Jérôme Fourquet est le directeur du département opinion et stratégie d’entreprises chez le plus célèbre de nos sondeurs, L'IFOP. Il propose aujourd’hui une réflexion sur le glissement à droite des catholiques, nourrie de sondages mais alimenté aussi de ces innombrables détails qui font l’histoire.
Le point de départ de Jérôme Fourquet, c'est sans doute le livre de Gaël Brustier sur la Manif pour tous intitulé significativement Le Mai 68 des conservateurs. Les Grandes Manifs de 2013 ont-elles constitué comme une révolution tranquille au cours de laquelle, malgré l'insuccès final, les catholiques, massivement représentés, auraient retrouvé leur fierté et leur identité sociale, perdue depuis longtemps, dans l'euphorie des Trente glorieuses ? Il fallait l'objectivité du sondeur pour vérifier ce diagnostic et, au besoin, le prolonger ou le moduler. Ce livre, À la droite de Dieu, offre une sorte d'inventaire chiffré des mutations droitières du catholicisme français, qui donnent une chance, dans notre pays à la droite tout entière…
On retrouve, au-delà de Gaël Brustier, une idée souvent formulée par Patrick Buisson, selon lequel un nouveau populisme émerge, le populisme chrétien, un populisme qui n'a pas pour but la défense d'intérêts matériels, mais qui se sent obscurément menacé dans ce que l'on peut appeler sa civilisation, parce que les valeurs immatérielles qui sont en jeu n'ont pas d'autre nom. L'intérêt de ce livre, À la droite de Dieu, c'est qu'il constitue une reconstitution précise des quatre années-charnières qui vont des débats autour de la loi sur le mariage homosexuel (au cours desquels François Hollande a perdu la clientèle musulmane traditionnelle du PS, en même temps qu'il a structuré les chrétiens contre lui) à l'année électorale 2017 avec la victoire inattendue à la Primaire de François Fillon et l'émergence du candidat libéral Emmanuel Macron. Certains ont vu dans la victoire d’Emmanuel Macron une sorte de clap de fin sur la scène politique. Pas Jérôme Fourquet, qui souligne que ce libéralisme ne pourra jamais satisfaire ni les catholiques de droite ni les catholiques de gauche et qui craint, contre le pape François dont les positions pro-migrants sont connues, une tendance à la radicalisation des catholiques, tendance qui risque de leur faire quitter le jeu politique, sans même qu'ils ne s'en rendent compte.
Des catholiques radicalisés
Je cite, une fois n'est pas coutume, la dernière phrase de ce livre : « Dans ce contexte, le durcissement idéologique d'une frange des catholiques français ne serait que l'expression du phénomène, classique en sociologie, du raidissement identitaire de groupes devenus minoritaires sous l'effet d'un déclin démographique inexorable et d'une modification rapide de leur environnement ». Le pessimisme de Jérôme Fourquet apparaît là au grand jour. On devine, en creux, une exhortation à ne pas quitter le champ politique, très présente par ailleurs aussi dans un livre paru au même moment Le défi chrétien de François Huguenin. Dans cette dernière phrase où tout est pesé, l'allusion au grand remplacement est transparente (relisez !). Il y a ceux qui le promeuvent et ceux qui s'y opposent et qui, dans leur raidissement à dénoncer un fait qui est loin d'être historiquement acte, font, malgré eux, le jeu des promoteurs…
Dans l'un dès derniers sondages qu'il offre à la sagacité de son lecteur, Jérôme Fourquet montre au contraire qu'entre 2012 et 2016, on découvre (suite en particulier à l'assassinat du Père Hamel), une prise de conscience des catholiques, qui sur la question du foulard à l'école, après avoir longtemps joué, pour beaucoup, la carte de la tolérance religieuse, sont désormais encore plus opposés que le reste de la population au port de ce signe contraire à notre culture. Alors que l'ensemble de la population rejette ce voile, à 63 % (chiffre stable depuis 2012), les catholiques pratiquants sont passés de 54 % seulement opposés au voile en 2012 à 67 % aujourd'hui. Ce chiffre montre qu'il s'est passé quelque chose, qui touche à la culture en général mais aussi à une conscience profonde du respect dû aux femmes. Fourquet cite quelques témoignages poignants : « J'ai toujours été pour l'accueil des réfugiés syriens. Mais là, c'est un drame pour moi en tant qu'humaine, je suis pour les accueillir, en tant que femme, je suis révulsée par ces mecs. Cette affaire (des abus sexuels la nuit de la Saint-Sylvestre 2015 à Cologne) a fait ressurgir ce que je savais déjà mais que je voulais oublier, cette façon dont la femme est considérée chez les musulmans ». Un témoignage parmi d'autres.
Plutôt que de s'ensevelir dans la déploration, il importe de réunir les forces qui, plus que jamais, sont orientées « à droite toute » dans notre pays, pour préserver cette identité civilisationnelle chrétienne, qui a fait la grandeur du continent européen dans le monde.
Jérôme Fourquet, À la droite de Dieu, éd. du Cerf, 2018,174 p., 18 €.
Joël Prieur monde&vie 15 février 2018 n°951