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L'œuvre de Soljénitsyne, témoignage sur l'Union soviétique et le peuple russe 3/4

Les femmes, théoriquement rigoureusement séparées des hommes, mais souvent enfermées dans des camps-jumeaux, ont été victimes systématiquement des violences que l'on imagine de la part des gardiens et des détenus de droits communs - très doués pour franchir tous les murs ou grillages possibles, non pour s'évader, mais pour satisfaire leurs bas instincts -. Dans le camp même des hommes, de nombreux pervers gardiens ou détenus de droits communs, s'attaquent aussi couramment aux adolescents. Paradoxalement une grossesse, phénomène fréquent dans ces circonstances, constitue une garantie de quelques mois de calme relatif, donc de survie pour ces détenues. Les bébés, lorsqu'ils survivent, sont enlevés aux mères de manière quasiment systématique.

Les "politiques" soit la très grande majorités des internés, presque tous innocents - ou pour les plus "coupables" auteurs d'une plaisanterie ou d'une parole d'humeur contre le régime -, sont les victimes permanentes, soumises à un travail intensif, et elles meurent massivement. La vertu individuelle, celle consistant à avoir un caractère sérieux et travailleur, conduit rapidement à la mort. L'auteur le démontre par les rations : celle, disciplinaire, très réduite, de celui qui refuse de travailler, conduit au final bien plus lentement à la mort que celle double du travailleur méritant, qui meurt d'épuisement inévitablement en quelques jours, quelques semaines au plus.

Même si elle souffre d'une certaine confusion formelle assumée, l'œuvre démontre la perversité intrinsèque du système, dont les rares réussites économiques proclamées reposent sur l'utilisation massive de main-d'œuvre esclave. Le soi-disant paradis des travailleurs constitue pour eux un enfer pire que le régime capitaliste que l'auteur n'a pas la naïveté de prendre pour bon en soi Soljénitsyne s'insurge particulièrement contre la récupération possible de ses nouvelles par le régime, au nom d'un "bon" communisme qui s'opposerait à sa perversion stalinienne. Il critique justement la masse de textes de communistes dénonçant la vague de purges de 1937, et seulement celle-là, car elle frappe massivement les membres du parti, singulièrement les cadres, alors tous de parfaits staliniens sinon, ils auraient disparu bien avant , il raconte au passage l'histoire des différentes vagues de destruction des ennemis réels ou supposés du régime -, et dénonce le fait que les socialistes, puis les communistes, refusent systématiquement de se mêler aux autres détenus, et forment un vivier permanent et sûr d’indicateurs pour les gardiens; bref, ceux-là ne sont pas des innocents et ne méritent aucune compassion à rebours du discours officiel soviétique des années 1960 -.

Les romans

Le Pavillon des Cancéreux (1968) est une œuvre particulièrement sombre. Soljénitsyne évoque un monde de malades, qui sont tous ou presque à terme condamnés. Si les détails médicaux nombreux, parfois pénibles avec des discussions techniques de médecins -, rendent la lecture au premier degré crédible, on peut aussi discerner une parabole de l'URSS, monde malade, voire de l'humanité tout homme est condamné tôt ou tard à passer le Styx, et la réflexion sur la mort est valable pour tous. L'absurdité du système soviétique est encore démontrée par ce monde médical sur les cinq à six médecins-chirurgiens théoriques de la clinique, deux effectuent réellement, avec un dévouement exemplaire, leur travail les autres sont plus ou moins incompétents dont le Kalmouk promu au titre des minorités ou simplement fainéants ou dépourvus de toute éthique de travail, le problème s'étend évidemment aux infirmières, au personnel de salle et de nettoyage travail essentiel que la propreté en hôpital -, qui accomplissent le plus souvent mal leur fonction. L'irresponsabilité, la négligence sont systématiques. Les patients meurent, et fatalisme, mourraient probablement de toute façon de meilleurs soins ne feraient que prolonger leurs souffrances. Cette œuvre se caractérise par son pessimisme absolu.

Le Premier Cercle (1968) constitue probablement le chef-d'œuvre de Soljénitsyne. Le titre renvoie au premier cercle de L'Enfer de Dante, les limbes les membres de ce cercle ne sont pas abominablement torturés comme dans tous les cercles inférieurs, mais il s'agit nonobstant d'une forme d'entrée dans le monde infernal, celui des camps de travail soviétique. Le contexte très particulier intéresse en soi : il s'agit d'un atelier de recherche soviétique, à objectifs multiples, mais travaillant en particulier sur les débuts de la télévision, et employant un personnel concentrationnaire, des condamnés pour délits politiques imaginaires mais sauvés du pire - mines de Sibérie orientale ou du Grand-Nord -, à la fin des années 1940, la main-d'œuvre de ces chercheurs russes détenus est massivement composés de déportés allemands ou lettons. La proximité de Moscou permet de construire un véritable roman-choral où se retrouvent des procureurs et leur famille, profiteurs du régime, nouvelle classe dirigeante très satisfaite d'elle-même, par définition solidaire des Soviets, dont toutefois la perversité n'offre aucune garantie pour elle-même, un des membres de cette classe dirigeante, pur hédoniste jusque-là, accomplit un jour dans sa vie un geste bon, courageux, sauve un inconnu d'une manipulation du NKVD, et passe de ce paradis artificiel à l'enfer de la prison, puis des camps. L'inconnu est un médecin soviétique, qui a commis la naïveté de prendre au premier degré la notion d'échanges scientifiques avec l'Ouest, au lieu d'espionnage à sens unique au profit de l'URSS, et a l'idée de livrer un médicament soviétique par exception particulièrement efficace après en avoir reçu gratuitement de nombreux autres de l'Occident. Ainsi est encore démonté le plus gros mensonge soviétique, celui de prétendre servir l'humanité dans son ensemble, évidence pour le médecin, considéré comme traître à l'URSS, et sauvé du pire de justesse. Le NKVD recherche le coupable de cette information, trouve six suspects le scientifique du camp forcé de collaborer dans l'analyse sonore du coup de téléphone salvateur relativement, car le médecin est déporté quand même pense sauver cinq hommes sur les six suspects, résolution de son dilemme moral, mais finalement deux sont arrêtés et le NKVD « trouvera certainement quelque chose contre l'un et l'autre », cynisme révélateur de la monstruosité du régime.

À suivre

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