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La dette, source d'injustice et de violence (2010) 1/2

Pourtant à l'origine de la crise actuelle, dont on s'attend à une aggravation, l'endettement est pour le moment la seule vraie réponse apportée à cette crise. Impossible en effet pour les États de se désendetter sans causer une grave dépression économique.

Aux États-Unis, le secteur privé est toujours très endetté. Début avril, le Wall Street Journal révélait ainsi que les 18 plus grandes banques américaines auraient dissimulé en moyenne 42 % des dettes figurant au passif de leurs bilans grâce à des artifices comptables. En France et ailleurs en Europe, les banques sont sommées par les ministères de prêter (d'endetter...) plus aux particuliers et aux entreprises de manière à ne pas fragiliser la reprise.

L'endettement du secteur public et des États (qui est en fait largement le refinancement des agents privés en grande difficulté) continue également, plus que jamais. Le département de la Seine-Saint-Denis a quasiment fait banqueroute. Claude Bartolone, le président du conseil général de ce département, annonce ainsi - et s'en vante - qu'il fera voter un budget avec un déficit de 75 millions, en contravention avec la loi. L'État devrait évidemment financer ce déficit (largement dû aux prestations sociales arrosant les populations d'origine étrangère), car il n'a pas vraiment le choix. En Saône-et-Loire, le président (également socialiste) du conseil général Arnaud Montebourg réclame 52 millions à l'État et annonce que la dépense de RMI et de RSA explose dans son département. L'État est également appelé à la rescousse pour 80 000 chômeurs arrivant prochainement en fin de droits et il devrait passer à la caisse à hauteur de 110 millions. S’y refuser, et se retrouver brusquement avec peut-être 50 000 SDF en plus, serait suicidaire sur les plans social et politique pour un président de la République déjà discrédité. Mais on pourrait multiplier les exemples dans quasiment tous les pays occidentaux, à commencer bien sûr par l'énorme "refinancement" de la Grèce par la Banque centrale européenne (BCE) de M. Trichet et le Fonds monétaire international (FMI) de M. Strauss-Kahn.

En 2009, Christine Lagarde avait été interpellée à l'Assemblée nationale par un député de l'opposition qui lui reprochait de n'apporter que l'endettement comme réponse à la crise et auquel elle avait répondu : « Eh bien oui, c'est très classique, monsieur le député, la croissance est financée par la dette. » C'est vrai, mais c'est incomplet. Car la ministre, dans sa réponse, entend en fait par "croissance" la croissance autoentretenue, celle qui permet ultérieurement (toujours ultérieurement) de se désendetter sans souffrir.

La fameuse et mythique croissance autoentretenue, nous y voilà ! Ce n'est en fait qu'un mythe. Pour s'en rendre compte, il suffit de considérer l'évolution depuis trente ans de la dette publique française exprimée en pourcentage du revenu national (le PNB). C'est le plus important et le plus impressionnant de tous les graphiques sur la dette. Elle passe d'à peine 3 % de notre revenu en 1978 à près de 80 % aujourd'hui. Le point fondamental est que cette évolution n'est pas cyclique, en dents de scie, mais continue et croissante. Quels que soient les chiffres de la croissance, la dette monte de toute façon, à quelques toutes petites variations près.

Il y a donc un coefficient de corrélation positif entre croissance et dette. La dette n'est nullement une sorte de démarreur momentané permettant d'amorcer la croissance, c'est son essence même, venant combler le déficit de revenu issu de la désindustrialisation et du creusement des inégalités. Comme ce déficit de revenu est permanent puisque structurel, l'injection de crédits de substitution doit également être permanente. Les dépréciations d'actifs qui en découlent et qu'on feint de "découvrir" au dernier moment (le temps d'avoir pu gagner de l'argent sur les "bulles" financières, immobilières ou informatiques) sont donc nécessairement récurrentes.

Cette corrélation entre crédits endettement et croissance se manifeste de manière très concrète. Voici un exemple américain (mais la même chose se passe en France) parmi des centaines d'autres. Le 8 avril 2010, la société de prêt-à-porter GAP (production et distribution) annonce des ventes au détail meilleures que prévu, en hausse de 11 %, à la suite de quoi le cours de l'action GAP s'envole. Ce faisant, en achetant des actions les investisseurs contribuent bien sûr à la croissance économique générale, mais également au déficit de la balance commerciale (c'est-à-dire à de la dette extérieure) étant donné que GAP a délocalisé une part importante de sa production en Asie.

Nos paysages mêmes sont façonnés par l'endettement : zones pavillonnaires avec maisons achetées à crédit, auxquels on ne peut accéder facilement qu'avec des voitures achetées à crédit, vastes centre commerciaux où tout se vend à crédit... Cela illustre le lien existant entre dette, société de consommation, croissance et libre-échangisme; mais l'endettement a aussi deux autres causes majeures les régimes sociaux (retraites, prestations sociales...) et les inégalités engendrées par le système financier. Or pour différentes raisons, il est quasiment impossible de toucher vraiment à la moindre de ces causes.

À suivre

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