fondamental « Dans cet ordre d'idées, il peut être opportun d'encourager l'Allemagne à apprécier le mark (comme elle l'a fait d'ailleurs en 1961, puis en 1969, ainsi qu'en 1971). Ces pays peuvent être également incités à abaisser leurs barrières douanières et à moins subventionner leurs exportateurs, à consentir des prêts extérieurs et à développer leur aide aux pays sous-développés; à donner un coup de fouet à leur économie si celle-ci est stagnante. » Rappelons qu'il s'agit de la 8e édition en français de 1972, et que, déjà, l'Allemagne se distinguait par sa réussite économique.

La fin inévitable de l’euro

Les lecteurs attentifs auront retenu deux mots « dépréciation » et « surévaluation » de la monnaie. Deux notions qui ne choquent pas M. Samuelson, qu'il recommande même en les justifiant, mais qui sont interdites aux dix-sept pays membres de la zone euro. Il est donc évident que « La fin de l'euro est non seulement possible mais inévitable » ainsi que le déclare Florin Aftalion, professeur à l'Essec dans la tribune qu'il a fait paraître sous ce titre dans Le Figaro du 28 avril, puisque la monnaie unique inadaptée à des pays aux économies et aux endettements inégaux ne le permet pas. C'est le piège et la tare originelle de l'euro.

M. Aftalion considère que la solution à la crise de plusieurs pays de la zone euro passe par une dévaluation de leur monnaie et, comme ils ne peuvent pas le faire, ils n'auront pas d'autre choix que de sortir de la monnaie unique. Il regrette, à la fois, que la Grèce ait renoncé à négocier sa dette avec ses créanciers et le FMI, et l'imprudente précipitation avec laquelle l'Allemagne et la France notamment, ont apporté leur soutien financier à la Grèce 16,8 milliards d'euros pour notre pays - la solidarité financière des pays de la zone euro s'appliquant également à l'Irlande et au Portugal : « La solidarité mettra certains pays de la zone euro dans une position impossible : celle de devoir prêter à d'autres membres de la zone des fonds qu'eux-mêmes devront emprunter alors que leur crédit est au plus bas », insiste-t-il.

La crainte qu'exprime F. Aftalion est la capacité que la Grèce, le Portugal et l'Irlande auront à générer « les surplus budgétaires nécessaires à la stabilisation de leur dette ? Les plans d'austérité qui leur sont imposés sont censés prendre en charge ce problème. » On rappellera que les plans d'austérité impliquent la réduction des dépenses (par diminution du nombre des fonctionnaires), l'augmentation des impôts, une forte croissance (qui ne se décrète pas), elle-même résultat de privatisations, d'assouplissements du marché de l'emploi et de réformes fiscales. En France, on en est au tout début.

F. Aftalion dit pourquoi il ne croit pas à l'efficacité de ces plans « faute d'une dévaluation de leur monnaie ». Au moins c'est clair, et en totale contradiction avec la position d'Olivier Pastré que nous commenterons ci-dessous. M. Aftalion liste les très probables conséquences de la restructuration des dettes de ces pays les contribuables français seront sollicités pour renflouer les banques françaises atteintes par ces restructurations, c'est-à-dire par la perte de leurs créances imprudemment consenties, mais également par la perte des prêts et garanties accordés à ces pays dans le cadre des fonds de stabilité aux pays obligés de se déclarer finalement en cessation de paiement. « Et plus longtemps l'on continuera à "aider" les pays les moins solvables et plus salée sera la note », affirme-t-il. (Voir Rivarol n° 2955 du 4/6/2010) On ne s'indignera jamais assez de l'entêtement, de la légèreté et de l'incompétence dogmatique de nos dirigeants politiques qui dilapident inconsidérément les impôts des contribuables français. Et il insiste, la restructuration des dettes ne sera qu'un palliatif si la zone euro demeure, sous réserve bien sûr que les électeurs allemands n'exigent pas le retrait de l'Allemagne de l'euro, et le retour au deutschemark. La conclusion de l'article est intéressante : « En France peut-être, la dévaluation, donc la sortie de la monnaie unique, apparaîtra comme la seule solution d'une crise de l'endettement généralisé. »

Ne rien changer, tout va bien

Autre refrain dans Le Figaro du 23 avril, cinq jours avant l'analyse de M. Aftalion. Péremptoire, définitif, sans nuance, dans sa très conformiste tribune intitulée « Marine Le Pen=0 en économie », O. Pastré, professeur à l'université Paris VIII considère la sortie de l'euro comme une calamité. Ses arguments une dévaluation de 20 à 30 %, la ruine définitive de toutes les PME consommatrices de produits importés, l'impossibilité absolue d'emprunter sur les marchés financiers, la mise en péril des banques françaises, etc. Rien moins que l'apocalypse ! Si on ajoute à la tentation protectionniste qui aurait, selon lui, pour conséquence d'inciter les fournisseurs de la France à "punir" leur cliente, le drame absolu que seraient un ralentissement de l'immigration et l'application de la préférence nationale, c'est-à-dire la priorité donnée aux citoyens français, quelle que soit leur origine, en matière d'emploi et de prestations sociales, et suprême horreur, l'indexation des salaires sur l'inflation, la boucle de l'épouvante est bouclée. Il ne faut surtout rien changer, tout va bien.

On voit les extraordinaires contradictions qui opposent ces deux professeurs. Or les électeurs, en totale méconnaissance des enjeux pour l'écrasante majorité d'entre eux, vont devoir se prononcer en 2012, sur un choix fondamental qui concerne l'avenir du développement économique et social conserver l'euro ou revenir au franc, et pourquoi. On soulignera que l’UMP, le PS, les écologistes, les centristes issus de l’UMP, le Modem sont tous des partis inconditionnels de l’UE, de l'euro, du libre-échangisme, que tous réclament toujours plus de gouvernance européenne, voire mondiale. Il faudrait un programme cohérent qui tente d'éviter la catastrophe économique et sociale dont l'euro est porteur en organisant la sortie de l'euro pour éviter de la subir inéluctablement comme Florin Aftalion le démontre.

Le nécessaire retour au Franc

La valeur et la stabilité des monnaies sont le résultat des forces et des faiblesses des Etats qui les émettent. Les forces sont la performance de l'économie, et donc sa croissance, la santé des finances publiques, la maîtrise de la création monétaire, enfin la volonté et la compétence des autorités politiques. Les faiblesses sont l'excès des dépenses publiques qui rend inévitable le recours au déficit budgétaire, c'est-à-dire à l'emprunt, à la dette, puis à l'augmentation des impôts afin de payer en pure perte les intérêts de la dette, et si possible le capital emprunté. Charges fiscales qui nuisent autant à la compétitivité des entreprises qu'à la consommation, et qui contraignent au final à faire tourner la planche à billets et à créer de la monnaie de singe. Forces et faiblesses dépendent également du sentiment de l'intérêt national qui anime, ou pas, les dirigeants politiques, de leur sens des responsabilités qui influence la réflexion, l'opinion et la mentalité des peuples, et modère les revendications injustifiées et budgétivores des citoyens, en collaboration ou pas avec des syndicats pragmatiques ayant le sens de l'intérêt général, et non celui d'une minorité souvent protégée par ses statuts afin de maintenir ou élargir des situations acquises.

Si recourir à l'emprunt pour financer des grands travaux d'infrastructures d’Intérêt collectif ou des installations génératrices de développement économique est parfaitement légitime, endetter la France pour assurer le paiement des salaires et des pensions des fonctionnaires, c'est-à-dire le fonctionnement courant de l’État, est aberrant. Il est indispensable de rappeler que le montant de la dette de notre pays s'élève à plus de 1 650 milliards d'euros, et qu'au Budget 2010, les recettes fiscales sont estimées à 270 milliards contre 420 milliards de dépenses. Autrement dit, chaque année, les recettes fiscales ne représentent qu'un peu plus du sixième de la dette constatée en 2010. Dette qui continuera à progresser chaque année puisque les prochains Budgets seront en déficit. Le plus ignare des citoyens comprend qu'il faudra des siècles pour réduire de façon significative la dette de la France. Sauf si elle enregistre une croissance régulière, durable et élevée. Or, selon Wolfgang Schauble, ministre des Finances allemand : « Une fois que l'endettement d'un gouvernement atteint un seuil perçu comme insoutenable, de nouvelles dettes ne font que freiner, et non stimuler, la croissance économique » ! Qui peut croire dans ces conditions que notre pays y parvienne ? La France devra, d'abord, présenter un budget en équilibre. Raymond Barre a été le dernier, en 1980 il y a trente ans -, à réussir cet exploit. Puis, tout en continuant à payer les intérêts de la dette 40,5 milliards cette année, 55 milliards en 2013 -, parvenir à dégager un budget excédentaire pour amortir sa dette. Faisons un rêve : si la France dégageait, intérêts de la dette payés, un excédent de, soyons fous, 25 milliards (!) chaque année, pour parvenir à ramener la dette actuelle, 1 650 milliards, alors qu'en réalité elle va continuer à prendre du ventre (184 milliards seront empruntés en 2011), à 300 milliards, ce qu'elle était en 1981, à l'arrivée de François Mitterrand, il lui faudrait 54 ans, plus d'un demi-siècle !

Il semble admis, même par les inconditionnels de l'euro, que la monnaie des seize États qui l'ont adoptée est la mieux adaptée à l'économie allemande qui en a tiré, et en tire, le maximum d'avantages en mettant à mal les industries de ses voisins et concurrents européens, qu'elle a été proposée à des États dont le développement économique était trop inégal, dont le comportement politique, budgétaire et social est rigoureux ici, laxiste là, aujourd'hui, après l'expression ici ou là de quelques commentaires critiques à l'égard de l'euro, la consigne officielle est : sortir de l'euro pour revenir au franc serait une folie, et malheur suprême, signifierait la mort de l'Europe. Mais, n'était-elle pas agonisante ? En outre, les arguments avancés par la propagande officielle sont d'une affligeante médiocrité. Elle enfile une série d'affirmations assénées sans démonstration convaincante, comparant la situation de l'Argentine, qui en décembre 2001 avait osé décider de rompre le lien de fixité entre le peso et le dollar, avec celle qui affecterait la France si elle avait l'audace d'oser prendre le risque d'un retour au franc. Bref, le tableau est aussi apocalyptique que celui qui avait été présenté avant la mise en service de l'euro était idyllique, paradisiaque et prometteur de siècles de stabilité monétaire, de développement économique et de prospérité. Et donc aussi faux ! Toutefois le plus pitoyable est que ces bons apôtres, ces inconditionnels de l'euro profanent eux-mêmes leur idole. Les mettant face à leur responsabilité et à leur incompétence, Wolfgang Schauble affirme : « L'Union monétaire européenne ne pourra pas fonctionner si certains pays persistent à accuser des déficits budgétaires et à affaiblir leur compétitivité aux dépens de la stabilité de l'euro. » Tout est dit.

Rappels sur l’endettement de la France

Arrêtons-nous quelques minutes. L'euro a été mis en circulation le 1er janvier 2002. Entre 1981 et 1995, pendant la présidence de François Mitterrand, la dette française réalisée alors que notre monnaie était le franc passe, en équivalent euros, de 300 milliards d'euros à 650 milliards , au départ de Chirac en 2007, le franc n'étant plus notre monnaie depuis cinq ans, la dette atteint 1200 milliards d'euros. C'est sans doute aussi grâce à l'euro que le président Sarkozy et Fillon, son Premier ministre, portent la dette à 1 650 milliards d'euros, soit plus de 450 milliards en un peu plus de trois ans ! Les chiffres parlent d'eux-mêmes, l'euro protège beaucoup plus mal que le franc bien qu'il ait été dévalué en 1981, 1982, 1983, 1986 (en parallèle le deutschemark est à chaque fois réévalué...), et enfin en 1987, car si le franc n'est pas dévalué, les monnaies allemande, néerlandaise, belge et luxembourgeoise sont réévaluées.

On sait également qu'après la Première Guerre mondiale, la France fut à la fois ruinée et endettée sa dette était passée de 30 milliards de francs germinal en 1914 à 223 milliards en 1918. La dévaluation Poincaré en 1928, qui faisait perdre les 4/5e de son poids d'or à 900 % au franc germinal, permit provisoirement le relèvement de l'économie. Les dévaluations de 1936, 1937 et 1938 eurent pour origine uniquement des raisons de politique intérieure, sans aucun bénéfice pour l'économie. Socialisme oblige.

En septembre 1944, il apparut que l'occupation allemande avait coûté 858 milliards de francs à la France, couverte à 60 % environ par des avances de la Banque de France, et que notre compte prêt-bail auprès des États-Unis était débiteur de 2 milliards de dollars environ. Un dollar qui valait 50 francs en 1944, et 350 en 1949. Pour simplifier, la cession de l'or participa, entre autres mesures, au désendettement de la France. Il passa de 1 777 tonnes en 1944 à 400 tonnes en 1949. Ces rappels pour montrer que l'endettement de la France n'est pas un fait nouveau. Sauf que ces deux endettements successifs sont les conséquences de deux guerres mondiales, dont près de cinq ans d'occupation, alors que depuis plus de trente ans, la dette est la conséquence de mauvais choix politiques, d'une inadaptation de notre économie à la mondialisation dont nos dirigeants politiques, financiers et économiques sont les plus fervents soutiens quand ils n'en sont pas les organisateurs, et d'une monnaie surévaluée, inadaptée et sur laquelle nos dirigeants politiques ne peuvent pas intervenir.

Quelques mots sur l'Europe dont la disparition, nous assure-t-on, serait un drame. Le traité de Maastricht prétendait vouloir renforcer la compétitivité de l'industrie de la Communauté. Pour la France, c'est raté. En dix ans, de 1998 à 2008, notre pays a subi une perte relative de ses exportations de plus de 100 milliards d'euros, soit plus de 5 % du PIB, représentant une perte de 40 milliards aux budgets de l’État et de la Sécurité sociale. La part des exportations françaises dans le total européen est passé de 16,8 % à 13,2 %, l'industrie a perdu plus d'un million d'emplois entre 1990 et 2008. La Chine est devenue depuis 2009 le deuxième fournisseur de l'Allemagne, derrière les Pays-Bas, mais devançant la France. L'Europe n'a pas su renforcer la compétitivité de l'industrie communautaire, l'euro y ayant négativement contribué en ne permettant pas aux États d'adapter la monnaie aux importations de produits fabriqués par des salariés sous-payés et sans protection sociale. Elle a donc totalement failli quant à la protection à la frontière extérieure commune contre les exportations à bas prix. Enfin en 2008 selon l'Office statistique de l’UE, 116 millions d'Européens, 23,6 % de la population des 27 États membres, étaient "menacés'' de pauvreté, dont 7,8 millions de Français, 13 % de la population française, la moitié de ces derniers survivant avec 773 euros par mois, essentiellement des prestations sociales. Et elle nous coûtera 18 milliards cette année pour nous imposer des directives stérilisantes. Et c'est ça qu'il faudrait regretter…

Reste qu'il faudra bel et bien rembourser les emprunts. On a vu ci-dessus qu'à situation monétaire inchangée, le défi est énorme, irréaliste. Alors faut-il continuer à solliciter ou garantir des emprunts, à la fois pour voler au secours de la Grèce et de l'Irlande, de quel autre État demain, et faire face au déficit du budget de la France ? Et prendre le risque de devoir supporter des taux d'intérêts en hausse constante, dépendants de l'appréciation d'agences internationales de notation et de spéculateurs, - 68 % des détenteurs de la dette française sont des non-résidents disposant - de capitaux vagabonds. Ceux qui n'ont pour objectif que de se faire réélire s'en satisfont d'autant mieux qu'ils ne sont évidemment pas disposés à prendre les électeurs à rebrousse-poil en leur demandant des efforts fiscaux, ou en diminuant les prestations sociales à cotisations égales ou en hausse. Ce qui se fait néanmoins mais à petites touches régulières.

Comment amortir la baisse et relancer l’économie

À situation inchangée, c'est mission impossible. Il ne reste qu'une solution, sortir de l'euro, rétablir le franc, transformer en franc à sa valeur actuelle (6,56 Fr pour 1 euro) le montant de la dette de la France, organiser immédiatement une dévaluation de la monnaie nationale recréée, et mettre ainsi sur le marché du papier directement tiré de la planche à billets. La France continuerait à verser à bonne date intérêts et capital, sauf que le franc étant dévalué les créanciers percevraient des devises ayant un pouvoir d'achat inférieur à celui qu'elles avaient lorsqu'elles ont été empruntées (32 % des détenteurs de la dette française résident en France). Evidemment la morale en prend un coup, mais existe-t-il une morale en matière de spéculations ? D'ailleurs, la Chine exprime son inquiétude, elle est en effet « très préoccupée de savoir si la crise de la dette européenne peut être contrôlée » selon Chen Deming, son ministre du Commerce. Soucieuse de savoir si l'Europe sortira « rapidement et en bonne forme de la crise ». En attendant la Chine prend des gages, et des positions économiques hors de ses frontières. En Grèce, les Chinois ont créé un fonds de 3,6 milliards d'euros destinés aux armateurs grecs et ils se sont engagés à racheter des obligations d’État. Au Portugal, les Chinois sont prêts à acheter 4 à 5 milliards d'euros de dette portugaise, en échange des appuis que le Portugal se serait engagé à apporter à la Chine pour conforter ses investissements stratégiques en Angola et au Brésil. Dans le même temps, la Chine invite ses entreprises à investir massivement au Portugal. Compte tenu de ce qui précède, il devient impératif pour la France de présenter des budgets en équilibre car les créanciers étrangers, s’il s'en trouvait, ne consentiraient des prêts qu'à des taux d'intérêt très élevés, ou au prix d'exigences léonines. La parade étant, mais uniquement pour financer des équipements structurants, d'emprunter à faible taux auprès de la Banque de France qui retrouverait ainsi son rôle de prêteur institutionnel.

Parallèlement, sans que malheureusement l'effet soit immédiat, l'objectif est de relancer la croissance, et d'augmenter les recettes fiscales et les cotisations sociales. Avec pour corollaires de stimuler les exportations, de réduire les importations, avec pour ces dernières des conséquences inévitables telles que le renchérissement des matières premières (minerais, pétrole, gaz) et des prix à la consommation. Rappelons qu'entre 1945 et 1949, les prix augmentaient en moyenne de 50 % par an, que les prix, base 100 en 1950, atteignaient 176 en 1960, 262 en 1970, 658 en 1980, 1211 en 1990, soit +84 % en 10 ans. Entre 1980 et 1990, les salaires avaient progressé eux de près de 98 %. Qui se plaignait de l'inflation ? Depuis lors, l'inflation a diminué, qui s'en porte mieux ? La faiblesse du franc pourrait également avoir pour conséquence le rachat à bon marché de certaines entreprises par des fonds étrangers, mais également l'implantation d'industries exportatrices attirées par la dévaluation du franc.

Sans avoir subi les conséquences d'une guerre, la France est au plan de son endettement dans une situation comparable à celle qui a été la sienne en 1918 et en 1945. Faute de mourir d'épuisement, de devoir finir de livrer le reliquat de souveraineté et d'indépendance qui lui reste à la BCE, au FMI, à la Chine qui impose sa puissance économique et financière avec un réalisme impitoyable à la Grèce et au Portugal et à ceux qui voient dans la situation de crise qu'ils ont peut-être organisée, mais qu'ils ne maîtrisent pas, tout en s'enrichissant par la spéculation, le moyen de construire ce gouvernement économique, financier et au final politique, qui sonnera le glas des nations, notamment européennes, la France n'a pas d'autre choix que de reprendre sa liberté, et de redevenir maîtresse de sa monnaie nationale.

Il faut évidemment un gouvernement courageux, compétent, élu par une large majorité. Il lui faut en outre la durée. Alors qu'il est remis en question tous les cinq ans, un gouvernement sans la durée et un large soutien populaire convaincu que les efforts demandés produiront leurs effets (embauche, baisse du chômage) dans un délai raisonnable, ne peut pas réussir. Est-il donc raisonnable de croire que ce miracle pourrait se réaliser ?

Pierre PERALDI. Écrits de Paris N° 744 juillet 2011

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